Sécurité, paix et développement : le point de vue de l’AfriqueVendredi 6 Décembre 2013 - 10:05 Un bon ordre économique encourage la paix et demeure l’affaire des citoyens. Il faut parfois dépasser le fléau du tout-capitalisme destructeur et de la concurrence malsaine qui sévit en Europe et désorganise la finance mondiale La question de la sécurité ne devrait pas se résumer à une question militaire ni à une affaire de militaires, même si cet aspect est important. Nous devrions pouvoir envisager cette question dans toutes ses dimensions : alimentaire, sanitaire, hydrique, éducative, et toutes choses qui assurent le bien-être de la population, notamment la lutte contre le chômage des jeunes diplômés. La prise en compte de ces dimensions prises globalement et effectivement contribuera à la diminution des facteurs belligènes et criminogènes que l’on observe çà et là à travers les médias occidentaux et à une redéfinition de la notion de sécurité. Le terrorisme, en tant que phénomène criminel, doit être traité comme il se doit, mais en tenant compte de ses véritables causes. Par exemple, sept à huit millions d’hommes et de femmes habitent dans la région du Darfour. On sait que les armes y prolifèrent et les ex-combattants désœuvrés y ont pris leur quartier, avec tout ce que cela représente comme insécurité dans la région. Développer le Darfour favoriserait la paix en Centrafrique et au Tchad en sécurisant le futur pipeline centrafricain qui reliera le port de Kribi au sud du Cameroun via le pipeline du Tchad. Dans le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2013, la France ne garantit pas à l’Afrique sa sécurité, mais vise à « contribuer à la paix dans le monde » (p. 59). En comparaison avec le discours des dirigeants chinois, la jeunesse africaine voudrait que la France aille plus loin, ne fût-ce que dans les mots : « Elle [la Chine] souhaite réaliser une coopération gagnant-gagnant et un développement partagé avec les autres pays du monde, et le peuple chinois souhaite travailler, à travers la réalisation du rêve chinois, la main dans la main avec les autres peuples pour accomplir le rêve mondial. (…) La Chine poursuit fermement la voie du développement pacifique, mais nous ne pouvons absolument pas renoncer à nos intérêts légitimes ni sacrifier les intérêts vitaux de l’État. Aucun pays étranger ne doit se faire d’illusions sur la disponibilité de la Chine à accepter que sa souveraineté, sa sécurité et ses intérêts de développement soient compromis », peut-on lire dans un extrait du discours du conseiller d’État de la République populaire de Chine et directeur du bureau pour les affaires extérieures du comité central du Parti communiste chinois, Yang Jiechi. La mission de défense de l’Afrique contre toutes sortes d’insécurités n’est pas seulement l’affaire des États africains. C’est aussi celle pour partie des préfectures, sous-préfectures, maires et chefs de village et quartier en ville et, sur le plan de la protection de leurs intérêts, celle des entreprises. L’État français a le devoir d’accompagner la diaspora africaine en France, qui milite pour la paix et le développement de l’Afrique. Quant aux étudiants et cadres africains qui ont boudé la France pour se rendre par exemple au Canada et aux États-Unis, il est urgent de les reconquérir par des actions concrètes et spécifiques d’aide au retour au pays d’origine. En Centrafrique, où la situation est chaotique, il y a exigence d’un traitement de choc. Il s’agit de présenter différentes options, par exemple créer des fonds d’affectation spéciaux avec la contribution d’États membres des Nations unies ou de certaines organisations (ce que l’Union européenne et les États-Unis ont déjà promis). Ces fonds pourraient couvrir les salaires et les dépenses de l'Etat centrafricain jusqu’à mi-2014. Des États membres pourraient également coopérer pour doter la Mission internationale de soutien à la Centrafrique du matériel et de l’armement nécessaires. Comme l’indique le sous-secrétaire général des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, la mission doit pouvoir jouer un rôle dans le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, dans la réforme du secteur de la sécurité, la protection des civils et la réconciliation nationale. L’aspect sécuritaire est le plus important, mais il y a d’autres défis. Tout retard dans le traitement de la crise centrafricaine sera fatal à la paix et à la sécurité des pays voisins.
Abdou Dangabo-Moussa Légendes et crédits photo :Avocat au barreau de Paris, docteur en anthropologie, chercheur rattaché au Laboratoire identités, territoires, expressions, mobilités, recherches sur la politique et les institutions africaines dans les contextes du regroupement panafricain en lien avec la Cour de justice de l’Union africaine. |