Danse : "Tichèlbè", la transmission au cœurVendredi 23 Juin 2017 - 21:18 Quinze ans après sa création, la pièce Tichèlbè de la danseuse et chorégraphe haïtienne Kettly Noël sera présentée du 9 au 15 en juillet 2017 au festival d'Avignon. Les danseurs-interprètes Oumaïna Manaï et Ibrahima Camara proposeront une reprise de cette pièce dans le cadre du focus « Afrique subsaharienne » du festival. Cette pièce, qui aborde la question de l’équilibre entre un homme et une femme, a fait son temps à une époque charnière de la danse contemporaine africaine. En 2003, la pièce raflait le deuxième prix aux Rencontres chorégraphiques de l’Afrique et de l’océan indien et le prix RFI danse Cette représentation avignonnaise arrive près de huit mois après une première à Ouagadougou aux dernières rencontres chorégraphiques « Danse l’Afrique danse ». Cette édition avait été traversée par la thématique « mémoire et transmission », permettant au public de redécouvrir, outre « Titchèlbè », des reprises d’autres pièces emblématiques du répertoire transmises à de jeunes interprètes. Ce passage de relai à la nouvelle génération, Kettly l’évoque avec fierté tant la chorégraphe considère la transmission comme une nécessité. « La transmission explique-t-elle a toujours été quelque chose d’essentiel au développement de l’humain. Il faut passer les connaissances, le savoir, le vécu, les expériences mais aussi passer la sagesse, la réflexion, la philosophie. Pour moi, elle est essentielle, elle commence aujourd’hui ». Ainsi, lorsqu’il lui a été proposé d’amener une reprise de sa pièce, présentée pour la première fois en 2002 au festival du théâtre des réalités à Bamako, elle confie: « J’ai choisi mon personnage, le rôle, la personne qui devait interpréter le rôle. Je savais que je n’allais pas avoir d’énormes difficultés techniques pour le faire. Ensuite, il y a les subtilités et les détails car c’est une pièce qui danse les détails ». En effet, le personnage dont il est question c'est celle de la femme, joué par Oumaïna, interprète et chorégraphe d’origine tunisienne. Elle est la pièce maîtresse de ce spectacle face à un homme qui tente lui aussi de s’imposer dans ce jeu incessant de rapprochement parfois surréels. « La pièce dit Kettly n’existe que par cette femme. Elle est la colonne vertébrale de cette pièce. L’homme n’est qu’accessoire », précise Kettly Noël dont la collaboration avec Oumaïna ne date pas d’hier. À Ouagadougou, en novembre 2016, la présentation de cette interprétation était une restitution fraîche de l’œuvre de Kettly. Ce qui va changer à Avignon, c’est la complète appropriation de la pièce par Oumaïna. Il y a quelques mois, disait Kettly, « je pense que lorsqu’elle l’aura bien vécu, elle va trouver à son tour ce que j’appelle danser le détail. » Ce sera chose faite à Avignon. Aussi, en se saisissant à sa manière de cette question de la transmission, Oumaina et d’autres artistes interprètes africains offrent une nouvelle lecture de la pérennisation des œuvres qui constituent désormais le patrimoine artistique africain. Donko Seko, l’école de la transmission L’une des particularités de Kettly, installée au Mali depuis de nombreuses années, c’est qu’elle est à la tête d’un centre de création chorégraphique, Donko Seko. Un espace qui s’est imposé au Mali comme un bel espace de formation et de socialisation. Ils sont nombreux, les danseurs ayant été formés au sein de ce centre au cœur duquel la transmission, au-delà de l’aspect technique, tient un rôle primordial. Un passage de relai réel d’autant plus que, ajoute-t-elle, « Certains danseurs avec lesquels je travaillais se retrouvent à poursuivre leurs formations dans des grandes structures professionnelles internationales (Montpellier, Bruxelles, Romes, Paris ou travaillent dans des grandes compagnies internationales d'Afrique ou d'Europe ou ont ouvert leur propre lieu de travail dans la capitale ». Puis d'ajouter, « ces danseurs qui existent un peu partout, à travers le monde, sont déjà dans cet espace de transmission avec nous. Ils portent en eux quelque chose qu’ils vont transformer pour eux même pour ensuite transmettre aux générations futures. » Par-là, c’est toute une chaîne de transmission qui s’est créée favorisant ainsi le développement d’un univers qui, depuis vingt ans, s’est durablement inscrit dans le paysage culturel africain.
Meryll Mezath Légendes et crédits photo :Image 1 et 2: Tichèlbè © Yassine Meddeb Hamrouni/ Festival d'Avignon
Image 3: “TiChelbé” de Kettly Noël joué par Kettly Noël en 2002 (© Antoine Tempé) Notification:Non |