Diaspora : les Congos des deux rives… de l'Atlantique

Mercredi 25 Décembre 2013 - 16:37

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La directrice exécutive de l’association Afrique Diaspora, Sheila Walker livre un aperçu historique sur les Congos de deux rives… de l’Atlantique et propose un symposium qui donnerait un appui moral au projet La Route de l'esclave de l'Unesco

Pour l’anthropologue américaine, « congo » est le terme africain le plus utilisé aux Amériques, précisément en Amérique du Nord, centrale et du Sud, et dans les Îles de la Caraïbe. Il est multiforme, car il désigne à la fois des animaux, des poissons, des fourmis, des végétaux, des piments et des haricots, mais il nomme également des lieux et des éléments de la nature, ainsi que des phénomènes culturels et des êtres humains.

Elle précise qu’il y a un Congo Town aux Bahamas et à l’île de St. Kitts dans la Caraïbe. Au sud des États-Unis, il y a un Congo Square (place du Congo) à la Nouvelle-Orléans en Louisiane et au nord, à Philadelphie en Pennsylvanie. En Amérique centrale, au Salvador, il y a la ville de Los Congos et au Panama, le pays où le terme est le plus utilisé, il y a quatre rivières ainsi que des collines et d’autres éléments géographiques qui s’appellent Congo.

S’agissant des rites pour les ancêtres congos, elle déclare qu’il y en a à Cuba, en République dominicaine et en Guadeloupe. Le rite congo, précise-t-elle, est une des trois principales branches du vaudou haïtien, et la fête congo annuelle à Nan Soucri est une des plus importantes.

Le phénomène culturel le plus impressionnant est la royauté congo qui, bien que n’existant plus en Afrique depuis le XVIIe siècle, continue d'exister aux Amériques où au Panama et au Brésil, il y a des reines et des rois congos qui règnent sur leur cour. Il y a de la musique, des pas de danse, et des tambours que les Afro-Brésiliens appellent ngoma, leur nom bantou. Il y a aussi de l’architecture, de la linguistique, du vestimentaire, et de l’art culinaire où l'on trouve le mot congo.

Congo, un nom de famille en Équateur, en Colombie et aux États-Unis

Afin de bien illustrer ses propos, Sheila Walker, est revenue sur Diego Congo, l'un des principaux leaders de la résistance à l’esclavage des nègres marrons du Panama du XVIe siècle. Alors qu’en Équateur, en Colombie et aux États-Unis, Congo est dorénavant un nom de famille. D’ailleurs, aux États-Unis dont elle est originaire, Congo est le nom d’une branche de sa famille paternelle.

En nommant les êtres humains, le terme Congo va dorénavant au-delà de son originel africain de l’ethnie bakongo ou même de Congolais au sens géopolitique actuel. Aux Amériques, au début le terme Congo désignait les Africains qui venaient de la région du fleuve Congo. Plus tard et dans certains endroits, le mot Congo désignait n’importe quel Africain, et parfois même n’importe quelle personne d’origine africaine. Alors aux Amériques, Congo est devenu un terme fédérateur, même panafricain, a-t-elle ajouté. Et pourtant, poursuit-elle, les Congolais du Congo ignorent le fait que leur culture s’est perpétuée de façon si importante outre-Atlantique. Et les ressortissants de la diaspora ne connaissent pas les origines africaines des phénomènes culturels qu’ils perpétuent.

« La connaissance de ces réalités de part et d’autre pourrait servir de pont entre les membres d’une même famille étendue africaine/diasporaine qui se trouve scindée en deux par l’esclavage, l’océan, et l’ignorance des liens qui continuent à nous relier sans qu’on ne le soupçonne. Aucun pays africain, tout en parlant de la diaspora comme sixième région du continent, n’a fait l’effort de fonder cette proposition sur des bases historiques de la continuité humaine et culturelle. Aucun autre pays ne possède non plus autant de liens pluriels aussi bien-fondés que le Congo », a déclaré Sheila Walker. Pour toutes ces raisons, elle pense qu’il serait si souhaitable d’organiser un symposium au Congo en 2014 sur le thème « Les Congo des deux rives de l’Atlantique ». Et ajoute que le projet La Route de l’esclave de l’Unesco donnerait son appui morale et permettrait l’utilisation de son logo.

« En offrant des preuves dynamiques d’une continuité culturelle qui pourrait servir de base solide pour ce rattachement de la diaspora au continent, le symposium serait un geste important pour asseoir sur des fondements inébranlables la discussion sur la diaspora comme sixième région du continent. Il serait aussi un bon coup d’envoi venant de l’Afrique pour la décennie internationale des Nations unies pour les peuples de descendance africaine, qui devra être proclamée pour 2014-2023 », a-t-elle renchéri, avant de manifester un souhait. Pour elle, quelques individus incontournables de la diaspora qui participeraient à des discussions avec des intellectuels congolais feraient des conférences pour le grand public, et montreraient des films documentaires qui permettraient de comparer des phénomènes culturels congo des deux rives de l’Atlantique que sont : la reine congo de la capitale du Panama et d’autres représentants de la royauté congo, tel qu’un peintre qui représente le style artistique congo ; le directeur artistique d’un groupe musicale en Uruguay qui fait des spectacles de récréation des fêtes de la royauté de la nation Congo du fin du XIXe siècle ; un chercheur afro-vénézuélien qui a écrit le livre La Diaspora Congo aux Amériques ; un Afro-Brésilien qui a écrit un dictionnaire bantu-portugais ; une Afro-Brésilienne qui a étudié et filmé les congadas, les fêtes afro-catholiques de la royauté congo dans l’état de Minas Gérais où les congadas sont la principale expression de la culture afro-brésilienne ; une spécialiste culturelle qui a étudié le danço congo de l’Ile de Sao Tomé qui, bien qu’étant politiquement africaine, a des caractéristiques culturelles diasporiques.

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo : Sheila Walker. (© DR)