Ils font Lagos. Comment imaginent-ils la mégapole dans 50 ans ?Mardi 30 Mai 2017 - 9:54 Lagos. La ville tentaculaire aux 20 millions d'habitants fête ses 50 ans. La mégalopole, qui inspire autant de fascinations que de craintes est surtout la plus grande ville du continent africain. Comment ses habitants l'imaginent dans les 50 prochaines années ?
Leye Adenle Leye Adenle est né au Nigeria en 1975. Son premier roman, Lagos Lady, est un polar dont le coeur de l'intrigue se situe entre les faubourgs malfamés de Lagos et la highlife démesurée des îles: « En 2067, la planète prend l'eau de toutes parts à cause du réchauffement climatique. Mais Lagos, ville côtière géante, a développé une solution ingénieuse. Sur les îles découpées dans l’entrelacs de la lagune, les boulevards construits en tubes avec une vue à 360 degrés sur l'océan, flottent et défient les règles de la gravité. À l'intérieur, circulent tous les plus riches de ce monde: stars du cinéma, rappeurs, footballeurs, musiciens, blogueurs... Lors des grandes marées, lorsque les îles glissent sur l'Océan Atlantique et se font aspirer par les vagues bleues turquoises, faisant tournoyer les routes dans leurs murs de verre étincelants, les touristes du monde entier accourent vers Lagos. Lagos, "la ville que même les dieux nous envient", est devenue la capitale mondiale de l'innovation, des banques, de l'art et du tourisme. Mais, bientôt, l'Etat le plus riche du continent, se déchirera autour d'un referendum pour décider de son autonomie: devra-t-elle rester avec le Nigeria, ou devenir la plus jeune et la plus riche nation du monde? Ce sera le LAGXIT. » Aliko Dangote Surnommé « L'homme le plus riche d'Afrique », il est originaire du Nord, mais vit à Lagos: « Dans 50 ans, j'imagine Lagos ayant consolidé sa position de hub industriel de l'Afrique, grâce à la zone de Libre-Echange de Lekki - le groupe Dangote est à la tête d'un projet de raffinerie de 9 milliards de dollars à la périphérie de Lagos, qui devrait soulager la ville et le pays de sa grave crise énergétique et de ses incessantes coupures d'électricité d'ici 2018-. Un meilleur accès à l'énergie, une position géographique exceptionnelle, des ports internationaux, des aéroports, et le respect de l'environnement auront aidé la ville dans son dynamisme économique. Lagos a dévoilé son potentiel de croissance. L'Etat a démontré un développement économique constant, même pendant les récessions. Investir dans l'énergie et les infrastructures va booster la ville. » Françoise Aramide Akinosho Après avoir étudié l'architecture à Paris et à New York, la Franco-nigériane s'est installée dans le pays de ses parents. Elle « crée, développe et imagine » les espaces dans une ville qui n'en compte plus beaucoup: Lagos « c'est un peu comme New York mais en pire et en version tropicale. On va continuer à subir des douleurs au quotidien, comme les embouteillages incessants. Mais les gens vont se construire des îlots privatifs, encore plus beaux, encore plus chers. Tout sera payant, même marcher sur un trottoir. Il y aura des zones destinées pour et par quelques êtres humains riches, qui pourront profiter de leur bulle assainie avant de retourner dans le chaos. » Bruce Onobrakpeya A 84 ans, Bruce Onobrakpeya est l'un des plus célèbres artistes nigérians. Dans sa dernière oeuvre, un tryptique en pierre sculptée, Lagos est représentée comme une joueuse de flûte magique, où tous les habitants du Nigeria accourent pour vivre dans son giron: « Quand je suis arrivé à Lagos en 1962, la ville n'existait pas encore. C'était plein de petites villes, qui se sont rejointes au fil du temps. Tout était très vert et il y avait de l'eau partout. Les couples se balladaient le long des plages. Maintenant il n'y a plus rien de tout ça. Je pense que dans 50 ans, Lagos sera une cité géante qui aura avalé Badagry (à l'ouest), Epe (est), et qui s'étendra jusqu'à Ibadan (grande ville d'environ 4 millions d'habitant à 130 km de Lagos). Lagos grossira aussi en hauteur avec des gratte-ciel. Nous aurons toujours des problèmes de transports, d'eau et de contrôle des populations. Je pense que dans 50 ans, l'art jouera un grand rôle dans la ville. » Ono Bello Avec ses 159.700 followers sur Instagram et son magazine en ligne onobello.com, l'ancienne mannequin et ex-journaliste dicte la mode au Nigeria: « Dans 50 ans, la Lagos fashion week sera le rendez-vous incontournable de la mode en Afrique. En 2067, je pense que la mode reviendra aux années 1950-1960, à l'époque post-coloniale, avec des tissus traditionnels. Ca revient déjà beaucoup, mais dans 50 ans, Gucci, Armani, tout ça, ça n'existera plus. Tout sera nigérian, tout sera africain. » Femi Kuti Le fils du roi de l'afrobeat Fela Kuti se produit chaque dimanche soir au Shrine, la salle de concert mythique de Lagos. Vingt ans après la mort de l'artiste le plus révolutionnaire du Nigeria, Femi dénonce le même fléau qui gangrène le pays: la corruption « Lagos, c'est tout pour moi. Mais franchement, l'imaginer dans 50 ans, ça m'inquiète (...). il y a trop d'incertitudes ici, la population est beaucoup trop nombreuse. Tous les jours, à 15 heures, je vois des nuées d'enfants sortir de l'école et je me dis: comment allons-nous créer des emplois pour tous ces enfants? La criminalité, la pauvreté et la circulation vont augmenter. Il faut que les politiques fassent quelque chose de drastiquement différent, sinon nous aurons de gros, gros problèmes. Cette ville est sur le point d'exploser. Mais, j'espère vraiment avoir tort. » Kemi Adetiba Ancienne animatrice radio, cette Lagosienne de 37 ans reconvertie dans la réalisation a longtemps tourné des clips musicaux. En 2016, c'est la consécration: son premier film, « The Wedding Party », bat tous les records du box office nigérian. Elle devient une icône de Nollywood - l'industrie cinématographique locale. Lagos est « le New York du Nigeria. Parfois, je ne peux m'empêcher d'imaginer à quoi ressemblera Lagos dans le futur. Qu'est-ce que ça fera d'y vivre? Quelles odeurs aura cette ville? Est-ce qu'elle abritera toujours les mêmes esprits tenaces et jusqu'au-boutistes? Sera-t-elle encore un mélange de couleurs et de cultures, toutes s'élevant d'une seule et même voix? Peu importe ce qu'il adviendra. Peu importe ce qu'elle deviendra. Je prie pour que Lagos soit toujours une terre d'espoir et de rêves. Une terre avec des gens à l'esprit incassable. Une ville où tout le monde sait que « si tu peux survivre ici... tu peux survivre n'importe où ailleurs. » AFP Légendes et crédits photo :Légende photo 1 : Leye Adenle
Légende photo 2 : Aliko Dangote
Légende photo 3 : Françoise Aramide
Légende photo 4 : Akinosho Bruce Onobrakpeya
Légende photo 5: Ono Bello
Légende photo 6: Femi Kuti
Légende photo 7: Kemi Adetiba Notification:Non |