Analyse : Ce que les arts d’Afrique nous disent des relations Nord-SudSamedi 18 Avril 2015 - 10:18 Au centre de l’ouvrage dirigé par Myriam Odile Blin, Arts et cultures d’Afrique, vers une anthropologie solidaire, publié aux Presses Universitaires de Rouen et du Havre, en 2014, est posée la question de la relation entre le Nord et le Sud dans le domaine des arts. Cette opposition Nord/Sud est certes réductrice, mais de nombreuses contributions de cet ouvrage collectif visent à revisiter les termes de ce rapport qui a souvent été analysé sous les formes de la domination coloniale, post coloniale et de l’exploitation économique qui se réfracte dans tous les aspects de la vie collective. Saisir ici les formes de violence symbolique à l’œuvre dans les expressions artistiques n’est qu’un aspect des données fournies. Le contexte des réseaux mondialisés de l’information est approché à partir de la circulation des images et des esthétiques en tous sens et sous toutes les latitudes, notamment de l’exportation massive de produits occidentaux dans le reste du monde. Mais ce processus laisse place également à l’émergence de langages artistiques originaux en Afrique qui renouvellent à la fois les esthétiques et les modalités de fonctionnement des mondes sociaux de l’art. Certaines contributions de l’ouvrage, retracent l’évolution historique qui aboutit à la situation de cette création contemporaine, d’autres montrent les hybridations et métissages sans cesse renouvelés que celle-ci engendre. Ce faisant, certains auteurs indiquent aussi par quel cheminement l’objet considéré a longtemps subi méconnaissance, préjugés et par conséquent défaut de légitimité, quand il ne s’agissait pas de falsification de l’histoire. À la lecture de cet ouvrage, l’on saisit combien le processus de légitimation ou de re-légitimation des arts et cultures d’Afrique dépend de paramètres complexes tels que le fonctionnement de la scène artistique internationale de l’art contemporain, de la fracture numérique Nord/Sud, des relations de dépendance induites par les formes de financement de la culture, des relations dissymétriques entre les États, des enjeux sous jacents au maintien du monopole, par l’Europe et les USA, du pouvoir de définir la valeur de l’art, enfin de la maîtrise des différentes formes de richesse matérielles et immatérielles, de leur production, de leur circulation et de leur appropriation. Mais le dynamisme de la création contemporaine en Afrique et dans les diasporas bouscule aujourd’hui les esthétiques et instaure des positionnements inédits pour les créateurs autant que pour les amateurs et analystes. « Observations fines des lieux, des acteurs et des modalités du changement à l’œuvre dans les cultures contemporaines africaines alternent …. avec la dénonciation de systèmes qui auraient montré leurs limites parce qu’ils reposent sur une exploitation dissymétrique des richesses », indique Myriam Odile Blin en introduction. Cette dimension critique apparaît avec virulence dans certaines contributions qui ont le mérite de tenter de mettre en perspective une nouvelle anthropologie qui permettrait « d’inverser la tendance ». Enfin, une iconographie abondante et judicieusement sélectionnée instaure un parcours de formes, certes non exhaustif, mais non dépourvu de pertinence et qui permet au lecteur non spécialiste une lecture stimulante. Florence Gabay Légendes et crédits photo :Couverture du livre "Arts et cultures d’Afrique, vers une anthropologie solidaire" |