Immigration clandestine : morts de froid aux portes de l’EuropeMercredi 11 Février 2015 - 11:40 La mer agitée et le froid glacial en Europe n’ont pas dissuadé des intrépides venus d’Afrique de tenter la traversée de la Méditerranée : 29 morts. Le froid qui sévit sur toute l’Italie depuis dix jours était particulièrement sévère dimanche nuit. C’est pourtant le jour que des passeurs indélicats et des migrants plus désespérés encore ont choisi pour quitter les côtes libyennes à bord d’un canot pneumatique. Direction visée : Lampedusa, petite île de Sicile et point le plus avancé d’Italie par rapport à l’Afrique dans sa partie nord. C’est aussi devenu le symbole indétrônable des tragédies de l’immigration. En pleine mer, la frêle embarcation a connu l’avarie de trop, et n’a plus avancé. Les presque deux-cents passagers ont donc erré en pleine mer par un temps plus rigide que l’intérieur d’un congélateur. Entre les personnes éjectées par la houle dans la mer, les personnes âgées, les femmes et les enfants, la capitainerie du port dit n’avoir repêché qu’une trentaine de corps sans vie. Les survivants, eux, grelottaient de froid et étaient au bord de l’hypothermie. Ils ont été conduits dans les hôpitaux de la région. Leurs témoignages ont permis de reconstituer la trame du drame : ils étaient 105 migrants au départ, originaires d'Afrique sub-saharienne. Ils ont quitté la Libye dans l’intention de gagner l’Europe. Ils n’avaient pas fait une grande distance en mer qu’ils enregistraient des avaries de moteur et de structure de l’embarcation. Par téléphone satellitaire, ils ont appelé les garde-côtes italiens au secours. Le temps d’organiser les secours, de se positionner sur zone et beaucoup d’entre eux étaient cadavres. Une fois de plus ce drame réveille en Italie la ligne de fracture habituelle entre opposants à l’immigration clandestine et les humanitaires. Pour l’ONG Save the Children, la réponse à cette répétition de morts tragiques ne peut être dans la seule opération européenne Triton. Celle-ci est chargée de patrouiller dans les eaux maritimes de l’Union européenne mais sa mission ne peut se limiter au seul but de fermer les frontières aux autres. Au moins l’opération précédente, Mare Nostrum, lancée et gérée par l’Italie seule, a-t-elle pu sauver des milliers d’étrangers de la noyade ! « Lampedusa accueille aujourd’hui de nouveaux corps sans vie de migrants fuyant la guerre, la faim, les violences et de graves risques pour leur vie. Les mauvaises conditions climatiques de l’hiver n’ont pas interrompu les flux des arrivées par la mer. Cela démontre l’absence d’une politique alternative pour ceux qui, malgré tout, veulent à tout prix tenter la traversée », a regretté Raffaela Milano, la directrice pour l’Italie de Save the Children Europe. Au concret, les humanitaires plaident pour une réponse plus adaptée à la hauteur de la situation. Le centre Astaldi des jésuites à Rome critique des politiques européennes plus préoccupées par les questions économiques et peu du sort de personnes qui viennent mourir aux portes de l’Europe. « Nous ne voulons et nous ne pouvons accepter que la Méditerranée continue de se transformer en cimetière », a indiqué le jésuite Camillo Ripamonti, directeur d’Astaldi qui accueille des milliers de migrants au cœur de la ville de Rome. « Nous demandons que l’Italie et l’Europe garantissent le renforcement du système de secours en mer pour y conjurer de nouvelles tragédies », indique Mme Milan. Elle ajoute que selon les décomptes de son organisation, « depuis le début de l’année jusqu’aux morts de dimanche, ce sont en tout 3.709 migrants qui ont débarqué en Italie. Parmi eux, 195 femmes et 390 enfants mineurs dont seulement 149 étaient accompagnés ». Lucien Mpama |