Humour : Kinshasa fait la découverte de « Monsieur Nimportequi »

Samedi 7 Juin 2014 - 2:00

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La poignée de spectateurs venus assister à la première représentation du comédien camerounais Wakeu Fogaing offerte dans le cadre du festival Ça se passe à Kin le 4 juin au Centre Wallonie-Bruxelles (CWB) l’ont trouvé très sympathique dans la peau du personnage principal de son solo Mon candidat n’est pas n’importe qui

Wakeu Fogaing dans Mon candidat n’est pas n’importe qui au CWBPas un seul mot du discours entendu pendant les soixante-dix minutes qu’a duré le spectacle à l’affiche mercredi dernier au Centre culturel belge n’a échappé à l’assistance. Tout ouïe, elle ne manquait pas de rire ou de s’étonner des drôles histoires de « Monsieur Nimportequi ».

Ainsi que son titre Mon candidat n’est pas n’importe qui le laisse deviner, dans la pièce il est question de politique mais pas seulement, comme on s’en rend compte en la suivant. En effet, on entend Monsieur Nimportequi deviser sur bien de sujets à la fois. Il trouve donc le moyen, dans le fil de son discours, de glisser tantôt sur un épisode de sa vie familiale qui inclut un brin de récit sur son voisinage. Il parle alors de sa femme qui le « bat » moralement parce qu’elle aimerait avoir une fille qu’il n’arrive pas à lui donner après avoir eu huit garçons. Ou alors, c’est sur une discussion avec son fils qui ne jure que par le hip-hop et dédaigne la musique de Manu Dibango à laquelle lui-même voue un culte, ou encore, c’est un propos sur ce voisin qu’il soupçonne d’être gendarme et prend ainsi plaisir à enrager avec le banal refrain de l’air de Fred Adison : « Quand un gendarme rit, dans la gendarmerie, tous les gendarmes rient ».

Pour Wakeu Fogaing, qui se trouve être l’auteur des textes dont il assure aussi lui-même la mise en scène, il n’y arien d’étonnant à ce que Mon candidat n’est pas n’importe qui ne se cantonne pas à la politique. Car, il est plutôt d’avis que «  le social fait partie de la vie politique ». Dès lors, explique-t-il, « il n’est pas mal venu que Monsieur Nimportequi parle de sa femme ou des relations tendues avec son voisin ».

Sujet intéressant

Dommage tout de même qu’un spectacle de pareille qualité n’ait pas été vu par plus de monde, sans doute un déficit de communication que l’on ne saurait pardonner à l’organisation. C’est péché que d’avoir fait rater aux Kinois, pourtant friands de théâtre, un moment bien palpitant, surtout que le sujet abordé n’aurait pas manqué d’en intéresser plus d’un. En effet, comme l’a si bien souligné Wakeu Fogaing, Mon candidat n’est pas n’importe qui, est né du fait qu’il avait voulu « travailler sur les non-dits des discours politiques ». Il porte donc avant tout sur l’adresse d’un Monsieur Nimportequi, dont la franchise est déconcertante, à ses futurs électeurs. D’ailleurs, d’entrée de jeu, on peut se faire une idée du personnage quand, en guise de salutation, il dit : « Excellences, Messieurs les représentants de la canaille nationale, honorables affamés, malheureux misérables, Mesdames et Messieurs ». Après cette introduction insolite, l’entendre ajouter « Les élections sont proches, je ne fais pas la campagne. Je n’aime pas la campagne, je déteste la campagne, car la campagne c’est pour les démagogues et les prétentieux. Je n’ai jamais fait campagne, pourtant on m’a toujours nommé ou voté pour moi » finit de convaincre sur sa morale.

Au final, l’analyse des campagnes et des propos politiques des candidats qu'a fait l’effort de faire Wakeu Fogaing fait comprendre au public ce qu’il a compris avant et lui donne à découvrir, si l’on peut dire, qu'« être candidat n’est pas une chose aisée et donnée ». La pièce livre donc, sur le ton d’un humour bon enfant, entre dérision et critique, une sorte de scanner de notre environnement social.

Nioni Masela