Couleurs de chez nous: une dernière pour la routeSamedi 25 Novembre 2017 - 7:11 La phrase en elle-même est à la fois une invite et un ordre. Mais, à bien des égards, elle est un piège pour tout consommateur d’alcool. C’est la dernière phrase qui intervient alors que l’on croit les hostilités terminées. En fait d’hostilités, il s’agit des retrouvailles entre amis pour un breuvage sans raison si ce n’est « pour tuer le temps » faute de vraies occupations. Au Congo, il n’y a pas d’heure pour boire. Matin, midi ou soir, les individus sont libres de se réunir et de consommer à leur goût et à leur rythme. Certains prennent une cure avant d’aller au service, d’autres ont leur dose à la fin ; d’autres encore, généralement les sans-emplois, ont leur traitement qui démarre le matin pour ne s’achever que la nuit tombée. Ici et là, dans les caves ou les VIP, dans les buvettes ou les « ngandas », ils se retrouvent pour ce que d’aucuns qualifient de « prière » (en effet, les codes ne manquent pas entre initiés). Quoi qu’il en soit, personne n’accepte de s’arrêter à une bouteille. Généralement, la « cérémonie » commence à deux avant qu’un troisième n’arrive, puis un quatrième et, finalement, le cercle grossit jusqu’à dix, voire quinze personnes. Tous n’achètent pas mais tous boivent. Et l’argent ne manque pas pour ça. Quand il vient à manquer, on passe en revue le répertoire, on appelle à « l’aide des pays amis ». « Passez-moi le gérant ou la gérante !», telle est la phrase qui galvanise le beau peuple rassemblé « à l’occasion de rien ». Au menu de leurs discussions à tue-tête : les conquêtes matérielles ou sentimentales des autorités politiques, administratives, militaires, policières ou des stars de musique dont ils sont si souvent familiers. Assis le long des grandes artères ou avenues, ils ont le flair pour identifier des voitures, même celles aux vitres fumées, qu’ils n’hésitent pas de héler et de contraindre de s’arrêter. Une action dont l’impact se lit, des minutes suivantes, sur la table qui les rassemble : l’atterrissage de nouvelles bouteilles. « Une dernière pour la route !». Une phrase prononcée pour dissuader ceux qui annoncent leur départ. Les ardeurs à peine étouffées, on se relance dans les discussions qui, elles aussi, ont une valeur hypnotique : faire oublier à certains le temps qui passe. Pour tout dire, chez nous, on n’a jamais fini de boire. La fameuse « dernière pour la route » ressemble au fameux dernier-né de la famille. En effet, ce comportement de toujours repousser l’échéance a fait faire à certains une kyrielle d’enfants (je n’y échappe pas !), alors qu’ils avaient annoncé l’arrivée du dernier-né. À l’instar de Mfilou, l’arrondissement 7 de Brazzaville, qui fut proclamé « mwana nsuka », donc le dernier-né. Il ne l’est plus, détrôné par Djiri. Morale : quand vous êtes invités à boire un coup, n’attendez pas « une dernière pour la route » sinon le piège se referme sur vous. C’est pour rire ! Van Francis Ntaloubi Notification:Non |