Festival Taragalte : un carrefour des cultures nomades du sahara

Vendredi 17 Novembre 2017 - 23:39

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À notre époque où Sahara rime avec djihadisme, considéré comme l’un des fiefs des trafiquants de toute sorte, le Sahara du Maroc reste l'unique partie du désert encore épargnée des menaces terroristes.

 

Une oasis légendaire qui porte le nom merveilleux de Taragalte. Ici, deux frères qui descendent de la puissante tribu sahraouie Oulad bou Sb'aa -  “Les enfants du Lion” - ont créé un lieu magique pour la paix et les rencontres  culturelles : un festival sur les dunes qui fait revivre l’ancienne tradition de brassage  des cultures… sur le modèle de la fête de la fin de récolte des dattes, « Moussam Sidi Khalil ».

L'oasis était le point de départ des caravanes vers Tombouctou, d’où elles partaient pour 52 jours de voyage chercher le sel des mines de Taoudanni qui ont rapporté une fortune aux caravaniers jusqu’aux années 1930. M'Hamid El Ghizlane (la plaine des gazelles), tel est le nom actuel de l'oasis qui s’appelait Taragalte qui signifie tout simplement en langue Tamazigh des berbères de l’Atlas : “le carrefour”.

Déjà en 1998, Brahim Sbai faisait renaître pour la première fois l'ancienne fête Moussam Sidi Khalil, d’abord uniquement pour la population locale. Le rêve de créer un festival international a pu se réaliser en 2009 quand Brahim a lancé le festival et une caravane artistique de la paix pour réunir les artistes des trois festivals – Taragalte, le festival du désert d’Essakan et le festival sur le Niger à Ségou, ces deux derniers situés au Mali pour défendre et promouvoir la vie artistique fortement menacée dans le Sahara par l'insécurité.

Dès ses premières éditions, le festival a très rapidement séduit les cœurs du public et les artistes par son atmosphère chaleureuse et familiale et son cadre unique : les dunes font office de tribunes naturelles, confortables et protectrices tribunes et l’acoustique y est idéale, sans écho … Le son est porté puis disparaît dans l’immensité du désert. Les festivaliers sont logés dans les tentes et bivouac « Le Petit Prince ».  Ils se régalent des courses de dromadaires et raffolent des balades dans le désert sur leur dos.

Un challenge culturel et écologique

La vallée du fleuve Drâa où se trouve l'oasis M'Hamid fut jadis une plaine fertile dont les habitants prospéraient de l'agriculture qui donnait des récoltes abondantes de dattes, de fruits et de légumes… jusqu'à la construction dans les années 1970 d’un barrage sur le fleuve au niveau de la ville de Ouarzazate, le chef lieu de la province.  Une vingtaine d’années plus tard, les conséquences de l’assèchement du fleuve provoquèrent une catastrophe écologique dans l'oasis : là où les paysans cultivaient des pastèques (!) et où les palmiers dattiers croulaient sous les fruits, aujourd’hui des dunes mouvantes de sable se sont installées et menacent les villages...

Les frères Sbai cherchent à attirer l'attention sur la situation désastreuse de l'oasis et de sa population. Ils travaillent sur un projet écologique pour arrêter les dunes et créer  une réserve écologique où faire revenir les gazelles. Avec la « Fondation pour l’Avenir »,  ils ont réussi à construire une école de musique pour les enfants de M'Hamid. Ces jeunes musiciens enthousiastes participent déjà aux concerts jeunes publics du festival dans le bivouac.

La merveille du désert

La chanteuse Oum, considérée comme l'ambassadrice de la musique marocaine, a retrouvé ses racines nomades grâce à ce festival du désert, elle est devenue la marraine de Taragalte. Son arrière grand-père, un marabout venu de Chinguetty en Mauritanie, s’est installé au Maroc. Oum a grandi à Casablanca comme une jeune citadine, mais consciente  de ses origines du Sahara. Elle a rencontré les frères Sbai quand elle est venue à M'Hamid par hasard pour trouver le calme du désert. Ils ont passé une semaine ensemble dans le bivouac « Le Petit Prince » des frères Sbai, en buvant le thé vert et en discutant du projet du festival sur les dunes.

Trois ans plus tard, les frères ont proposé à Oum de devenir la marraine de Taragalte. Oum a enregistré « Taragalte », une chanson qui a été vue sur YouTube 4 millions et demi de fois. Les gens qui ont vu le clip arrivent de très loin pour assister à cette « merveille du désert « … certains viennent du Brésil, de l'Alaska…

Pour cette 8e édition les frères Sbai ont produit encore un miracle. Ils ont convaincu une légende vivante de la musique touarèg de venir à Taragalte, la chanteuse malienne Lalla Badi, exilée en Algérie depuis les années 70 après la rébellion des Touarègs du Mali. On dit d’elle que c’est elle qui a appris la musique aux membres de Tinariwen, le groupe qui a rendu célèbre dans le monde entier la musique touareg.  Lalla a commencé à l’âge de 14 ans à jouer le « tendé », une batterie traditionnelle touarèg en calebasse réservée aux femmes.

Agée aujourd’hui de 80 ans, elle joue encore dans les cérémonies de mariage à Tamanrasset. Sa musique est militante. C'est la seule façon pour elle de défendre la cause du peuple Touarèg dispersé aux quatre coins du Sahara...

Transe, danse et élégance...

Le désert attire aussi des groupes comme « Gabacho Maroc » – « gabacho » qui signifie « sale français » en espagnol - un groupe fondé en Espagne qui réunit des musiciens marocains, espagnols et français. Le fondateur Vincent Thomas  définit leur style comme « transe, danse et l’élégance »… ils ont trouvé leur bonheur sur les dunes … 

Sasha Gankin

Légendes et crédits photo : 

Légende 1 et 2: Taragalte ou l’espoir du Sahara de renaître comme le creuset des brassages culturels Légende 3: La chanteuse Oum Légende 4: La chanteuse malienne Lalla Badi

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