Présentez-nous votre initiative, Living the African Dream…
C’est une initiative globale qui a pour but de promouvoir la diffusion de la culture entrepreneuriale chez les jeunes en Afrique. Nous avons à ce jour deux grands projets. Le premier, mettre en place une plateforme sur internet pour relayer ce qui se fait de mieux en Afrique. L’idée est de montrer au monde qu’il est possible d’entreprendre en Afrique. Nous sommes persuadés que mettre en valeur le potentiel africain est une priorité. Deuxièmement, nous voulons mettre en place un centre d’entrepreneuriat et d’innovation. Le pilote devrait voir le jour d’ici septembre 2015 à Bamako. Le but est de créer un lieu qui encadre tous les jeunes qui ont de réels projets afin que nous puissions les accompagner, comme dans la recherche de financement, très problématique en Afrique. Et enfin, l’objectif ultime est de créer un déclic entrepreneurial chez les jeunes.
Comment aidez-vous et soutenez-vous les jeunes qui ont des projets aujourd’hui ?
En raison de mes activités, je me déplace beaucoup sur le continent et j’organise des rencontres de jeunes talents qui fonctionnent très bien. Grâce à mon réseau et à la magie d’internet, je reçois des messages de jeunes qui nous présentent leurs projets. Je leur conseille alors de continuer à avancer et je les aide à avoir une visibilité auprès des médias ou encore à avoir quelques contacts pour les accompagner dans leurs démarches.
Comment êtes-vous passée du conseil à l’entrepreneuriat ?
Il y a quelques années, j’ai créé ma propre société de conseil spécialisée dans les problématiques africaines. Je constate qu’il y a plein de talents, mais par faute de structures et d’accompagnement, ils ne s’épanouissent pas. Nous avons plein de jeunes talents, mais le talent ne suffit pas. Ainsi je me suis demandé ce que je pouvais faire concrètement pour les aider. Et c’est de ce questionnement que Living the African Dream est né.
Quelle est la force de ces jeunes entrepreneurs ?
Les jeunes sont vraiment le levier de l’économie africaine. On sent que les choses bougent et si l’on se focalise sur les jeunes, c’est pour plusieurs raisons. Les jeunes sont idéalistes. Ils se permettent de rêver en grand. Cependant,de manière très factuelle, les jeunes sont très touchés par le chômage en Afrique. Dans certains pays, le taux de chômage atteint plus de 60%. Le chômage est aussi la cause indirecte de nombreux problèmes en Afrique, notamment d’insécurité. Quand les États laissent en marge de la société leur jeunesse, ils les poussent à se retrouver dans des situations malhonnêtes. La priorité est de les aider à avancer. L’entrepreneuriat est une des solutions. L’autre solution est l’emploi, qui, nous l’espérons, se développera grâce à nos réseaux de jeunes entrepreneurs.
Quelles sont les trois grandes difficultés de l’entrepreneuriat en Afrique ?
La première entrave interne est le manque de culture entrepreneuriale. En Afrique, lorsqu’on est jeune, on peut avoir des idées, mais on ne s’autorise pas à les réaliser. Le processus d’un entrepreneur n’est pas aisé. On essaye, on réessaye et à la fin ça fonctionne. En Afrique, nous avons peur de l’échec ou de la moquerie de l’entourage, et cela paralyse les gens. Tous les entrepreneurs essuient des échecs, c’est la base ! Deuxièmement, il y a un manque de structures. Comment faire après avoir eu une idée ? Il n’y a rien pour nous informer, et la masse de travail devient donc irréalisable, car il n’y a pas de structures d’accompagnement. Troisièmement, le climat des affaires, l’entrepreneuriat ne donnent pas envie. Sur le terrain, monter une entreprise reste assez compliqué. C’est pourquoi beaucoup le font de manière informelle. Ce qui est dommage pour l’État et les entrepreneurs.
À propos du rôle de l’État, que pensez-vous de sa position dans les pays où vous opérez ?
Nous sommes obligés de nous appuyer sur l’État, car nous avons de grands projets. D’ailleurs, l’État, à lui tout seul, ne peut pas tout faire. En revanche, il peut créer les conditions parfaites pour rendre le pays attractif et créer les bases nécessaires en donnant de l’impulsion à l’entrepreneuriat. Souvent, nous voulons taper sur l’État. Prenons l’exemple de la corruption, un véritable fléau qui devrait être géré par l’État. Ainsi, je pense qu’il y a un véritable déblayage de fond à faire pour laisser les entreprises faire leur travail et leur installation.
Vous vivez en France, pensez-vous vous installer en Afrique ?
Je suis née au Tchad, et je suis très connectée à mon pays. Je sors du système éducatif français avec une manière de travailler très occidentale. Et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de créer cette société, car j’ai la possibilité de comprendre les problématiques du continent. À terme, j’aimerais m’installer sur le continent. Ce serait l’idéal. Je suis panafricaine, je me sens à la maison partout, et j’en serai ravie ! En attendant, j’ai trouvé un bon équilibre, car je passe autant de temps que je le souhaite sur le continent. En ce moment, nous observons avec plaisir un changement profond : un retour impressionnant de la diaspora dans le pays d’origine. Comme dans l’exemple du Rwanda, des jeunes formés dans les meilleures universités reviennent au pays avec des compétences et des expériences de fond. Tous ces signes nous permettent de constater un changement structurel positif de l’Afrique.