Migrations : l’Italie estime que la situation a atteint ses limites

Samedi 1 Juillet 2017 - 19:45

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Rome menace de fermer ses ports aux associations de secours aux migrants en Méditerranée, car elle ne peut plus se débattre seule face au phénomène.

L’Italie se dit littéralement « fatiguée » d’être abandonnée par tous ceux qui la regardent se débattre seule face au flot des migrants. Les arrivées, à partir des côtes libyennes, ont redoublé à la faveur du beau temps chaud qui règne aujourd’hui sur l’Europe du sud. « On ne peut plus continuer comme ça », a affirmé jeudi un officiel gouvernemental. Plus de 73.300 migrants sont arrivés sur le territoire italien depuis le début de l'année, en hausse de plus de 14% sur la même période en 2016. Rien qu’entre dimanche dernier et mardi, les garde-côtes italiens disent avoir secouru plus de 10.200 migrants au large des côtes libyennes.

Et cette situation commence à pousser l’Italie vers l’exaspération. « Si on continue avec ces chiffres, la situation va être ingérable, même pour un pays grand et ouvert comme le nôtre », a estimé le président Sergio Mattarella, chef de l’Etat italien, d’habitude si « zen ». Le représentant italien à l'Union européenne, Maurizio Massari, a rencontré jeudi à Bruxelles le commissaire européen chargé de l'Immigration, Dimitri Avramopoulos, et lui a remis une lettre dans laquelle l'Italie explique qu'après les dernières arrivées massives de migrants sur ses côtes, « la situation a atteint la limite du supportable ».

L’Italie appelle depuis des années les autres membres de l’Union Européenne à la  solidarité et à une répartition du poids de ce phénomène. Son exaspération actuelle commence à être entendue en Europe. « Nous comprenons les inquiétudes de l'Italie et nous soutenons son appel à un changement de la situation », a déclaré une porte-parole de la Commission Européenne. Mais « tout changement de politique devrait d'abord être discuté avec les autres Etats membres et aussi communiqué correctement aux ONG qui utilisent ces bateaux pour qu'elles aient le temps de se préparer », a ajouté Mme Natasha Bertaud, la porte-parole.

PLUS DE SOLIDARITE

De son côté, l’ONU rappelle aussi les nations européennes à l’impératif de solidarité avec l’Italie. Le haut-commissaire du HCR, Filippo Grandi, a demandé plus de soutien international pour l’Italie. « Ce qui arrive devant nos yeux en Italie est une tragédie ». Cette situation « ne peut pas être seulement un problème italien. Il s'agit surtout et avant tout d'un problème d'importance internationale, requérant une approche régionale concertée et commune », a-t-il estimé. « Nous sommes seulement au début de l'été, et sans action collective, nous ne pouvons que nous attendre à plus de tragédies en mer », a-t-il ajouté.

Pour lui, la communauté internationale doit, entre autres, « s'attaquer aux racines profondes derrière les pressions migratoires, créer une meilleure protection pour les personnes en transit, et lutter contre la contrebande et le trafic ». Car la poursuite et l’aggravation du phénomène des flux migratoires s’accompagne des drames habituels, des noyades à répétition notamment. Sans parler du nombre d'enfants non accompagnés qui lui aussi a augmenté de 109% entre 2015 et 2016 pour atteindre 25.846 à la fin de l'année dernière.

Les ministres de l'Intérieur français, italien et allemand devaient se concerter dimanche soir à Paris pour une « approche coordonnée » afin d’aider l'Italie à faire face à l'afflux de migrants dans ses ports. Les ministres Gérard Collomb, Marco Minniti et Thomas de Maizière ainsi que le commissaire européen chargé des migrations Dimitris Avramopoulos entendent « voir comment on peut mieux aider les Italiens », en amont de la réunion informelle des ministres de l'Intérieur de l'UE jeudi prochain à Tallinn, en Estonie.

Interrogé sur les flux et la menace italienne de bloquer ses ports, le cardinal Peter Kodwo Apiah Turkson du Vatican a reconnu que le problème devait impliquer plus de monde. S’il reconnaît que « la décision des Italiens est interne à l'Europe », c’est pour ajouter aussitôt : « on ne peut pas s'occuper de ces questions seulement en Europe ». Le haut-prélat, une des plus grandes figures africaines aux côtés du pape, estime qu’il faut « traiter cette question à la source par l'angle du développement, faire en sorte que les gens n'arrivent plus ainsi en Europe. C'est comme un robinet avec l'eau qui s'écoule: il ne faut pas juste sécher, mais fermer le robinet ».

Migrations : des morts à n’en plus finir

Encore une fois, cette saison chaude est la période traditionnelle des traversées en masse de la Méditerranée par les migrants tentant d’entrer en Europe par les ports italiens. Et la période des morts. Le mois de juin s’est achevé par les mêmes statistiques macabres. L’Organisation internationale des migrations, OIM, a en effet indiqué qu’une soixantaine de personnes ont disparu en mer jeudi après le naufrage de leur embarcation partie de Libye.

Il y avait à bord entre 140 et 150 migrants, seuls 80 d’entre eux ont été sauvés. « Ils ne savent pas combien de temps ils ont attendu avant que les secours arrivent. Ils se sont accrochés à des bouts du canot jusqu’à la nuit tombée, et un bateau est arrivé pour les sauver », a expliqué le porte-parole de l’OIM. L’organisation a indiqué que depuis le début de l’année, 2.100 personnes ont trouvé la mort en tentant la traversée de la Méditerranée dans des bateaux de fortune.

Lucien Mpama

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