Centrafrique : le président dénonce la résurgence des violences interreligieuses

Jeudi 3 Mai 2018 - 13:49

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Au moins vingt-quatre personnes ont été tuées et cent soixante-dix autres blessées à Bangui, lors des affrontements du 1er mai entre un groupe armé du général auto-proclamé « Force » et les forces de sécurité centrafricaines, a-t-on appris de sources médicales.

Après les affrontements qui font ressurgir le spectre des violences entre musulmans et chrétiens, dont le premier bilan faisait état de seize morts, le président Faustin-Archange Touadéra a dénoncé, le 2 mai, « une instrumentalisation de la religion à des fins politiques ». D’un ton ferme, le chef de l’Etat qui s'exprimait en l'église Saint Paul en présence de l'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, a condamné ces violences. « Ce conflit n'est pas confessionnel », a-t-il martelé en dénonçant la tentative de certains groupes armés de « confessionnaliser leur ambition politique et le pillage du pays ». Le président a, par ailleurs, décrété un deuil national du 3 au 5 mai.

De son côté, l'archevêque a condamné l'attaque dans la paroisse de Fatima et lancé un appel au gouvernement ainsi qu'à la mission de l'ONU (Minusca) « pour que lumière soit faite » sur les événements. Il a également appelé les Centrafricains à s'unifier pour « dire non à la violence et à la barbarie ».

Un accrochage entre un groupe armé et les forces régulières a dégénéré, le 1er mai, provoquant l'attaque de l'église Fatima, située non loin du quartier musulman du PK5. Ce qui a causé la mort de plusieurs civils, dont l’abbé Albert Tougoumalé-Baba. En réaction à la mort du prêtre, une foule en colère avait incendié une mosquée et lynché deux personnes qualifiées de musulmans.

« Les violences intercommunautaires n'ont jamais cessé depuis la crise de 2014. Elles prennent différentes formes en fonction des intérêts », a relevé Nathalia Dukhan, auteure de plusieurs rapports sur les milices centrafricaines pour l'ONG Enough Project. Elle a rappelé quelques moments sombres de la situation en Centrafrique. « Fin 2015, les tensions au PK5 ont été (déclenchéees) par les chefs de groupes armés Abdoulaye Hissène et Mokom pour la défense d'intérêts politiques et économiques privés. Aujourd'hui, on constate une très possible récupération politique du groupe de Force. En 2017, on voyait un conflit entre ethnies musulmanes, comme avec la planification d'une épuration ethnique des Fulani (Peuls). En 2018, on observe un retour aux divisions religieuses comme en 2014 », a résumé la chercheuse.

La Minusca et les forces gouvernementales mènent, depuis le 8 avril, une opération militaire contre des milices armées du PK5 dont celle de « Force ». Au moins vingt-sept personnes sont mortes, dont un Casque bleu, dans des combats ayant opposé le 10 avril au PK5 une patrouille mixte Casques bleus rwandais/forces armées centrafricaines et les milices du quartier.

La Centrafrique est embourbée dans un conflit meurtrier depuis 2013 quand la coalition pro-musulmane de la Séléka avait pris le pouvoir par la force. Et lorsque les groupes armés du mouvement ont été chassés l’année suivante par les anti-Balaka, tous les musulmans s’étaient enfuis de Bangui ou s’étaient réfugiés au PK5. Ils y ont laissé progressivement la place à d'autres bandes mafieuses auxquelles les commerçants versent une « taxe ».

Depuis que la rébellion Séléka qui prétend défendre les musulmans a rencontré la résistance de la milice anti-Balaka, animiste et pro-chrétienne, les groupes armés dirigent une majeure partie du territoire de la Centrafrique où ils combattent pour le contrôle des ressources naturelles et de l'influence.

Nestor N'Gampoula

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