Lire aussi : |
Challenge entrepreneurial du RICE : que sont devenus les lauréats, un an après ?Samedi 7 Février 2015 - 15:00 Les Dépêches de Brazzaville avaient réalisé des portraits des différents vainqueurs du « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo » organisé par le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE), du 21 au 23 novembre 2013, à Brazzaville. Alors que 2015 sera « l’année de la création et du développement des Entreprises » au Congo, le journal a décidé de retourner voir les lauréats du Challenge afin de s’enquérir du développement de leur entreprise. La capitale congolaise avait accueilli du 21 au 23 novembre 2013, les sélections du 1er « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo » ainsi qu’un colloque de trois jours consacré à l’entrepreneuriat organisé par le Réseau international des Congolais de l’extérieur (RICE). Une manifestation ouverte aux entrepreneurs du Congo, de la RDC et du Gabon, destinée à encourager l’entrepreneuriat local et à inviter les talents de la sous-région, mais aussi de la diaspora, à investir dans les filières porteuses de croissance et d’emplois au Congo. À l’issue du processus de sélection, quatre porteurs de projets de création ou de développement d’entreprise avaient été récompensés : Destiny Loukakou, chercheur en génie électrique et informatique industrielle, et ses trois amis ingénieurs avec leur projet de motorisation électrique des pousse-pousse, Sandy Mbaya Mayetela et son entreprise d’installation de stations d’eau potable alimentées par l’énergie solaire dans les quartiers populaires des grandes villes ; l’ingénieur agronome Parfait-Anicet Kissita et son activité de transformation des fruits et légumes locaux et Jean-Christian Diakanou-Matongo, producteur de miel. Les quatre gagnants constituent un panel varié, représentatif de l’entrepreneuriat congolais. Il s'agit ici des jeunes issus de la diaspora qui montent une start-up, un entrepreneur local déjà bien installé et deux candidats opérant dans l’informel qui avaient besoin de passer dans le secteur formel pour plus de développement. Chaque lauréat avait remporté une prime pouvant aller jusqu’à 50 000 euros (32.500.000 FCFA) en fonction de la taille des projets et de l’avancement de leur réalisation ainsi qu'un accompagnement personnalisé. Edwige-Laure Mombouli : "Faites confiance au savoir-faire local" Soutenus par les ministères des Grands Travaux et des PME et de l’artisanat, les Chambre de commerce de Brazzaville et de Pointe-Noire ainsi que le groupe SNPC, le 1er « Challenge entrepreneurial du bassin du Congo » est un pari réussi pour les organisateurs du RICE et les lauréats. « Le secteur privé suscite de l’engouement et c’est une bonne chose car l’État ne peut pas tout faire. Les Congolais sont en attente de ce genre d’initiatives, ils sont disposés à révéler leurs talents. Il y a une « congolese touch » qui ne demande qu’à être mise en avant», analyse Edwige-Laure Mombouli, présidente du RICE. « Il existe des business très viables dans l’informel, tout à fait rentables, mais qui sont limités dans leur potentiel de croissance parce qu’ils n’ont pas de comptabilité ou de statuts qui leur permettent d’aller voir une banque », renchérit Frédéric Nzé, longtemps conseil en évaluation et gestion des risques financiers et directeur d’une société spécialisée dans le crédit à la consommation. Il regrette cependant le manque d’investissements du secteur privé congolais car « le monde académique et les administrations ont répondu présents, mais afin de créer un vrai moteur pour le secteur des entreprises au Congo, nous aurions aimé avoir plus d’intervenants du privé ». Conseillère à la présidence chargée des Congolais de l’extérieur, Édith Itoua a été une des bonnes fées qui se sont penchées sur le Challenge entrepreneurial du RICE. « Il y a des choses qui se font au pays et qui se font bien. Mais les petites structures, même innovantes, n’apportent pas grand’chose à l’économie du pays si elles demeurent dans l’informel. Les Congolais de l’extérieur, on l’a vu d’ailleurs avec le Challenge, sont très importants pour jeter des passerelles entre la manière dont se fait l’entrepreneuriat ailleurs et chez nous », réagit la conseillère Itoua. Et d'ajouter : « Ils peuvent venir apporter un plus grâce à leur vision différente. À mon sens, ils osent plus, prennent plus de risques, et ont cette culture de formaliser les entreprises et de ne pas fonctionner dans l’informel » Ambroise Loemba, trésorier du RICE, avait dans un premier temps des appréhensions sur la quantité de talents d’entrepreneurs disponibles au Congo. « Nous avions peur d’avoir trop peu de candidats congolais, ce qui nous a d’ailleurs conduit à élargir le challenge à la sous-région. Mais à notre grande surprise, les Congolais ont envie d’entreprendre et ont vraiment du talent, de l’imagination. Il leur manque simplement un peu d’organisation et de la méthode », explique-t’il. Pour Frédéric Nze, qui a participé à la sélection des candidats, les Business plans les meilleurs étaient ceux des Congolais du Congo et non ceux de la diaspora. « Il manque peut-être une culture d’entreprise même au sein de la diaspora » observe-t-il, car « certains candidats pensent qu’une idée seule, par exemple implanter une enseigne qui marche bien en Europe au Congo, est un business. D’autres participants ont réalisé des documents qui étaient à la limite de la demande d’aide ou de sponsoring. Les business sociaux ne sont pas une mauvaise chose en soi mais ce sont des activités qui ne sont pas pérennes faute de perspectives de profits.» Le climat des affaires, une dure réalité au Congo Le Challenge a été une occasion d’avoir une meilleure appréhension des « réalités » du pays pour les « enfants prodigues » du RICE de retour au Congo. « Le résultat est positif : les Congolais de la diaspora ont pu se rendre compte que ce n’est pas facile de réaliser des choses au pays. Des choses qui peuvent paraître simples à réaliser, vu de l’occident, comme faire une demande de virement ou la création d’une entreprise, constituent au Congo une procédure administrative compliquée. C’est un apprentissage de la patience, les choses se font mais à leur rythme. Il y a différentes notions du temps », observe, philosophe, Edwige-Laure Mombouli. Autre confrontation avec les réalités de terrain, l’accompagnement de la Banque mondiale via ses programmes PADE et FACP, visant à favoriser la diversification du secteur privé. Pourtant bien engagés et publiquement annoncés, ces partenariats du RICE et de la direction de la promotion du secteur privé, destinés à renforcer le challenge entrepreneurial et appuyer les lauréats n’ont malheureusement jamais abouti. « Leurs procédures extrêmement bureaucratiques et lourdes rendent plus que complexe l’aboutissement des projets. Si malgré notre expérience nous avons été rebutés par la lenteur et la complexité de leurs mécanismes, je n’imagine pas comment les jeunes entrepreneurs locaux peuvent effectivement passer par eux ! », s’étonnent les membres du RICE. Ambroise Loemba, qui a accompagné les lauréats dans la concrétisation de leurs projets, vit à travers eux les nombreux obstacles qui peuvent freiner les énergies entrepreneuriales au Congo. « Les lauréats ont rencontré de nombreux problèmes dans les démarches administratives que ce soit l’immatriculation de société, ou les déclarations fiscales, car le cadre législatif est bon mais pas appliqué. De même ils ont eu du mal à concevoir de bons business plans car il est très difficile d’avoir accès aux données statistiques nécessaires pour réaliser des études de marché », explique-t-il. Ce manque d’accès à l’information est d’ailleurs un aspect du climat des affaires souvent négligé pour Muriel Malu-Malu Devey, organisatrice du volet Colloque du Challenge entrepreneurial. « Dans le domaine économique, l’information de service public indiquant aux Congolais dans quels secteurs il est possible d’investir, notamment pour tout ce qui relève de la sous-traitance, est très insuffisante. Il faudrait que l’administration mette à disposition des investisseurs des données sur le tissu entrepreneurial local, les perspectives économiques nationales, les grandes lignes du Plan national de développement…Les études de marché et de faisabilité réalisées par les autorités publiques sont souvent proposées aux investisseurs étrangers mais rarement aux entrepreneurs locaux », commente Muriel Malu-Malu Devey. Pour Frédéric Nze, le manque d’offre comptable et bancaire sont deux autres outils qui manquent également aux dirigeants de PME. « Les lauréats ont du mal à s’outiller sur la partie comptable. L’offre de qualité sur place se limite à des prestataires très chers accessibles aux seules grandes entreprises … Le secteur bancaire également est encore très peu engagé dans le crédit vers l’économie congolaise », analyse ce membre du RICE. Pour Edith Itoua, la question du financement déterminera d’ailleurs le succès de l’année de l’entreprise au Congo. « 2015 sera véritablement l’année de l’entrepreneuriat s’il y a des avancées notables sur le volet de l’accès au financement. » Selon la patronne du Département des Congolais de l’étranger, « les Congolais de la diaspora, tout comme ceux du pays, ont des idées et des projets mais sont souvent bloqués pour démarrer leur affaire faute d’accès au crédit. Les pistes dégagées par le ministère en charge des PME et de l'Artisanat, devraient être effectives en 2015. » De belles réussites pour les candidats « Les subventions dédiées au paiement des dotations ont été libérées plus tardivement que prévu. De ce fait, les primes n’ont été versées aux gagnants qu’en août 2014. Les sommes sont versées par tranche,selon un échéancier, en fonction de l’avancement du projet, par le trésorier de l’association, sur factures et devis afin de veiller à la bonne gestion des différents projets », explique Edwige-Laure Mombouli. Malgré le retard consécutif dans la mise en œuvre de leurs projets, l’expérience demeure positive pour les vainqueurs du challenge. « Les retours sont très positifs pour les candidats de Pointe-Noire qui font la transition vers le secteur formel. Ils se développent, ils gagnent des marchés, leur comptabilité se rationalise, leurs compte-rendu sont de plus en plus cadrés », défend Ambroise Loemba. La plus grande réussite de l’équipe du RICE est Parfait Kissita. « De mon point de vue, il est le lauréat qui a le mieux saisi l’opportunité que représentait le Challenge entrepreneurial. Il a formalisé son entreprise, recruté un nouvel actionnaire, investi dans une nouvelle usine et des machines à outils, changé son outil commercial et publicitaire vers l’Angola et augmenté son chiffre d’affaires de plus de 100% depuis l’an dernier. Il a vraiment une attitude d’entrepreneur au sens où il a utilisé tout ce qui lui a été donné sous forme de prime pour augmenter son outil de travail », s’enthousiasme Frédéric Nze. À l’autre extrémité, certains lauréats ont plus de mal dans leur apprentissage « à comprendre les réalités commerciales » ou bien « mélangent la formalisation avec les signes extérieurs montrant socialement le statut de patron ». Or, pour Frédéric Nze : « Toute somme qui rentre dans l’entreprise doit créer de la valeur. Embaucher du personnel non productif, avoir des engins coûteux sous utilisés ou des beaux bureaux est valorisant mais ce sont des poids morts dans le développement d’une entreprise. » Tout une initiation à la culture d’entreprise avec l’idée que les lauréats d’aujourd’hui puissent devenir à leur tour les mentors des futurs gagnants du Challenge entrepreneurial. Pourquoi pas une prochaine édition du Challenge entrepreneurial ? Autre pari réussi pour les membres du RICE, faire travailler ensemble de façon harmonieuse, Congolais de la diaspora et Congolais de l’intérieur. Dieu-Merci Mulopo, coordonnateur de l’agence C&R leader production consulting, prestataire local du Challenge a gardé un souvenir positif de la venue des équipes du RICE. « Ils ne se sont pas comportés comme les autres qui souvent viennent s’imposer et nient les talents congolais. Il existe au Congo la capacité et les compétences propres à rendre un travail de qualité dans les délais impartis de même qu’en Europe. Les Congolais de la diaspora sont souvent polis mais trop pressés. Ils doivent s’adapter à l’environnement », témoigne-t-il. Daach Kimpouni, étudiant congolais, recruté sur place pour aider à l’organisation du Forum, garde un souvenir positif du challenge. « Cette expérience m’a permis d’apprendre beaucoup de choses concernant l’organisation. Les étudiants congolais ont également beaucoup apprécié le fait que nous ayons pu déjeuner avec les officiels alors que d’ordinaire on nous laisse à l’écart. Ils me demandent d’ailleurs sans cesse quand aura lieu la prochaine édition. Le Challenge a permis aux jeunes congolais d’être éduqués dans le sens de l’esprit de créativité et de l’entrepreneuriat. » Alors pourquoi pas une prochaine édition du Challenge entrepreneurial ? « Il y a suffisamment de choses dans le premier challenge pour en faire quelque chose de récurrent », conclut Frédéric Nzé. Parfait-Anicet Kissita, dirigeant de Cuba Libre Il a réussi le passage de l'informel au formel dans le secteur de la transformation des fruits et légumes locaux en jus de fruits, confitures, légumes marinés et épices moulues. Les Dépêches de Brazzaville : Où en êtes-vous de votre projet ? Qu’avez-vous retiré du Challenge ? Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ? Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ? Jean-Christian Diakanou-Matongo, dirigeant d'Apis Congo Où en êtes vous avec votre projet ? Qu’est-ce que vous avez retiré du Challenge ? Est-ce que cela a changé votre image de l’entreprenariat au Congo ? Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ? Chris Mabiala, jeune ingénieur de la diaspora, co-créateur de la start-up de motorisation électrique de pousse-pousse, "Pousselec" À quel niveau se trouve votre projet ? Qu’est ce que vous avez retiré du Challenge ? Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ? Quels conseils donneriez-vous à d’autres porteurs de projets ? Sandy Mbaya Mayetela, entrepreneur, directeur d'Africa Solaire Où en êtes vous de votre projet ? Qu’est ce que vous avez retiré du Challenge ? Est-ce que cela a changé votre image de l’entrepreneuriat au Congo ? Financement du Challenge entrepreneurial du RICE
Rose-Marie Bouboutou Légendes et crédits photo :Photo 1 : Les lauréats du 1er Challenge Entrepreneurial du RICE ©DR
Photo 2 : Les membres du RICE et la conseillère à la présidence, chef du Département des congolais de l'étranger, reçus par le Président de la République à l'issue du Challenge ©Adiac
Photo 3 : Ambroise Loemba, trésorier du RICE ©DR
Photo 4 : Daach Kimpouni, étudiant congolais, recruté pour aider à l’organisation du Challenge entrepreneurial du RICE ©DR
Encadré 1 : Parfait-Anicet Kissita, producteur de fruits et légumes transformés, lauréat du Challenge entrepreneurial du bassin du Congo ©Adiac
Encadré 2 : Diakanu Matongo, producteur de miel, lauréat du Challenge entrepreneurial du bassin du Congo ©Adiac
Encadré 3 : Chris Mabiala, co-créateur de Pousselec, devant le prototype encore secret ©DR
Encadré 4 : Sandy Mbaya Mayetela, directeur d'Africa Solaire, lauréat du Challenge entrepreneurial du bassin du Congo ©DR
Encadré 5 : Financement du 1er Challenge Entrepreneurial du RICE ©DR |