Fescauri : un festival des arts divinatoires au Mali

Samedi 30 Décembre 2017 - 12:14

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À Siby, au Mali, s’est tenue la onzième édition du Festival international  des cauris de Mandé. Ce festival réunit les professionnels des arts divinatoires- voyants, astrologues et thérapeutes naturels de l’Afrique de l’ouest. 

Située aux pieds des montagnes, dans la région de Mandé, Siby est une petite bourgade, à 45 km au sud-ouest de Bamako, la capitale du Mali, sur la route de Guinée. C’est là que, chaque année, se tient un événement unique en Afrique-un festival des arts divinatoires. Celui-ci regroupe les professionnels dans des domaines variés comme l’astrologie, la voyance et la thérapeutique naturelle de l’Afrique de l’ouest.

Dans l’histoire de l’empire Mandingue, Siby tient une place très particulière, hautement symbolique. Les arts divinatoires y étaient célébrés depuis des siècles. En 2007, Madjou Yattara ambitionne de vitaliser cette culture liée à l’art de la voyance et y fonde le Fescauri- Le Festival international des cauris de Mandé. « La cauris est un élément important de notre civilisation, ayant autrefois servi de monnaie d’échange. C’est aussi un objet matériel de notre civilisation très présent dans la médecine traditionnelle. Et surtout  c’est un objet de divination dans la culture Mandingue. Dans l’histoire du Mali, les cauris ont servi dans des grands empires servant comme objet de prédiction de l’avenir. Les guerriers en consultaient régulièrement avant de livrer bataille. Donc, les cauris fondent notre identité culturelle. », explique Madjou Yattara

Le choix de Siby pour organiser ce festival n’est pas anodin. « Siby, c’est le lieu de Kamanja Kamara, le chef de guerre de Soundjata Keita, premier empereur de l’histoire de l’empire Mandingue. L’ensemble des guerriers de cet empire se réunissait à Siby, pour consulter les cauris, et pour prendre des décisions d’envergure, ou pour offrir le Sankibarou (le sacrifice). », ajoute Madjou Yattara

Au Mali, comme dans d’autres pays de l’Afrique de l’ouest, les voyants sont autant vénérés que consultés. Ils sont particulièrement appréciés par la clientèle féminine, loin des regards indiscrets.

Dans le cadre du Fescauri, les voyants offrent des consultations dans une case dédiée à cet effet dans le village des cauris. Le métier de voyant exigeant une discrétion totale, comme le stipule la charte du Fescauri, un voyant est tenu de respecter le secret du métier de la même manière qu’un médecin est  lié au secret médical.

Mamou Koné est une célèbre voyante, très appréciée de Sobenikoro près de Bamako. Enfant, elle ramasse un jour les cauris par terre sur la route de l’école. Signe notoire de prédestination dans la carrière de voyance. Elle détaille son métier : « Je lis des cauris et prodigue des conseils concernant les sacrifices à faire. Sur mes conseils, les gens égorgent des moutons ou des bœufs. Ils trouvent satisfaction et, en retour, ils m’offrent des parcelles en cadeaux. A présent, j’ai de nombreux biens immobiliers, mais je préfère qu’on me donne de l’argent. » Mamou confectionne et vend des sous-vêtements des femmes avec les versets coraniques, pour les protéger de la sorcellerie et d’autres maléfices.

Parmi une dizaine de voyants qui ont fait le déplacement à Siby, cette année, Fassé Camara, originaire de cette bourgade, fait office de doyen des voyants au Mali. Il est le plus âgé et le plus vénéré, et déborde de modestie. A 104 ans d’âge, il pratique la lecture des cauris, depuis ses 14 ans. « En réalité, ce sont les cauris qui disent la vérité, ce n’est pas moi- je suis juste leur voix. Confie-t-il modestement. Je suis recherché, mais ne m’expose jamais. Je ne sollicite personne pour des besoins de consultations. »

À chacun son tour !

Des personnes, des pays voisins du Mali, ou des contrées très lointaines, font le déplacement de Siby, au Fescauri, pour consulter les voyants. Chacun attend patiemment son tour dans les salles d’attente installées par le festival. Personne ne souhaite être vu des curieux.

Mais Zeina Sidibé, jeune étudiante en multimédia au Conservatoire de Bamako, est, quant à elle, une habituée du Fescauri, qu’elle fréquente quasiment tous les ans. « La modernité et l’éducation laïque n’empêchent pas de vénérer l’art divinatoire. C’est un art ancestral et leurs croyances nous ont permis d’exister depuis la nuit des temps. C’est à chacun de l’apprécier en bien, ou en mal », dit-elle. Emploi, amour, mariage, décès, avenir…les cauris, eux, sont là, pour prédire.

 

                                                         

Sasha Gankin

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 et 2: La voyante Mamou Koné Photo 3: Fassé Camara, le doyen des voyants au Mali et Zeinaba Sibide Photo 4: La moto du festival Fescauri Photo 5: Aperçu des montagnes Mandé à côtés de Siby

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