Le code écologique

Vendredi 24 Juillet 2015 - 17:30

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Il faut connaître le sens et la portée des symboles écologiques par lesquels le Congolais traduit son code de vie pour le comprendre et lui obéir.

Pays de forêts exubérantes et de savanes, dont la capitale porte même le titre de Brazza-la-verte pour sa végétation, le Congo n’a pas cherché loin pour dire en abrégé ce qu’il faut faire ou ne pas faire dans certaines situations. C’est à l’arbre, aux feuilles, que l’on a recourt pour signifier un code qu’il est toujours prudent de connaître avant de prendre la route, s’engager dans un quartier ou même pour aller rendre visite à un hospitalisé.

Sur la route, une branche d’arbre par terre signifie : ralentir, il y a danger. C’est en effet en cueillant la première branche venue ou des herbes suffisamment vertes, et en les étalant sur la chaussée, qu’un automobiliste en détresse signale aux autres l’immobilisation de son véhicule. Les conducteurs qui suivent savent décrypter un tel signe; ils ralentissent instinctivement et même s’arrêtent pour porter secours à ceux dont le véhicule ne veut plus avancer.

Il est donc important de prêter attention à tout ce qui est présent sur la piste goudronnée et qui serait un symbole « écologique » ajouté par la main de l’homme à l’intention des autres. Particulière attention est sollicitée lorsque la branche ou la touffe d’herbes est située en début de virage. Pas de témérité inutile donc; il faut lever le pied et surveiller plus particulièrement ce qui vient. Il n’est pas rare dans ce cas de trouver un véhicule immobile quelques mètres plus avant sur la courbure, avec ou non des personnes qui s’escriment dessous pour réparer.

Naturellement, la précision de ce code est toujours sujet à question, et son interprétation pas sûre à 100%. Des branches d’arbres, même des tornades ou des animaux peuvent en faire tomber sur les routes. Même des véhicules hauts peuvent arracher aux arbres de bordure des branches qui finissent sur la chaussée : comment distinguer le fait volontaire du fait accidentel, le fait signifiant du fait anodin ?

Et puis, bien souvent, une fois la panne réparée, il est rare que l’automobiliste ayant signalé sa détresse par un tel bouquet écologique se préoccupe de l’enlever. Tout est donc question de discernement et, encore une fois, d’attention. Il faut savoir distinguer si la branche d’arbre, les herbes sont fraîchement cueillies ou si elles datent de quelques jours. Or, dans un pays de grand soleil, il faut seulement quelques minutes à une verdure morte pour se dessécher!

Mais l’écologie est également mise à contribution sur la route dans un autre cas de figure. Une voiture, un véhicule arborant une branche de palmier à l’avant sont synonymes de transport de cercueil ou, à tout le moins, de deuil. Un tel véhicule jouit généralement de la priorité sur la route, même si le code de la route ne le prévoit pas. C’est un geste de simple bon sens et de respect. Tout comme c’est par une palme aussi que se signalent dans les quartiers deuils et veillées mortuaires. Qui s’engage dans une rue marquée de la palme se prépare instinctivement à un comportement plus digne par égard pour le mort ou la morte.

Pourtant, et paradoxalement, le Congo n’est pas écologiste au point de s’engager dans le langage des fleurs. Celles-ci sont utilisées le 1er novembre pour décorer les tombes. Mais les autres jours, il n’est pas courant qu’un Congolais achète des fleurs. D’ailleurs les porter à l’hôpital à une personne malade et en soin est toujours vu comme souhait de sa mort, signe de malédiction. À éviter ! Naturellement, tout ceci va avec le degré d’instruction des personnes, c’est-à-dire de leur degré d’occidentalisation. Car, comme pour tous les codes, le code écologique congolais s’insère dans une culture.

Lucien Mpama

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