Enquête : perception de la population de l’Est envers la paix, la sécurité et la justice

Mardi 22 Décembre 2015 - 17:00

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Le besoin d’identifier les problèmes que la population estime être prioritaire et de décrypter la perception de la population en ce qui concerne la garantie des droits fondamentaux, la sécurité, le fonctionnement du système judiciaire, la responsabilité des représentants élus, etc. passe pour un impératif pour tout gouvernement responsable censé constamment évaluer l’impact de son action sur ses administrés. C’est dans ce cadre qu’il faut inscrire l’enquête menée tout récemment à l’est de la RDC sur un échantillon de 5,166 adultes.

Initié par Claude Nyembwe dont l’agence traîne une expertise éprouvée dans le domaine, l'enquête a consisté à recueillir les opinions et attitudes de la population par rapport aux questions relatives à la paix, la sécurité, les actes de violence et la justice tels que perçus par la population des provinces du Nord-Kivu,  Sud-Kivu ainsi que du district d’Ituri. Les résultats de cette enquête représentent une opportunité pour les sans-voix et victimes de la guerre de pouvoir exprimer leur opinion. Le rapport issu de cette enquête serait également très utile au gouvernement ainsi qu’aux organisations internationales, surtout par rapport à leurs interventions.

Selon les résultats de l’enquête, la population interrogée a exprimé des sentiments peu favorables par rapport à la sécurité de manière générale. Les femmes en particulier ont affirmé ne pas avoir observé une quelconque amélioration sur le plan sécuritaire durant ces dernières années. La population interrogée a qualifié le système judiciaire de corrompu (54%), non existant et favorisant l’impunité (41%). Parmi les mesures qui devraient être prises figurent la lutte contre la corruption (59%), une meilleure formation des juges et avocats (31%), et plus d’effort de vulgarisation sur les sujets en rapport avec la justice (25%).

Lors d’une enquête similaire réalisée en 2008 sur un échantillon de 1,133 personnes, plusieurs personnes ont rapporté avoir subi soit un interrogatoire soit persécutées par des groupes armés (55%). Certaines interrogées ont rapporté avoir été battues par des groupes armés (46%), menacées de mort (46%), ou encore enlevées pour au moins une semaine (34%). A l’est du pays, 23% des interrogés ont rapporté avoir été témoins d’un acte de violence sexuelle, et 16% ont rapporté avoir subi une forme de violence sexuelle. Un autre fait intéressant est qu’une partie des interrogés (le tiers) ont indiqué qu’ils ne seraient pas disposés à accepter des victimes de violence sexuelle dans la communauté.

Présence onusienne controversée  

Les résultats de l’enquête indiquent également que la population ne reconnaît aucun effort entrepris dans le sens du rétablissement de la paix. Parmi les personnes interrogées, la majorité (92%) estime qu’il est possible d’arriver à la paix durable et estime que le gouvernement en place est l’acteur principal censé prendre les mesures nécessaires (72%). Cependant, interrogées sur le rôle important du gouvernement en ce qui concerne l’établissement de la paix, près d’un quart de personnes seulement (29%) estime que le gouvernement travaille dans l’objectif d’améliorer leurs conditions de vie. En ce qui concerne les principaux acteurs de la paix, la population s’est montrée très peu favorable à la présence de la Monusco. Parmi les personnes interrogées, près de trois quart (77%)  estime que la contribution de la Monusco à l’amélioration de la sécurité est minime et presqu’inexistante. Cependant, les résultats varient selon les territoires car, à Rutshuru et Nyiragongo, plus de la moitié des personnes interrogées ont été plutôt favorables à la présence de la Monusco. Cela pourrait s’expliquer par les récents développements contre les M23.

Interrogée sur ce qui devrait être fait en vue d’améliorer la sécurité dans leurs villages et régions environnantes, la population a indiqué la nécessité que les Fardc soit payées (27%) et déployées (17%), que la police soit payée (26%) et déployée (18%). Ils ont également relevé le besoin pour la police et les Fardc de suivre une meilleure formation (13% et 14% respectivement). Quant à l’amélioration de leurs conditions de vie, la population a indiqué avoir un accès limité à l’instruction (22%) et souhaiterait une garantie d’emploi (19%). Quant aux coupables des crimes et autres actes de violence perpétrés durant toutes ces dernières années, la majorité des personnes interrogées (89%) estime qu’il est très important que justice soit rendue ; certains voudraient voir les responsables des crimes et violences punis (60%), envoyés en prison (42%), ou transférés au tribunal (38%).

Sur la base des résultats de cette enquête et d’autres études menées à l’est du pays, il est évident que la population a perdu confiance dans le gouvernement. Le pouvoir en place est perçu comme l’acteur qui entretiendrait la corruption, l’impunité et qui aurait failli dans certains de ses rôles fondamentaux (tels que fournir les besoins de base à la population). Le gouvernement n’est certainement pas perçu comme celui qui œuvre pour améliorer les conditions de vie de la population.

Alain Diasso

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