Rome est toujours chrétienne, mais dans la diversité

Mardi 21 Janvier 2014 - 14:30

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Les communautés africaines s’implantent, emmenant leurs réalités religieuses d’origine

La célébration, dimanche dernier, de la Journée mondiale du migrant et du réfugié a été l’occasion pour l’Italie de ventiler de nouveau les statistiques et les différents aspects liés à la réalité migratoire. Le solde migratoire, ont annoncé les services officiels, reste toujours positif mais tend à s’amenuiser. Ainsi, alors que 493.000 immigrés étaient arrivés sur la péninsule en 2007, ce chiffre a été réduit de moitié en 2012. Il y a ceux qui s’en félicitent, mettant cette tendance sur le compte de l’efficacité de mesures plus restrictives – et donc plus efficaces.

Mais il y a ceux qui s’en inquiètent. Car, souligne un organisme comme le CNR (Conseil italien de la recherche), la contraction des arrivées de migrants s’accompagne du phénomène inverse et pas rassurant de plus d’Italiens qui quittent en même temps leur pays. Un tel scénario, affirme l’organisme, place l’économie italienne dans un risque certain, le pays vieillissant pratiquement à vue d’œil. La population des plus de 80 ans, donc non-opérationnels sur le marché du travail et des cotisations sociales, est en accroissement. On prévoit qu’à l’orée de 2030, ils pourraient être 2,2 millions les Italiens qui, grâce à une meilleure santé, auront 80 ans ou plus.

L’arrivée des immigrés, y compris sur le marché du travail, pourrait donc représenter une solution pour induire un dynamisme démographique et prendre le relais de pans de société qui iront à la retraite. Cela pourrait assurer le financement des régimes de sécurité sociale demain. Il y a lieu que l’immigré sorte du champ uniquement démographique où il est considéré comme un problème, pour tomber dans une optique économique où il pourrait représenter la solution, disent les services officiels. C’est dans une telle vision que se situe apparemment l’évêque de la ville de Pérouse, en Ombrie, Mgr Gualtiero Bassetti. « Il est évident que c’est une injustice criarde de ne pas considérer comme italiens les enfants nés en Italie de parents étrangers ! », soutient-il. Pérouse, ville-carrefour, compte une université qui, jusqu’à très récemment, préparait les étudiants étrangers à la familiarité avec la culture et la langue italienne avant de s’inscrire dans les facultés ou les lieux de stages. La prise de position de l’évêque rejoint le combat de la ministre de l’Intégration, Cécile Kyenge Kashetu, pour qui l’Italie doit se préparer « à aller vers une culture de rencontre et mettre de côté la culture des mises à l’écart ».

Mais la Journée du migrant a également donné l’occasion à l’Italie, pays au catholicisme décomplexé, de scruter la réalité religieuse liée à l’immigration. Selon les statistiques de la Caritas, la ville emblématique de Rome qui « héberge » le Vatican, est toujours majoritairement chrétienne mais diversement. Il y aurait 65,2% de chrétiens parmi les étrangers vivant dans la capitale italienne, mais les musulmans y sont aussi en progression, à 20%. Les deux tiers des immigrés de Rome sont chrétiens, mais pas forcément catholiques !

Pour l’Afrique, ce sont les protestants de diverses dénominations qui sont les plus nombreux chrétiens de Rome. Conséquence logique, Caritas indique que les lieux de culte se sont multipliés, puisqu’on compte 172 lieux de prières nouveaux pour les catholiques immigrés à Rome ; 53 églises orthodoxes et 27 temples protestants nouveaux. Les mosquées nouvelles sont, elles, au nombre de 25. Les musulmans ont par ailleurs à Rome leur plus grand lieu de culte en Europe.

Les églises dites de réveil ont désormais le vent en poupe dans la capitale italienne, et sont majoritairement « aux mains » d’immigrés africains. Mais même chez les catholiques africains, on se sent de plus en plus à l’étroit dans les contours liturgiques et architecturaux des (pourtant) magnifiques églises romaines ! Ainsi, des communautés comme celles du Nigéria ou de la République démocratique du Congo ont-elles obtenu du Vatican des paroisses toutes à elles – des aumôneries - ; les catholiques éthiopiens (et érythréens) disposant même d’un collège pontifical tout à eux logé au Vatican même.

Lucien Mpama