Les Dépêches de Brazzaville : Makassi, votre second album, a-t-il été fait dans la même dynamique que le premier ?
Freddy Massamba : Non, car l’histoire du premier album démarre à Dakar quand Didier Awadi me propose d’assurer la direction artistique de Présidents d’Afrique au Studio Sankara. Je rencontre alors Fred Hirschy, mon bassiste, qui s’occupait d’un petit studio appelé « le labo » d’où partaient tous les sons avant d’aller au Studio Sankara de Didier Awadi. Il m’a fait écouter les sons qu’il faisait, me confiant qu’il cherchait des jeunes chanteurs africains pour poser sur des musiques soul américaines tout en chantant dans leur propre langue. J’ai écouté, puis j’ai improvisé et voilà ! 90% des titres que l’on retrouve dans Ethnophonie partent des improvisations qui ont été retravaillées et sur lesquelles j’ai ajouté les textes. À la différence de Makassi, j’ai eu le temps de réfléchir. Je voulais fusionner ma couleur d’Afrique centrale avec la soul. On y retrouve par exemple Rodriguez, le guitariste de Lexxus Legal, qui a posé des sébènes, des guitares de la rumba congolaise sur certains titres.
Vous avez un discours très revendicateur de vos racines, des langues africaines et pourtant vous évoluez aujourd'hui dans un espace géographique presque éloignés d’elles ?
Exactement. J’appartiens à la génération smurf, hip-hop. Mon père écoutait James Brown, Stevie Wonder... Nous passions nos week-ends au rythme de Bob Marley et Jimmy Cliff. Et juste à côté, les pères de mes potes n’écoutaient que de la rumba, qui déjà s’installait. J’ai vite été curieux de ce qui se passait dans la rue. J’ai été séduit par la musique traditionnelle, et de fil en aiguille par les langues africaines. Actuellement, j’apprends le swahili à Bruxelles, où je suis installé. Cela dit, si le projet Freddy Massamba marche aussi bien en Europe qu’au Canada et aux États-Unis c’est parce que je chante dans ma langue. Et c’est parce que je m’intéresse aux instruments traditionnels. L’Afrique a tellement d’instruments qu’il faut leur donner la priorité.
Vous multipliez les collaborations ces derniers temps. On vous a vu aux côtés de Ray Lema, Ballou Canta en particulier. Que vous apportent ces expériences ?
Ces collaborations m’apportent de l’expérience et de la bonne énergie. Ray Lema est quelqu’un de très cool. Nous avons le même discours. Lorsque Tonton Ray se lance sur le piano, il suffit d’un regard pour que je me lance. Il y a une forte confiance entre nous. On s’est rencontré à Kinshasa à la faveur de son projet Station Congo. Depuis on ne se quitte pas.
Dans quel était d’esprit étiez-vous avant de rencontrer le public brazzavillois le 11 juin ?
Ça ne s’explique pas. Non seulement il y avait beaucoup de pression, mais en même temps une joie énorme de voir les siens chanter les morceaux et me donner que du positif, car ils viennent à la fois pour t’écouter et partager.
Quel regard portez-vous sur la scène hip-hop congolaise ?
C’est chaud ! Elle est inexistante. À mon avis, la rumba nous écrase et le coupé-décalé ne nous mène nulle part. Nous sommes absents des festivals, alors que c’est là que ça se passe. Et puis, je suis frustré d’être seul. Ce que l’on propose n’est pas digne. Ça ne nous représente pas. Ici, j’ai rencontré certains rappeurs à qui j’ai dit : « Tant que vous ne vous mettrez pas dans la tête que vous avez des langues et des rythmes propres à votre identité, vous n’irez nulle part ! » Ils font du Booba tandis que lui-même a des problèmes en France. Ils font du Kerry James, mais ils ne le sont pas. Ce qui manque, c’est la recherche…