Almodovar : portrait de « l'enfant terrible de la Movida »

Lundi 6 Février 2017 - 12:04

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Aux yeux du monde, Pedro Amodovar incarne la liberté, la transgression, le mélodrame, l’anticonformisme ou l’humour osé. Né dans l'Espagne en noir et blanc de la dictature, le réalisateur a raconté en 20 films hauts en couleur la libération d'une société et imposé un univers kitsch et provocateur qui a fait de lui l'incarnation du cinéma espagnol. En mai prochain, il présidera l’édition 2017 du Festival de Cannes.

Grande figure du cinéma mondial, Pédro Almodovar, 67 ans, est un symbole. Sa vision du cinéma a largement contribué à ce Madrilène de devenir l’incarnation d’une Espagne moderne et tolérante.

Né le 24 septembre 1949 dans la région aride de La Manche, au centre de l'Espagne, Pedro Almodóvar Caballero a fortement marqué par sa mère qu’il considère comme la grande figure de sa vie. L'exploration des liens maternels s’est vite imposée comme l’un de ses thèmes de prédilection. « Ma passion pour la couleur est la réponse de ma mère à tant d'années de deuil et de noirceur contre nature; j'ai été sa vengeance sur la sombre monochromie imposée par la tradition », confiait-il en 2004 en France. Cependant, il a rarement évoqué son père, un muletier qui disparaissait des semaines entières pour aller vendre du vin, décédé l'année de son premier film en 1980.

Pedro a 16 ans quand il prend son indépendance pour gagner Madrid. L'école de cinéma étant encore « fermée par Franco », c'est à la cinémathèque qu'il découvre ses maîtres pour toujours, d'Hitchcock à Bergman en passant par Buñuel, a-t-il raconté en 2016 à des étudiants madrilènes. 

Gagnant sa vie comme agent administratif de la compagnie de téléphone publique, le jeune homosexuel plonge tête la première dans « l'underground » madrilène, s'adonne au « punk-glam-rock » et, dès 1974, tourne de petits films en super 8. Son premier long métrage, « Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier » (1980) ressemble à un joyeux roman-photo érotique, aux héroïnes désinhibées ou en voie de l'être.  Il va tourner les 19 suivants dans son pays, retrouvant régulièrement ses actrices fétiches (Carmen Maura, Rossy de Palma, Penélope Cruz, Marisa Paredes, Victoria Abril...). Des femmes passionnées, obstinées, souvent tenues de se réinventer pour faire face aux crises et aux rebondissements, improbables, qu'Almodovar glisse invariablement dans ses scénarios.

Depuis, Pedro Almodovar a su imposer une identité unique à chacun de ses films. En 1988, après le succès de « Femmes au bord de la crise de nerfs », extravagant vaudeville qui le lança à l'international, le journaliste français Bernard Pivot s'amusait à lui énumérer en 1992 les thèmes abordés dans ses films : « masochisme, homosexualité, masturbation, drogue, pornographie, attaques contre la religion »... « Tous ces thèmes dont on dit qu'ils sont tabous appartiennent à ma vie, je ne les considère pas comme interdits ni scandaleux », lui répondait alors Almodovar.

Ces cinq dernières années, Almodovar est passé d'un thriller dérangeant « La piel que habito » à une comédie fantasque dans les airs, « Les amants passagers », puis au mélodrame pur, « Julieta », portrait d'une mère que sa fille abandonne. Pour expliquer cette nouvelle gravité, il évoque souvent sa propre vie d'homme vieillissant et solitaire, reclus avec chat et « fantasmas » (fantômes ou fantasmes en français). Cinq fois en compétition officielle à Cannes, il n'a jamais reçu la Palme d'or, même si en 2006, « Volver » avait reçu le prix du meilleur scénario et celui d'interprétation collective pour l'ensemble de ses actrices. Deux de ses plus grands succès ont été récompensés par des Oscars : les mélodrames « Tout sur ma mère » et « Parle avec elle ». 

 

 

Awa LK

Légendes et crédits photo : 

Le réalisateur Pédro Almodovar

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