Numéro spécial Francophonie : Un sommet de Dakar hautement politique ?

Mercredi 12 Novembre 2014 - 6:45

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À chacune de ses réunions au sommet, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se félicite de nouvelles adhésions d’États ou d’observateurs. En faisant le point des locuteurs du français dans le monde dans un rapport présenté à la veille du sommet, elle réalise que la langue qu’elle défend se porte plutôt bien. Ici et là, elle grignote un petit bout de territoire au bénéfice d’apprenants venant de divers horizons. Le français a donc encore de beaux jours devant lui, pourrait-on dire, même si – c’est une autre réalité – la concurrence qu’il affronte laisse dire que la bataille pour maintenir la bannière flottant au-dessus du mât doit être de tous les instants

Mais si une chose est de célébrer cette évolution, une autre en est de se demander si les fondamentaux de l’OIF ne sont pas en train de devenir foncièrement politiques. D’inclination culturelle à sa création, en 1970, elle s’appelle alors Agence de coopération culturelle et technique, puis passe en 1995 sous le label d’Agence intergouvernementale de la francophonie. Et de fil en aiguille, elle devient, sous l’appellation d’Organisation internationale de la Francophonie adoptée en 2005, un instrument politique indéniable. Il n’est que de songer aux prises de position de son secrétaire général lorsqu’éclatent des conflits au sein des États membres.

Au même titre que des instances éminemment politiques, comme l’Organisation des Nations unies, l’Union européenne,  ou encore, l’Union africaine, l’OIF ne fait plus mystère de son engagement diplomatique, assorti d’une gibecière de remontrances et de sanctions. Dans le meilleur des cas, elle avertit contre la tendance à la violation des droits de l’homme, dans le pire, souvent, elle prononce la suspension de pays confrontés à des subrogations antidémocratiques ou anticonstitutionnelles. L’OIF déploie désormais ses observateurs aux élections se déroulant au sein de plusieurs pays et rend ses rapports. Si elle avait les moyens de sa politique, n’exagérons rien, peut-être constituerait-elle aussi ses propres unités de maintien de la paix, tant les troubles sociopolitiques touchant ses adhérents sont récurrents, particulièrement en Afrique, le territoire le plus vaste de son ancrage géographique.

En fin de compte, la « maison savante » de l’espace francophone, richement culturelle, jovialement sportive, estime que le champ politique ne doit pas lui échapper, surtout si la politique devient pour ses membres, un obstacle à la réalisation du développement et à la construction de la paix. Pour autant,  le rapport à la politique de plus en plus affirmée de l’OIF n’a pas de quoi surprendre. C’est bien dans l’air du temps qu’une organisation de sa taille, avec près d’une soixantaine d’États et une vingtaine d’observateurs, se préoccupe de la santé politique de ses affiliés. La politique étant, en substance, pour chaque pays, le reflet de ce qui marche ou ne marche pas sur les plans économique, social et culturel.

Là où cet objectif acté de politiser l’OIF risque de ne pas toujours constituer une source de détente parmi ses associés est la place plus que prépondérante qu’il prend aux yeux de certains. Un exemple pour étayer ce propos : la sérénité ne fut pas toujours au rendez-vous du sommet de Kinshasa, en 2012, entre tous les invités de marque. Certains d’entre eux, parmi les plus en vue, ne se soucièrent guère de rendre à leur hôte, même en saluant sa disponibilité à accueillir avec ses défauts la famille francophone en son pays, les « diplomaties » qui devaient en être la suite logique. Kinshasa ne dramatisa pas outre mesure cette grosse déconvenue diversement commentée à l’époque.

Poursuivons dans la même lancée du tout-politique qui s’empare de l’institution francophone, en imaginant que l’argument politique soit le plus porteur de suffrages au moment de l’élection du futur Secrétaire général de l’OIF dans le sillage du sommet de Dakar, les 29 et 30 novembre. Peut-être est-ce un mauvais procès à la volonté unificatrice de la famille francophone, mais le choix du remplaçant du président Abdou Diouf ne s’opérera certainement pas en dehors des influences politiques. Les commentaires accompagnant cette élection en diront davantage sur le fair-play ou d’éventuelles frustrations chez les perdants et les États qui les soutenaient.

De ce qui précède, la planche de salut pour la langue en partage est que finalement existe la francophonie des peuples, des intellectuels, des artistes, des étudiants, des commerçants et des commerçantes de la rue voisine. Eux se sont appropriés le français, le vêtissent et le dévêtissent, l’enrichissent au quotidien, loin de l’intrigue politicienne des arènes décisionnelles. Le français compte beaucoup sur ce beau monde, et le thème du XVe sommet le lui rend avec suite : « Femmes et jeunes en francophonie : vecteurs de paix, acteurs de développement ».

Avec plus de 200 millions de locuteurs aujourd’hui, à la question comment va le français dans le monde, la réponse pourrait être : bien ! Jusqu’à ce que le politique en décide autrement, eu égard à ce que disait l’autre : « Le dialecte n’est jamais qu’une langue battue, et la langue, un dialecte qui a politiquement réussi. »

France-Afrique
L’ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, Jack Lang, actuellement président de l’Institut du monde arabe, se positionne pour le fauteuil d’administrateur de l’OIF en remplacement du Canadien Jean Duhaime en cas d’élection de Michaëlle Jean.
Noël Ndong

 

Pierre Buyoya sollicite Joseph Kabila pour sa candidature
Candidat à l’élection au Secrétariat général de la Francophonie, Pierre Buyoya sollicite le soutien du président de la RD-Congo, Joseph Kabila. « Je suis venu expliquer au président Kabila pourquoi je suis candidat, quelle est ma vision et quelles sont mes propositions », a-t-il déclaré à Kinshasa. Pierre Buyoya veut apporter à la Francophonie son « expérience d’homme d’État à la tête du Burundi durant deux mandats ainsi que son expérience diplomatique comme médiateur », se définissant comme « un réformateur, un militant de la démocratie et de la paix ».
N. N.

Gankama N’Siah