Portrait : Jean-Baptiste Kikwaya Eluo, l’astronome congolais du Vatican

Lundi 21 Août 2017 - 16:31

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Originaire de la République démocratique du Congo, le père Jean-Baptiste Kikwaya, prêtre jésuite, est astronome depuis une dizaine d’années au sein de l’Observatoire du Vatican, institut de recherche scientifique qui dépend directement du Saint-Siège. Dirigé Par les Jésuites, l’Observatoire du Vatican est l’un des observatoires astronomiques les plus anciens du monde avec des bureaux à Castel Gandolfo au sud de Rome et à Tucson en Arizona, aux USA. Le prêtre congolais vit entre l’Italie et les  USA où il effectue ses recherches dans les deux bureaux.    

Détenteur d’un doctorat en Astronomie d'University of Western Ontario au Canada et d’une maîtrise en Théologie obtenue à la faculté Jésuite de Théologie Centre Sèvres à Paris, Jean-Baptiste Kikwaya est spécialiste des météores, des Fireballs (boules de feu)  et des Near Earth Objects ( les Objets proches de la Terre). Il est membre de l’International Astronomical Union, de l’American Astronomical Society Division for Planetary Science et de l’European Planetary Science Congress. À l’Observatoire du Vatican,  Jean-Baptiste Kikwaya s'intéresse à la détermination de la densité apparente de météores de taille millimétrique en utilisant un modèle d'ablation basé sur la conception du météore comme boule de poussière. Pour les boules de feu qui sont « capturés » chaque nuit par trois caméras autour de Tucson, il estime le flux de pluies majeures différentes. Pour les Near Earth Objects, il mesure leurs taux de rotation et détermine également leurs couleurs à l'aide de filtres à bande large . « Je travaille sur les astéroïdes. Elles sont comme des bébés planètes. C’est en étudiant ces rocs que l’on pourra répondre aux questions de la vie ou de ce que nous avons été il y a 4 milliards d’années. Mon travail consiste à observer les astéroïdes, voir de quoi elles sont constituées physiquement, quelle est leur origine, leur évolution. Il s’agit de répondre à toutes ces questions afin de véritablement comprendre ce que nous sommes aujourd’hui », indique le Père Kikwaya.

Un parcours entre religion et astronomie

Né à Kinshasa en 1965, Jean-Baptiste Kikwaya a effectué son noviciat au Rwanda à Cyangugu, avant de revenir à Kinshasa pour effectuer des études de philosophie. Après, il rejoint l’université de Kinshasa pour des études de mathématiques. Mais, à cause d’un contexte politique troublé à l’époque, il ne peut entamer ces études. Face à cette situation, le provincial de la communauté des Jésuites de l’époque, le père Matungulu, l’envoie étudier les sciences en Belgique à l’université Notre-Dame de la paix, aujourd’hui université de Namur. « J’ai fait des études de sciences mathématiques, orientation mathématiques célestes, c’était donc déjà de l’astronomie. Les études étaient basées sur la dynamique des corps célestes », explique l’astronome. Après, la Belgique, Jean-Baptiste Kikwaya retourne dans le parcours religieux pour étudier la Théologie au centre Sèvres aujourd’hui Faculté Jésuites de philosophie et de Théologie à Paris, où il effectue  le premier cycle de théologie d’une durée de trois ans et  finit ses études en 1997. En juillet de la même année, il retourne en RDC, où il travaille pendant deux ans comme professeur de mathématiques, de physique et d’informatique à l’Institut supérieur agro-vétérinaire (ISAV) et à l’Institut Saint-Pierre Canisius. « Comme, après le premier cycle, j’ai été ordonné diacre, j’assumais aussi les tâches de diacre à la paroisse Saint-Pierre-Claver de Kindele. Après une année à Canisius à Kimwenza, j’ai été ordonné prêtre. Je suis resté encore une année à Kinshasa après avoir été ordonné prêtre et je travaillais à l’ISAV. La première année, j’étais professeur et intendant.  La deuxième année, je suis devenu directeur administratif à l’ISAV, je donnais également cours et comme prêtre, je rendais service dans deux paroisses : Saint-Pierre Claver à Kindele et la paroisse Notre-Dame de Kimwenza », explique le père Kikwaya. C’est à cette époque, en 1999 que l’observatoire du Vatican, dirigé par les Jésuites, a manifesté le besoin de renouveler son équipe. Un appel a été ainsi lancé à toute la compagnie des Jésuites dans le monde afin de proposer des jeunes qui souhaitaient entrer dans cet apostolat, à savoir la recherche astronomique.

Le père Matungulu, qui l’avait précédemment envoyé étudier les Mathématiques, orientation Astronomie, en Belgique, était entre-temps devenu secrétaire du père général des Jésuites à Rome. « Il a reçu le message et l’a transmis au provincial de l’époque le père Metena. Ce dernier m’a libéré afin d’intégrer l’observatoire du Vatican. Je suis d’abord allé à Rome à Castelgandolfo afin de prendre un premier contact avec l’équipe de l’observatoire du Vatican. Le travail qu’ils réalisaient rejoignait les études de mathématiques que j’ai faites à Namur. Je n’avais pas fait d’études de mathématiques pour faire de la recherche mais plutôt pour être professeur de mathématiques dans un de nos collèges. Mais ma maîtrise était axée sur la mécanique céleste et l’astronomie. En 1999, je suis allé en France pour une année de DEA en astronomie à l’Observatoire de Paris où j’ai vraiment étudié la mécanique céleste », explique l’astronome congolais. Après ce DEA en Astronomie et avant de rejoindre définitivement l’Observatoire du Vatican, ses supérieurs lui ont demandé de terminer avant tout son parcours religieux. Cela signifiait notamment qu’il devait obtenir une maîtrise en Théologie. En 2000, après avoir fini son DEA à l’Observatoire de Paris, JB Kikwaya reste encore deux ans à Paris à la faculté Jésuite de Théologie Centre Sèvres pour finir les deux ans de Théologie et obtenir ainsi une maîtrise. Après avoir obtenu ce diplôme en 2002, il a rejoint l’Observatoire du Vatican. Néanmoins, arrivé dans cette institution , il devait produire une thèse de doctorat en astronomie. Le père Kikwaya est donc envoyé au Canada en 2003 pour effectuer une thèse en astronomie. C’est à la suite de la production de cette thèse qu’il a rejoint définitivement l’équipe de l’Observatoire où il évolue depuis 2009.

Un astéroïde qui porte son nom "Kikwaya"

Au sein de cette institution, il a réalisé de nombreuses recherches. L’une d’entre elles, réalisée avec la Nasa, institution avec laquelle il collabore régulièrement, lui a valu une reconnaissance mondiale : L’attribution de son nom à un astéroïde qui porte désormais le nom « Kikwaya » .    «C ’est tout simplement par reconnaissance de la contribution scientifique  de la personne dans le domaine de l’astronomie. J’ai travaillé beaucoup plus sur les météores qui sont beaucoup plus petits. J’ai réalisé un travail qui a été reconnu par le monde scientifique. Et comme par reconnaissance, on a voulu donner mon nom à cet astéroïde. Je suis content que mon nom soit ainsi gravé. Le travail que j’ai réalisé était basé sur les météores. C’est ce que nous appelons communément « étoile filante » . C’est généralement une poussière pas aussi grosse qu’un grain de sable et qui entre dans l’atmosphère terrestre. Cela produit ce phénomène. Il est question d’étudier ces météores pour connaître leur constitution et déterminer la densité de ces objets. Quand on connaît la densité d’un météore, on peut avoir une idée sur sa composition chimique et sa structure chimique. Mon travail sur les météores est très important sur le plan scientifique mais surtout sur le plan pratique. Nous avons des satellites artificiels( télécommunications, transferts de fonds, etc). Il est très important de les protéger de ces objets-là. J’ai travaillé avec la Nasa et je continue à travailler avec eux sur ces sujets-là », explique le père Jean-Baptiste Kikwaya.

Ce dernier estime que, comme planète Terre, nous avons des voisins, et il est toujours important de connaître son voisin. « On travaille à un niveau très large où on cherche à protéger la vie. La vie vient de Dieu, nous ne le nions pas, comme homme. Néanmoins, Dieu nous a donné de l’intelligence et nous pouvons l’utiliser pour savoir comment fonctionne l’univers et répondre à des questions en tant que scientifique et non pas en tant que religieux. Cela signifie faire des observations, des expérimentations, des expériences pour véritablement reconstituer ce puzzle et répondre comme scientifique à la question de la vie. Nous ne nions pas le fait que cette vie soit venue de Dieu mais nous avons l’opportunité, comme scientifique, ou comme homme tout simplement d’étudier toutes ces questions. Nous acceptons que cette vie nous a été donnée par Dieu. Nous en sommes maintenant responsables et nous devons la protéger. Si nous ne le faisons pas, nous allons perdre cette vie et Dieu n’y sera pour rien » , conclut l’astronome Jean-Baptiste Kikwaya.

Plus d'informations sur l'Observatoire du Vatican http://www.vaticanobservatory.va/content/specolavaticana/en.html

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photos 1 Le père Jean-Baptiste Kikwaya Photo2 Vue du Dome de l'Observatoire

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