Joanne-Stacy Eyango : « Pardon, vous avez dit partenariat Europe-Afrique ? »

Dimanche 30 Mars 2014 - 5:15

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Il y a bientôt deux ans, je déposais ma candidature pour le programme Europe-Afrique de Sciences-Po. L’une de mes motivations était : « Devenir un des acteurs des relations entre l’Afrique, mon continent, et le reste du monde, en particulier l’Europe. » Si j’ai toujours le même objectif, ma perception des choses a aujourd’hui changé

Joanne-Stacy EyangoJoanne Stacy Eyango est une jeune étudiante de 18 ans actuellement en deuxième année du programme Europe-Afrique de Sciences-Po Paris. De nationalité camerounaise, elle se considère cependant comme africaine après avoir vécu en Afrique de l’Ouest, du centre et de l’Est. Passionnée et curieuse, elle veut grâce à son expérience personnelle apporter un regard singulier sur l’Afrique et ses interactions avec le reste du monde. Elle est responsable de la Semaine de l’Afrique à l’Association de Sciences-Po pour l’Afrique.

Après avoir effectué des recherches pendant des jours, j’ai présenté mon « coup de gueule » lors d’un concours d’art oratoire. Ce dernier portait sur les relations entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE). Mon travail rendait compte de la situation actuelle et de la quantité de travail que nous avons encore à fournir dans ce domaine. L’un des défis principaux? Corriger l’asymétrie dans les relations entre l’Europe et l’Afrique.

Un partenariat est une collaboration équitable entre différents agents autonomes ayant pour but de réaliser un objectif commun. Cependant, les deux conditions citées préalablement ne sont pas respectées. En effet, la question d’une collaboration d’égal à égal est déjà remise en cause quand on sait que plus de 60% du budget de l’UA sont constitués de dons de pays étrangers et que les principaux donateurs sont l’UE et ses états membres. Peut-on être autonome et indépendant quand 60% de nos ressources monétaires dépendent d’un tiers ?

De plus, parler de partenariat entre l’UE et l’UA n’est, selon moi, pas représentatif de la situation. Tout d’abord parce que ces deux organisations ne disposent pas encore d’un pouvoir politique important sur leur continent. Ensuite, parce que la pluralité de membres laisse apparaitre un groupe d’États leaders qui ont plus de pouvoir que les autres au sein même de ces ensembles (France et Royaume-Uni dans l’UE, Afrique du Sud et Nigeria dans l’UA). Il est selon moi plus juste de parler de relations entre certains États membres de ces ensembles, par exemple la relation entre la France et le Sénégal ou celle entre la Grande-Bretagne et le Ghana, qui sont plus intenses et qui ont plus d’importance.

À la lumière de tous ces facteurs, je dirai qu’il existe des relations très importantes et des liens très forts entre les deux continents à cause de facteurs économiques (interdépendances), historiques (relations séculaires), géographiques (proximité), mais que malheureusement c’est encore le « grand frère », l’Europe, qui chaperonne, aide, et oriente le plus petit, l’Afrique. Je ne pense pas qu’un rejet de l’Europe soit la meilleure des choses, mais une reconfiguration de nos relations avec elle est indispensable. En tant que citoyenne africaine, et potentielle future dirigeante, je rêve d’une Afrique décomplexée et consciente de son potentiel, mais aussi de ses faiblesses, qui ne sera pas intimidée et aura le courage de défendre ses intérêts et ses idéaux.

Joanne-Stacy Eyango