Africajarc 2016 : le cinéma documentaire à l’honneurVendredi 29 Juillet 2016 - 22:35 La 18e édition du festival Africajarc a mis en avant la forme du film documentaire dans sa programmation cinématographique. L’invité d’honneur de cette édition était d’ailleurs le réalisateur, documentariste et scénariste burkinabè Michel K. Zongo. Michel K. Zongo est une grande figure du cinéma africain, il a réalisé quatre documentaires dont plusieurs ont été primés lors de festivals internationaux tels que le Terra Festival, le FESPACO ou la Berlinale. Il crée dès 2010 sa propre structure de production de films documentaires, Diam Production. Trois de ses films ont été projetés à Cajarc : « Espoir Voyage » a inauguré le festival. Ce film aborde la question des migrations intra-africaines et notamment celle des travailleurs burkinabè vers la Côte d’Ivoire et des conditions de travail très difficiles. « Sibi, l’âme du violon » évoque la tradition des griots à Koudougou, la ville natale du réalisateur. Michel K. Zongo fait un retour vers le film social en 2015 avec « La Sirène de Faso Fani » qui relate l’aventure de la célèbre manufacture de coton du Burkina Faso. Pendant longtemps, Koudougou a été considérée comme la ville textile du Burkina, par la présence de l’usine Faso Fani qui signifie « Le pagne du pays ». Toute la ville se réveillait le matin au son de sa sirène. C’était le projet d’une nation indépendante et un très beau pari qui fit ses preuves : les pagnes étaient de qualité et leur réputation dépassa largement les frontières du Burkina. Mais l'usine ferme en 2001 suite à plusieurs plans de restructuration imposés par le FMI et la Banque mondiale. Des centaines d’employés se retrouvent alors brutalement au chômage. Plus de dix ans après, Michel K. Zongo part à la rencontre des ex-employés de Faso Fani pour révéler les conséquences désastreuses d’une politique économique mondiale aveugle des réalités locales. En associant les tisseuses qui œuvrent toujours à Koudougou, il monte le projet de voir renaître la filière du coton en créant une coopérative associant les anciens employés de Faso Fani avec les jeunes tisseuses. Très beau film, inspirant et positif ! Deux autres documentaires projetés lors du festival nous ont particulièrement plu. Il s’agit du film « Sur les chemins de la rumba » du Congolais David Pierre Fila, qui mène une enquête sur les origines de la rumba. Cette recherche nous fait voyager du Congo en Equateur en passant par Cuba. David Pierre Fila signe un documentaire très intéressant et bien filmé, mêlant images d’archives, scènes de danse et interviews contemporaines avec de nombreuses personnalités, le spécialiste MFumu Fylla Saint-Eudes, l’universitaire équatorien Juan Montanio, l’homme politique Claude Ernest Ndalla Graille ou le musicien Ray Lema. Suivant la route de l’esclavage, ce serait les bantous arrivés en terre américaine qui aurait créé, en souvenir de leur culture originelle, le rythme de la rumba. Le Bassin du Congo est montré comme étant à la source de ce rythme, qui lui a donné sa forme et son âme et c’est par les allers- retours entre l’Afrique et l’Amérique latine que la rumba est ce qu’elle est aujourd’hui. L’autre documentaire est celui d’Angèle Diabang sur le travail remarquable que mène le chirurgien Denis Mukwege au sein de l'hôpital Panzi à Bukavu, dans l’est de la RDC « Congo, un médecin pour sauver les femmes », sorti en 2014. Le docteur Mukwege, gynécologue et militant des droits de l'Homme, lauréat du Prix Sakharov 2014, procède à des opérations de chirurgie réparatrice sur des femmes violées et de reconstruction psychologique. C’est cet engagement ainsi que le fonctionnement de cet hôpital depuis sa création il y a une quinzaine d’années qui sont montrés dans ce film. S’appuyant sur les témoignages du docteur lui-même, ainsi que de ses collaboratrices (il s’est principalement entouré de femmes) et des patientes, ce documentaire montre la tragique réalité de cette partie de la RDC où les violences sexuelles sont utilisées comme arme de guerre pour terroriser la population et détruire le tissu social, horreur créée par des militaires qui pillent, violent et exécutent. Ces millions de victimes sont ignorées et ce film leur donne enfin la parole. En quinze ans, le « médecin qui répare les femmes » a pris en charge plus de 40 000 de ses concitoyennes, mais aussi créé les Maisons Dorcas, des centres d’apprentissage où les survivantes s’initient à un métier, reprennent goût à la vie et apprennent à défendre leurs droits, y compris en justice. Pauline Pétesch Légendes et crédits photo :Photo 1 : Affiche "La sirène de Faso Fani" de Michel K. Zongo
Photo 2 : Affiche "Congo, un médecin pour sauver les femmes" d'Angèle Diabang Notification:Non |