Kinshasa : quatrième génération d’enfants dans les ruesJeudi 3 Octobre 2013 - 15:45 Estimés à quarante mille sur l’étendue de la RDC, dont 14000 dans la ville capitale, les « enfants dits de la rue » représentent à n’en point douter une vraie bombe à retardement si rien n’est fait pour les réinsérer socialement. Devant l’ampleur du phénomène, le gouvernement a sollicité et obtenu le soutien de la Banque mondiale (BM) pour y faire face. Aussi un projet « Enfants dits de la rue » (EDR) a-t-il été lancé à cet effet, et les résultats ont pu être évalués sur le terrain par les organisations des jeunes et la presse, au cours de la visite de plusieurs centres, le 2 octobre. « Dans le portefeuille de la BM, il s’agit d’un petit projet financé à hauteur de dix millions de dollars américains. Si l’on compare avec les autres projets de la BM, c’est un petit projet. Mais il nous tient à cœur pour casser l’image de la BM comme une institution qui ne pense qu’à l’argent », a expliqué la chargée du projet EDR, Maurizia Tovo Pour elle, ce projet est le premier du genre à se focaliser sur les enfants de la rue. « Sa réussite pourra encourager d’autres pays à l’adopter ». D’où l’intérêt porté sur l'aspect "communication" . En effet, tout ne se résume pas qu’à dresser les résultats, mais la complexité du projet réside au nécessaire changement de comportement pour venir à bout du phénomène. Le premier pas dans la rue, a-t-elle renchéri, commence justement par l’abandon de l’école. « Il faut absolument garder ces enfants à l’école pour éviter qu’ils ne terminent dans la rue ». Le projet EDR a permis de lancer un nombre important d’activités. « Nous avons du recruter des organismes d’exécution partenaires qui sont en fait des ONG. Nous les amenons à assurer cette prise en charge sur plusieurs points, notamment l’hébergement, l’accompagnement psycho-social, l’accès aux soins de santé, l’accès à la scolarité et à l’apprentissage des métiers, l’alphabétisation mais aussi, et c’est le point culminant, le rétablissement des liens familiaux », a soutenu Robert Saya, le responsable des composantes du projet. Un service post-réunification est même mis en place pour gérer les cas de rechute, a-t-il ajouté. La première escale a lieu au centre Elikya, sur le boulevard Lumumba. Selon la direction du centre, les jeunes filles présentes sur le site sont contactées depuis la rue. Celles qui acceptent, bénéficient alors d’une prise en charge. Grâce à l’appui de la BM, il est observé une nette amélioration de la prise en charge de ces jeunes filles, et les effets se font ressentir sur le taux de scolarisation et la réduction de leur nombre dans la rue. La première promotion formée se retrouve actuellement en troisième année de graduat dans les universités du pays. Dans le quartier Jamaïque, deuxième étape, il y a Mbongwana et BBS. Créé en 2001 à l’issue d’une rafle policière, le centre Mbongwama apporte son aide à l’enfance défavorisée. Ses locataires sont cette fois des garçons. Au départ, le centre a reçu 130 enfants, dont 80% d’entre eux ont pu rejoindre leurs familles. D’importants travaux de menuiserie et maçonnerie sont d'ailleurs visibles, l’œuvre des jeunes de la rue formés dans ces métiers. Au BBS, créé en 2007, l’on offre l’abri à une cinquantaine de jeunes filles, plus vulnérables. Il s’agit d’un centre semi-ouvert, les jeunes filles viennent et repartent. La capacité d’accueil est de cinquante filles par jour. Dans le mois, l’on arrive jusqu’à 300 jeunes filles. En définitive, des efforts sont perceptibles, mais le plus grand espoir est de voir le gouvernement à travers le ministère des Affaires sociales et les autres ministères prendre effectivement la relève pour continuer une si belle oeuvre.
Quelques chiffres du projet EDR Insertion de 2118 enfants de la rue et à risque, dont 572 filles dans le cursus scolaire Accès de 1092 enfants de la rue et à risque, dont 3080 filles à l’éducation non formelle Prise en charge de 7733 enfants de la rue, dont 3080 filles ayant bénéficié d’une prise en charge Formation professionnelle de 441 enfants de la rue et à risque, dont 211 filles et 230 garçons Laurent Essolomwa Légendes et crédits photo :Photo 1 : Les responsables du comité des jeunes au Centre Elikya
Photo 2 : Un jeune réinséré socioprofessionnellement au Centre Mbongwana |