Feuilleton: Samba De Dieu (15)

Vendredi 27 Avril 2018 - 20:24

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Le député Perry Atondo s’est senti insulté par Samba DD, artisan à la tête d’innocent jouant avec des allumettes. Il avait promis la tempête dans les travées. Dans cet épisode, il montre de quel bois il se chauffe.

Bretteur de première heure à l’Assemblée, connu pour sa capacité à débusquer la virgule mal mise dans les textes de lois présentés par les élus et homme au verbe châtié. Mais aussi esprit sanguin, prompt à s’enflammer et même à faire le coup de poing quand l’occasion lui en était donnée, c’était cela Perry Atondo.

Son incompréhension à lui aussi frisait la colère retenue :
- Que veux-tu dire par « Ne chausse pas » ? Parle au moins français, petit idiot ! Tu sais qui je suis ?

Samba DD était visiblement désemparé. Son petit lexique se serait épuisé à chercher à expliquer ce qu’il voulait dire. Où aurait-il trouvé le vocabulaire, d’ailleurs, pour expliquer que vu leur vieillesse, ces souliers ne méritaient plus d’être portées ; que leur cuir dégageant les miasmes de la moisissure et de l’âge devenaient même dangereux à frotter à quelque orteil, fût-il de député ? Il ne trouvait pas le mot pour dire que les choses belles naissaient des choses belles. Que le cuir était noble parce qu’il vieillissait dans le ronron des salons, pas dans les pestilences d’une poubelle fût-elle, ici aussi, celle d’un député. Il ne savait pas dire ces choses. Et l’honorable prenait son silence pour un affront délibéré, la marque d’un arrogant voulant défier un « tu-sais-qui-je suis ? »

Mes témoins ne se rappellent pas la luxueuse voiture du député s’arrachant du marché Total en écrasant des poubelles. Ils ne savent plus si elle regagna la grand ’route en marche-arrière. Mais ils sont tous unanimes à dire que la colère du député dut froisser bien des tôles et de précaires étals sur son passage.

D’ailleurs le lendemain, la suite de l’actualité allait confirmer point par point leur récit de la scène. Car, hasard ou formidable coup de nez, ce que l’on appellera (faute d’autre mot) « échange » entre le député et l’artisan-cordonnier, se déroula devant un témoin objectif : un reporter, Alain Lefo. De L’Ergot qui gratte, grand échotier de la place. C’est lui qui, à la Une de son journal, écrivit contre « Ces députés qui harcèlent le petit peuple ». Et qui raconta par le menu ce qui s’était passé, soulignant à coups d’insinuations et d’interprétations le « Ne chausse pas » de l’homme des cuirs. Lui trouvant une fine beauté cachée, et voulue ; une sorte de condensé d’une pensée nationale qui n’attendait jusqu’ici que son théoricien. Alain Lefo, cela nous arrive à tous dans le métier une fois chaque siècle, annonça à sa Une en une formule lapidaire qui fit l’unanimité contre elle: « La République a trouvé chaussure à son pied ».

A l’Assemblée, donc, l’entrée du député Atondo se fit sous les cris de : « Ne chausse pas » !
Incapable de remettre de l’ordre dans les travées, le président de la Chambre dut vite donner la parole au « héros » du jour. Qui prit la pose réglementaire, appuya sa panse sur le rebord de son banc en cuir avant de prononcer, solennel : « chers collègues, je me rends compte de l’écho suscité parmi vous par le manque de respect dont s’est rendu responsable un petit rien de cordonnier à mon endroit »…

 Boouhhh ! Son entrée en scène était ratée. Ses pairs étaient visiblement froissés par sa suffisance et le dédain pour le petit peuple.
Mais un député parvint à rétablir le calme, en annonçant contre toute attente : « votons une motion de destitution contre tous les cordonniers de la ville ! Je soutiens Perry Atondo !». Ce député, c’est JiEl, un numéro.

                             

La clameur allait dépasser le cadre solennel du Palais du parlement. Nous le verrons la semaine prochaine. Nous verrons Perry Atondo dans ses œuvres.

Lucien Mpama

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