Couleurs de chez nous « Mâ kulutu »Mardi 18 Juillet 2017 - 11:50 Simplement, cela veut dire « la grande sœur de maman » ou « tante maternelle ». Au Congo, celle-ci est respectée par les enfants de sa petite-sœur. Et si elle a la chance d’être l’aînée d’un nombre donné de femmes, son poids dans la famille devient important, surtout parce qu’elle doit briller par l’exemple et servir de médiatrice dans le règlement des différends entre les sœurs ou entre celles-ci et leurs époux voire au-delà. Pour bien parler, on dit « Mama ya kulutu » et, par un effet de langage, on en est arrivé à la contraction pour donner « Mâ kulutu » ou directement « kulutu». Telle est l’appellation et tel est le portrait de cette femme ou de cette mère aux vertus morales et sociales reconnues. Si bien que sur le plan conjugal, la première femme d’un homme polygame, les Congolais le sont en majorité, est aussi considérée comme « Mâ kulutu ». Généralement on lui reconnaît une certaine autorité dans la concession. C’est elle qui peut remettre de l’ordre lorsqu’il y a grabuge. Sereine, elle exprime rarement ses émotions et veille au bien-être de tous les enfants de la famille sans aucune distinction. Un enfant sermonné par sa maman trouvait souvent refuge chez « Mâ kulutu ». Depuis quelques années, ces belles couleurs congolaises ont disparu. Avec elles, « Mâ kulutu » dans tous ses sens. Déjà que la polygamie est difficilement acceptée par les Congolaises d’aujourd’hui, les hommes ne prennent plus le risque de faire cohabiter deux femmes ou plus comme le faisaient leurs anciens. La chose étant dans le sang et ne pouvant échapper à la polygamie qui, d’ailleurs, est autorisée par la loi, les nouveaux Congolais optent pour une gestion séparée de leurs épouses. Celles-ci, quand elles se connaissent, se regardent en chiens de faïence. Elles ont une limite que chacune ne doit jamais franchir et des frontières à respecter. Celle qui vient en deuxième position, souvent, s’interdit la fréquentation de la zone de résidence de la première. Elle doit parfois même éviter le marché et les magasins que l’autre est censée fréquenter. Cette haine entretenue se reporte aussi sur les enfants qui, pourtant, portent le même nom, celui de leur père commun. Il arrive que sur consignes des mamans les enfants cultivent l’adversité. La belle époque de « Mâ kulutu » et sa déchéance ont nourri les artistes des deux rives du Congo avec, à la clé, des titres qui tantôt encouragent la « coexistence pacifique » tantôt « la guerre froide ». Rappelez-vous les compositions de Lutumba : « Mama kulutu » et « Faute ya commerçant ». Puis « Faux pas », chantée par Mbilia Bel alors sous la férule Tabu Ley.
Van Francis Ntaloubi Notification:Non |