Grand écran : un peintre sous l’objectif de Mweze Ngangura

Samedi 12 Octobre 2013 - 14:27

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Le prochain film du réalisateur congolais, Ekunde, peintre exorciste, entend faire découvrir au monde un artiste populaire et ses œuvres picturales aux « exceptionnelles vertus de guérison ».

Depuis Tu n’as rien vu à Kinshasa sorti en 2009, Dieudonné Mweze Ngangura c’était fait bien silencieux suite à des soucis de santé. Remis depuis quelques mois et en séjour privé à Kinshasa récemment, le cinéaste a confié aux Dépêches de Brazzaville son intention de briser le silence, quitte à sortir de ses tiroirs ses deux dernières réalisations, à savoir Ekunde, le peintre exorciste et Shégué. Quoique leur tournage ait été effectué en 2007, les deux films gardent tout leur intérêt.

Des deux moyens métrages, Mweze Ngangura nous a dit avoir choisi de sortir en premier le portrait du peintre populaire Ekunde. Du reste, il a déjà organisé deux projections privées du film, la première à la demande d’un ami personnel de l’artiste et la dernière, le 28 septembre dernier à Kinshasa. Les cinquante minutes que durent Ekunde, le peintre exorciste met en face d’un joyeux marginal qui s’est créé, à la suite du décès de sa compagne, un abri de fortune à son lieu de travail, dans l’enceinte du Centre culturel congolais Le Zoo. Son atelier n’est pas le seul à la façade arrière de la bâtisse jaune qui en abrite un certain nombre et se constitue en carrefour de plusieurs peintres populaires.

Bosoku Ekunde est un ex-bédéiste, ce n’est d’ailleurs pas la seule facette de sa vie qu’évoque cet artiste multidisciplinaire qui ne se sert pas que de son pinceau pour peindre la vie quotidienne. En effet, le peintre qui ne manque pas de talent était aussi chanteur, ce dont il donne la preuve dès les premières secondes du film où on l’entend interpréter une de ses compositions en peignant. Mais il est aussi cofondateur du ballet traditionnel Lisanga ya ba nganga avec feu « Docteur Djicain ». À découvrir qu’ Ekunde est petit-fils d’une guérisseuse, sa grand-mère s’était personnellement occupée de son éducation, certains s’étonneront peut-être un peu moins qu’il attribue des « pouvoirs de guérison » à ses toiles.

Ekunde, le peintre exorciste

Ekunde fustige tout particulièrement l’habillement indécent des kinoises, il trouve à redire sur le port, très prisé par ces dames, du string souvent laissé au vent débordant des pantalons jeans et autres jupes taille basse. Il n’a de cesse de les peindre, souvent avec un postérieur généreux, dans différentes situations quotidiennes qui ne sont pas à leur avantage, du moins sur le plan moral. C’est là que l’artiste exerce sa responsabilité de moralisateur dans sa société. Et, par delà, il est question des prétendues propriétés surnaturelles de ses tableaux. Ce sur quoi Mweze Ngangura a apporté quelques éclaircies. Le réalisateur a amorcé son propos par l’explication du sens donné au titre Ekunde, le peintre exorciste. Il s’est exprimé de la sorte : «  Ekunde est convaincu que sa peinture guérit tous les maux de la société. Il s’évertue à peindre ce que font les gens afin de les emmener à changer et opère ainsi une sorte de guérison ». Quant au modus operandi, il l’a évoqué de cette manière : « Il peint tout ce que les gens font. Ces derniers sont surpris de se voir dans ce miroir et se sentent gênés un peu comme si le voile tombait de leurs yeux. Ils prennent alors la résolution de changer leur comportement ». Des propos que corroborent Ekunde affirmant que par ce procédé, il est parvenu à convertir des pickpockets du grand marché, situé à proximité de son atelier, en honnêtes citoyens qui s’étaient reconnus en situation dans ses toiles.

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Une des toiles d’Ekunde baptisée L’habillement et ses conséquences