Dak’Art 2014 : une présence congolaise réussie

Samedi 24 Mai 2014 - 0:15

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La onzième édition de Dak’art, qui a débuté le 9 mai et qui se poursuit jusqu’au 8 juin, a regroupé de nombreux artistes professionnels des arts visuels de l’Afrique et du monde à Dakar, au Sénégal. Présents, avec le projet « Congo(s), esthétiques en partage ; au-delà des géographies », les deux Congo ont marqué l’exposition internationale d’artistes africains

Arrivée le 5 mai, la délégation congolaise, composée d’artistes de Brazzaville et de Kinshasa, a vite investi les lieux malgré les multiples tracasseries qu'elle a subies pendant le voyage. Une situation qui soulève une fois de plus la sempiternelle question de la libre circulation des artistes… Mais au diable les contraintes frontalières, les artistes une fois à Dakar se sont rapidement plongés dans la fièvre de ce grand rendez-vous. Conscients de cette belle opportunité qui leurs est offerte, les artistes de Brazzaville comme d’ailleurs ceux de Kinshasa ont décidé de faire fi des différends politiques qui opposent les deux rives et de ne parler qu’un seul langage. « Congo(s), esthétiques en partage ; au-delà des géographies ».

De Van Andréa, en passant par Doctrovée Bansimba, Ange Swana, Frangeska M'bouma, Armel Mouyoungui, Jérémie Kuminuna, Shaggy Luamba, Jordy Kissy Moussa, Fransix Tenda Lomba, Boris Diaboua, Pierre-Manau Ngouala, Gad-Le-Beau Loutonadio, Paul Alden M’voutoukoulou, Eddy Kamuanga, Francis Kodia, ces jeunes artistes ont proposé une belle palette d’œuvres riches et innovantes qui ont marqué les nombreux visiteurs venus au vernissage et qui sont revenus régulièrement pour échanger, discuter et parfois acquérir une œuvre.

Rappelons que les œuvres des artistes ont été présentées dans le cadre de l’exposition internationale d’artistes africains, qui compte 62 artistes venus du continent et de la diaspora et qui n’ont jamais participé à la biennale. Véritable tribune, ce rendez-vous principal a été un moment de dialogue et de partage, comme l’a indiqué Van Andréa qui, grâce aux visites journalières des expositions, entrevoit une nouvelle technique d’aborder son travail. Même constat pour Paul Alden de Brazzaville, qui dit : « C’est une aubaine pour moi d’être en face d'artistes que je ne connaissais que de nom. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut rencontrer un Soly Cissé et discuter de sa démarche. En tout cas, j’en garde un excellent souvenir. » Cette plateforme professionnelle dédiée à la visibilité de l’art contemporain africain a aussi permis aux jeunes artistes congolais de se frotter aux professionnels de ce secteur et d’échanger sur l’avenir de l’art africain autours de tables rondes, « un moment fort, car lors de ces rencontres on pouvait aborder non seulement les artistes, mais aussi les galeristes, les journaliste, des échanges qui m’ont permis d’avoir de nouvelles idées pour mon futur travail », a déclaré Francien, encore à Dakar jusqu'à la fermeture de la Biennale.

De l’émotion avec la visite de l’île de Gorée, où Ange Swana, une fois sortie de la maison des esclaves un peu secouée, déclare d'un ton grave face à une Aissatou amusée : « Je dois faire un travail sur le pardon et l’oubli, je dois revenir ici. Le charme de ce lieu, l’histoire de nos ancêtres m’interpellent. Je pars pour revenir alors que nos ancêtres, eux, n’avaient pas le choix, cela devait être un moment terrible. » Un projet de travail qui rejoint l’installation de Doctrovée Basimbae nommé Dem Dikk, ce qui signifie en wolof aller et retour. « Cela me fait penser au fleuve Congo, la traversée entre Brazzaville et Kinshasa, ce qui est l’opposé de l’île de Gorée à l’époque de la traite négrière », a indiqué Doctrovée, qui est heureuse d’avoir noué des liens d’amitié avec les artistes pour de futures collaborations artistiques. Même son de cloche pour Pierre-Manau Ngouala, étudiante en audiovisuel à la Sorbonne nouvelle : « Je suis heureuse d’être ici pour montrer mon travail, certes, mais aussi et surtout pour voir ce que les autres font car on peut apprendre des autres », a indiqué Pierre, qui est une habituée de la Biennale. Pour rappel, l’artiste a signé en 2012 son premier documentaire en réalisant un travail sur l’artiste franco-gabonaise Nathalie Mba Bikoro.

Eddy Kamuanga, quant à lui, ne peut contenir sa joie. Fasciné devant autant de merveilles artistiques, il dit : « Je suis vraiment heureux d’être ici. Ce que je vois autour de moi me donne des nouvelles idées pour mes futures projets. Le fait que les gens passent et m’encouragent par leurs remarques et suggestions me revigore et me donne de nouvelles forces, car faire de l’art à Kinshasa ce n’est pas chose aisée. Mais on va y arriver, je le crois », scande celui qui rend hommage à sa mère dans son travail en dessinant sur des toiles en forme de sandale, car, explique-t-il, « ma mère nous a élevés grâce au commerce des sandales. Elle a payé mes cours avec ce commerce, et mon devoir de fils est de lui rendre la pareille. » Un travail qu’il accompagne d'une écriture innovante qu’il nomme « écridilisme », un mélange d’alphabet et d’écriture mandombé de Bakongo. Une première expérience que Bill Kouélany, responsable des Ateliers Sahm, estime fructueuse, car, dit-t-elle, « Dak’art est le plus grand rendez-vous des arts en Afrique. C’est donc une plateforme idéale pour un artiste en devenir. Elle permet de regarder les œuvres des autres et de se découvrir, voire de se mettre en situation de confrontation avec les autres, de juger de la pertinence de sa démarche, et en même temps de rencontrer des collectionneurs et des galeristes. »

Annette Kouamba-Matondo