Alain Akouala-Atipault : les zones économiques spéciales au cœur du défi de la diversification de l’économie congolaise

Dimanche 30 Mars 2014 - 7:30

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Diversifier l’économie d’un pays, changer sa structuration est un processus de longue haleine. Ce n’est un secret pour personne : l’économie congolaise est fortement dépendante du pétrole – l’exploitation de celui-ci assure à l’État congolais près de 90% de ses recettes. Ce qui est une bonne chose, contrairement à une idée reçue qui professe que le pétrole serait une malédiction pour les pays qui en disposent. Les ressources budgétaires résultant de la commercialisation du brut permettent au Congo de faire face aux dépenses publiques, qu’il s’agisse des dépenses sociales, ou d’investissement dans la construction des infrastructures de haute importance comme les routes, les aéroports, les barrages électriques…

Alain Akouala-AtipaultAlain Akouala-Atipault est ministre à la présidence de la République du Congo chargé des zones économiques spéciales (ZES).

Il est clair que cette dépendance vis-à-vis de l’exploitation pétrolière ne peut perdurer, car elle risque de fragiliser tout le système économique le pétrole étant une ressource tarissable et que les prix liés à sa commercialisation sont fluctuants sur le marché international. Asseoir l’émergence et le développement du Congo sur celle-ci n’est pas un gage d’efficacité. C’est pourquoi le président de la République, Denis Sassou-N’Guesso, dans sa vision du Congo du vingt et unième siècle a décidé de mettre en route le processus de diversification de l’économie congolaise afin d’accroître le PIB par la création de nouvelles richesses et, in fine, celle des emplois. Les zones économiques spéciales (ZES) sont le catalyseur de cette ambition.

Lancement des ZES

On entend par ZES un espace géographique délimité au sein du territoire de la République du Congo constituant une zone de développement prioritaire, administrée par un organe spécifique de planification et d’aménagement. Quatre ZES ont été identifiées : la ZES d’Ouesso dans le nord, au bord de la rivière Sangha ; la ZES d’Oyo-Ollombo dans le centre, au bord de la rivière Alima ; la ZES de Brazzaville, au sud, au bord du fleuve Congo ; et la ZES de Pointe-Noire au sud-ouest, au bord de l’océan Atlantique.

Depuis l’année 2011, avec l’appui de l’expertise de Singapour et d’un consortium composé de cabinets américain, européen et moyen-oriental, le gouvernement congolais a lancé les études de faisabilité de chacune des quatre zones économiques pour déterminer les filières industrielles que nous pouvons développer, les investissements que nous devons réaliser en termes d’infrastructures, etc. Cette phase cruciale, compte tenu de son importance, a duré un peu plus de quinze mois. Aujourd’hui, ces études de faisabilité sont terminées pour les zones de Brazzaville, Oyo-Ollombo et Ouesso. Celles relatives à la ZES de Pointe-Noire sont en phase de validation.

La loi instituant le régime de ZES, qui prévoit de mettre en place un dispositif législatif et réglementaire dérogatoire sur le plan fiscal et douanier pour les entreprises qui s’installeront dans les ZES, est prête. Elle sera bientôt examinée en conseil des ministres et débattue au Parlement.

Le lancement effectif des ZES est prévu pour les mois à venir de cette année. C’est la zone d’Oyo-Ollombo, un espace de 760 hectares dédié à l’économie verte, à l’agro-industrie, au développement des filières agricoles et de la pêche, qui accueillera les premiers investissements pour la réalisation des infrastructures et l’installation des premières entreprises qui auront obtenu l’agrément nécessaire, délivré par l’agence de planification des ZES. Des investisseurs de l’île Maurice, Singapour, la France, la Chine et l’Inde sont très intéressés et prêts à développer leurs activités dans les futures ZES.

Nous avons eu l’honneur de leur présenter les potentialités des zones, les conclusions des études de faisabilité et l’arsenal juridique qui sécurisera leurs investissements, tout en leur accordant de nombreux avantages. Les investisseurs nationaux, évidemment, constituent l’autre groupe des entrepreneurs intéressé à développer leurs activités dans les ZES congolaises.

Impact sur l’économie congolaise

D’après les études de faisabilité, le PIB potentiel qui sera généré par les ZES est d’environ 4 milliards de dollars à l’horizon 2030. En termes d’emplois, ce sont près de 350 000 emplois directs qui seront créés, toujours selon les mêmes prévisions. Au-delà des chiffres macroéconomiques, les ZES ont vocation à servir d’appui au développement du secteur industriel. L’objectif du gouvernement, c’est la transformation des ressources naturelles sur place, pour créer de la richesse localement. La zone industrielle de Maloukou, un des modules de la future ZES de Brazzaville, illustre cette démarche. Les premières activités qui ont été lancées, la fabrication de matériaux de construction, ont vocation à contribuer au développement de l’industrie manufacturière.

Appui du partenariat Union européenne (UE)-Congo à la diversification et à l’accroissement de la capacité de production

Le quatrième sommet entre l’UE et l’Afrique qui aura lieu à Bruxelles les 2 et 3 avril 2014 est l’occasion de jeter un nouveau regard sur les échanges économiques entre les deux parties. Les accords de partenariat économique (APE) peuvent sans nul doute contribuer au développement de la croissance et à la réduction de la pauvreté en Afrique.

En ce qui concerne le Congo, ce partenariat pourrait se traduire par un appui au développement industriel par le biais des ZES. Les fonds publics de l’UE dans le cadre du futur APE peuvent renforcer l’économie congolaise dans son processus de diversification et de création de nouvelles richesses en appuyant la mise en place des organes qui assurent la gouvernance économique et juridique des ZES, en accompagnant les réformes nécessaires sur le plan économique, ainsi que les problématiques liées au commerce.

Sur le plan des échanges privés, de nombreuses entreprises des pays de l’UE se sont montrées très intéressées par les filières susceptibles d’être développées dans les ZES au Congo. Nous souhaitons qu’elles manifestent concrètement leur intérêt. Le Congo dispose d’un formidable potentiel économique qui ne demande qu’à être développé. Les opportunités d’investissement dans les secteurs à forte valeur ajoutée, comme la construction des infrastructures, l’industrie, le tourisme, les services, y sont nombreuses. Avec la stabilité et la paix, le Congo est une destination sûre pour l’investissement. Le volume croissant des investissements directs étrangers au cours des cinq dernières années, plus de trois milliards d’euros en 2012, est une indication de la confiance des investisseurs.

Alain Akouala-Atipault