Italie : l’Afrique a eu un large écho en 2013

Mercredi 1 Janvier 2014 - 19:50

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La coopération Italie-Afrique a été au cœur d’une double et positive action pendant l’année qui vient de s’écouler. Rétrospective

Si l’année 2013 s’est terminée en Italie par des signes forts en direction de l’Afrique, avec laquelle la Péninsule a décidé de relancer une coopération réactivée, c’est aussi parce que tout au long de ces douze mois les événements ayant l’Afrique ou les Africains comme acteurs ou destinataires privilégiés se sont échelonnés. Pays respirant par les deux poumons du politique et du spirituel, c’est aussi par la double action menée au gouvernement et par l’Église catholique au Vatican que l’Italie s’est distinguée en 2013.

Même si la nouvelle de la démission du pape Benoît XVI en février n’a pas concerné le seul continent africain, le bouleversement introduit par cet inédit a eu ici des répercussions très visibles. Des leaders politiques ont adressé des messages de remerciements au pape émérite en signe de reconnaissance, lui qui en sept ans de pontificat effectua deux visites historiques au Cameroun, en Angola et au Bénin. La première de ces visites fut d’ailleurs l’occasion d’une houle mondiale, l’opinion occidentale ayant vu dans des propos du pape allemand retraité une condamnation sans réserve de l’usage du préservatif (« Ce n’est pas le problème, c’est le problème ») pour lutter contre le sida dont l’Afrique est affligée.

L’avènement, en mars, d’un nouveau pape venu d’Argentine, donc d’un pays du tiers-monde, eut une forte résonnance au cœur de l’Afrique chrétienne et au-delà. Celui-ci devait d’ailleurs confirmer les espérances du continent noir en décidant de s’entourer de huit conseillers très proches, dont le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Le pape François, partisan d’une « Église pauvre pour les pauvres » a su tout de suite trouver les gestes et les mots qui parlent à cette Afrique de la foi qui a vu en lui sinon un des siens, du moins un de ses avocats incontestés.

Les Africains gagnent en visibilité

Mais au plan politique aussi, l’Italie a innové en quelque sorte. L’année 2013 s’est ouverte avec une grande incertitude politique causée directement et indirectement par la gestion de Silvio Berlusconi, homme le plus riche du pays mais dont le comportement chaotique commençait à devenir source d’embarras sur la scène internationale. Pourtant les élections politiques de mars qui promettaient sa mise hors-jeu définitive ne purent libérer que des résultats où chacun pouvait voir, suivant sa préférence, son verre à moitié vide ou à moitié plein. C’est cela qui amena au pouvoir une coalition politique naguère impensable, associant droite et gauche dans un gouvernement dit « de large entente ».

Dirigé par Enrico Letta, du Parti démocratique (gauche), ce gouvernement fit pour la première fois appel à une fille d’Afrique comme ministre, Cécile Kyenge Kashetu, originaire de République démocratique du Congo, au poste de ministre de l’Intégration. Le tollé et, presque, le traumatisme fut réel dans les milieux extrémistes dans une Italie où c’était une première en absolu. Mais le signal était donné : désormais l’immigration était considérée pour ce qu’elle devrait être, c’est-à-dire une force d’appoint et pas seulement en période électorale.

Même sans le vouloir, la ministre Kyenge, qui a effectué en novembre dernier sa première visite en Afrique, au Congo, est devenue un point de référence pour ou contre dans la politique italienne. Au point que la grande initiative de la fin 2013, l’Initiative Italia-Africa destinée à remettre en scelle la coopération italienne sur le continent l’a associée à cette démarche qui se veut de grande ambition. Et, qu’on le veuille ou non, ainsi que l’a dit le Premier ministre Letta, la présence de Mme Kyenge au gouvernement a permis de se saisir de manière plus courageuse de questions pendantes qui n’étaient abordées jusqu’ici que dans le dédain et l’anathème : la nationalité, le droit du sol, l’immigration, l’intégration…

De sorte que lorsque le 3 octobre dernier, plus de 360 immigrés, en majorité d’origine érythréenne, se sont noyés au large des côtes de l’île italienne de Lampedusa, l’onde de choc a été réelle sur tout le pays. Le pape en personne a appelé à ce que des tragédies de ce genre, résultant d’une « globalisation de l’indifférence », ne se reproduisent plus. De sorte aussi que la discussion de la loi Bossi-Fini qui punit l’immigration clandestine en Italie peut désormais faire l’objet de discussions saines au sein d’une classe politique qui ne peut pas oublier les images affreuses de Lampedusa, symbole d’une Europe qui se barricade dans son bien-être et laisse les pauvres périr à ses fenêtres. Le Premier ministre Letta a mis sur pied une mission de patrouille permanente en mer Méditerranée, non pour dissuader l’immigration, mais pour empêcher que les clandestins se noient même s’il est clair qu’ils doivent être renvoyés dans leurs pays d’origine.

Dieu n’oublie pas l’Afrique

C’est dans ce contexte que la visite du leader d’un acteur jadis important du développement en Afrique, la Russie, est intervenue. À Rome, en novembre, le président Vladimir Putin y a rencontré l’ancien président de la Commission européenne et ancien Premier ministre italien, Romano Prodi. Aujourd’hui, il est  délégué du secrétaire général de l’ONU pour le Sahel. Le président russe a décidé d'appuyer l’action polysémique de l’homme d’État italien en Afrique, très actif aujourd’hui dans les politiques de mise à disposition de l’eau potable pour les populations au Sahel, la scolarisation des jeunes filles, la construction de centres de santé et, bien entendu, la lutte contre le terrorisme de matrice islamique.

Enfin, au plan religieux, le Vatican a décidé de mettre résolument l’Afrique centrale au cœur de son action en recevant tour à tour trois des grands dirigeants de la sous-région : le Camerounais Paul Biya (18 octobre) ; l’Équato-Guinéen Obiang Nguema Mbasogo (25 octobre) et le Congolais Denis Sassou-N’Guesso (9 décembre). Le tout alors qu’à N’Djamena, le 6 novembre, le Saint-Siège officialisait les rapports de coopération Église-État par la signature d’un accord bilatéral. Signe de cette Afrique décidément visible au cœur du Vatican, c’est le nonce apostolique en Centrafrique, un Nigérian, qui fut le représentant et délégué du pape à cette cérémonie historique.

« Toi, Seigneur, tu n’oublies personne ! Et tu veux porter la paix sur cette terre (africaine) marquée par la spirale de la violence et de la misère, où tant de personnes sont sans maison, sans eau et nourriture, sans le minimum vital. Paix en Centrafrique, souvent oubliée des hommes. » Ce fut la prière du pape François dans la nuit de ce qui a été son premier Noël au Vatican. Une prière, pas un simple « Bonne Année ! » formel. C’est, là aussi, un signe.

Lucien Mpama