Feuilleton: Samba De Dieu (16)

Samedi 5 Mai 2018 - 14:13

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Perry Atondo est le député du moment. L’affaire du ChocePa tombe à point nommé pour lui et pour son indéfectible compagnon de facéties, JiEl. 

 

Que je vous explique : à l’Assemblée, Perry Atondo et un  député, Justin Louaza, plus connu sous le pseudonyme de « Ji-El », n’avaient pas de ligne politique définie. Le jour où ils décidaient littéralement d’emmerder le monde aux débats du Parlement, ils volaient dans les plumes de pratiquement qui ils voulaient. Suivant les astres donc, ils étaient tantôt avec la majorité présidentielle, tantôt avec l’opposition. Cette contorsion leur était d’autant plus facile qu’ils étaient pratiquement les seuls élus de leur formation politique, et que les alliances qu’ils nouaient se dissolvaient aussi rapidement que mettait l’encre du stylo pour les signer.

La semaine où survint l’incident, Ji-El soutenait la réforme agricole contre le gouvernement. Il avait violemment attaqué le ministre, l’accusant de vouloir favoriser l’implantation des OGM, « produits dangereux chez nous » !

Il avait provoqué deux interruptions de séance et contraint le président du « perchoir » à ordonner une première évacuation de salle, tant les esprits commençaient à se surchauffer.
C’était le genre de situation qu’adorait l’honorable. Son parti, l’Union des Non-Unis, UNU, s’empara donc de l’incident et en fit de si belles sauces oratoires qu’au bout de la semaine, l’affaire avait changé du tout au tout. La majorité aurait envoyé une escouade de « Tontons Macoutes » contrôler les patentes de tous les cordonniers de marché, embastillant ceux qui, surtout les barbus, osaient ne pas obéir aux injonctions des agents-femmes. C’était la version la plus en vogue. Perry Atondo affirmait de son côté que l’intention du parti de la majorité était de réquisitionner tous les souliers antédiluviens du pays, et d’en faire une sorte de pyramide sur la Place de la Méditation. Cette thèse ébranla les convictions. C’est elle qui fit se constituer sur les travées de l’Assemblée un « groupe démocratique » dénommé le ChocePa, parti de ceux qui bottent le train à ceux qui retardent le développement de l’économie et de la politique.

De groupe, en effet, le ChocePa devint un parti politique dont l’emblème était deux souliers croisés, un noir et un blanc. La nuance est importante : une des premières militantes enragées (je voulais dire engagée, vous aurez corrigé de vous-mêmes !) fut, dit-on, une certaine dame aux bottes rouges, ce qui ajouta à la confusion d’ensemble. Et contribua à porter le ChocePa sur des fonts baptismaux des plus étranges : parti d’opposition, en principe, il se mua bien vite en un mouvement de déjantés, plus portés sur le brouhaha que sur les prises de position tranchées. A vrai dire, le ChocePa attira, telle une calamite, tous ceux que dérangeait quelque chose : les maris accusant leurs épouses de vouloir les empoisonner par des sauces « aussi épaisses que du cuir » ; des bouchers édentés ; des mégères et des douairières à sonotone ; des faux choristes aussi. A l’Assemblée, les députés prenaient la précaution de s’informer de la position du moment, comme on s’informe du cours de la bourse, avant toute saillie.

Tout cela arrangeait les affaires de Perry Atondo et de Ji-El. Mais comme les choses n’étaient jamais simples avec eux, les deux compères poussaient la perfidie jusqu’à épouser des positions en quinconce : quand l’un était pour, l’autre mettait un point d’honneur à démolir le point de vue d’en face. La démocratie n’y gagnait pas ; la réparation des bottines non plus. A l’Assemblée, tout était sens dessus-dessous. Et chez Samba DD on suivait tout cela avec appréhension, se demandant comment allait finir. Et quand.

Les députés sont ébullition. L’affaire du refus de ressemeler semait la zizanie parmi eux, bien loin du lieu où elle avait éclaté et du principal acteur qui l’avait involontairement déclenchée. C’est ce que nous verrons au prochain (A suivre).

Lucien Mpama

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