Vatican : deux ans de pontificat pour le pape François

Mercredi 11 Mars 2015 - 18:15

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L’histoire de la papauté a connu un tournant après la démission d’un pape allemand et la venue d’un pontife argentin.

Cela fait maintenant deux ans qu’un style nouveau s’est installé au Vatican. Mené par le jésuite – une première historique – ce style est fait d’humilité, d’humour et d’impulsions de marques de changement. Le tout pour aérer l’Église à son sommet. Le 13 mars 2013 Mario Jorge Bergoglio était présenté à la foule curieuse rassemblée Place Saint-Pierre comme « le » pape. Il venait prendre la suite de Benoît XVI, pontife allemand démissionnaire, et avait choisi le nom de François : François tout court.

Depuis ce 13 mars 2013-là l’Église catholique et le monde ont appris à s’habituer à ce pape style nouveau : il roule dans une voiture modeste, porte sa sacoche lui-même en voyage, ne se prend pas au sérieux de l’infaillibilité des papes et pousse sa curie romaine, telle un troupeau rebelle, vers les voies d’une réforme tous azimuths. Le monde entier est séduit. Sondages sur sondages, les instituts d’enquêtes montrent une adhésion sans faille à ce style. D’ailleurs les mercredis, jours traditionnels de l’audience générale, la Place Saint Pierre est toujours remplie de monde. Qu’il pleuve ou qu’il vente.

Ses messes matinales dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe où il continue de loger, loin des lambris des appartements pontificaux, sont un évènement que ne rateraient pour rien au monde les Romains habitués à ses petites phrases qui sont autant d’enseignements ramassés, incisifs, qui font mouche. S’il ne veut pas de prêtres riches servant des peuples pauvres (adresse aux prêtres du Cameroun), il ne veut pas davantage de clercs se transformant en simples « fonctionnaires des sacrements », ni d’une « Église de tièdes », composée de zélateurs ni chauds ni froids dans leur travail.

Il ne veut pas de prêtres pantouflards, plus à l’aise « dans la mondanité » qu’imposent le service au Vatican où il est de bon ton de venir travailler, loin des chaleurs torrides des paroisses et des sentiers des diocèses. Il a commencé à vider les bureaux de la Curie, renvoyant vers leurs pays d’origine de nombreux dignitaires qui y avaient acquis le titre de « monsignore », une distinction entre le prêtre de paroisse et l’évêque du diocèse. Il s’est attaqué à l’organisation des services financiers du Vatican, a mis en place un conseil de neuf cardinaux où il a fait appel aux meilleurs d’entre eux pour représenter leur continent et aider à la transformation des services du Vatican. Il se fait le point d’honneur de venir en personne participer à chacune de leurs réunions bimensuelles.

Le pape François empoigne l’arme de la simplicité pour une Église faite de femmes et d’hommes qui vivent au quotidien les vicissitudes de la vie et vers lesquels brandir les seuls principes théologiques ne suffit plus. Les bons théologiens ne doivent pas « voir l'humanité depuis leur château de verre » ; ils doivent « sentir l'odeur du peuple et de la rue ». « Qui suis-je pour condamner un homosexuel ? », a-t-il déclaré, déchaînant un début de polémique. « Dieu agit dans le silence et l’humilité, son style n’est pas celui du spectacle ». Le spectacle – la mondanité qu’il pourfend à chaque occasion.

Style dépouillé donc, langage des plus simplifiés. Mais précisément à cause de cela les grognons, naguère masquer par la découverte de la nouveauté, commencent de plus en plus à se faire entendre même sur la place publique. C’est que devant cette bourrasque qui souffle sur l’Église, les positions commencent à se raidir. Une manière de résistance commence à trouver cette simplicité trop simple; elle risque de désacraliser la fonction de pape ! De rogner la distance entre l’autorité servant un magistère et une humilité qui risque de la diluer au point de devenir … de la mondanité.

L’irritation est surtout suscitée par un langage que l’on juge trop spontané pour respirer l’onction de la fonction. De fait, le Vatican a dû ajouter des correctifs chaque fois qu’une expression du pape, souvent spontanée et pas écrite, a provoqué des clameurs (d’assentiment ou de contestation !). Sur les homosexuels, mais aussi sur les bons catholiques qui ne doivent pas se croire incités à « se reproduire comme des lapins », le pape a suscité des remous. Tout comme, après les attentats de Paris contre Charlie Hebdo sur les caricatures de Mahomet, son commentaire a également provoqué des réactions mitigées.

Il avait condamné la violence au nom de Dieu, mais aussi estimé qu’il ne fallait pas insulter la religion des gens. « Si quelqu’un insultait ma mère, il recevrait mon coup de poing dans la gueule ». Finalement, cela n’avait plu à personne : ni aux catholiques rigoristes incommodés par  la vision d’« un pape Don Camillo » en guerre contre Pepone, ni aux musulmans fondamentalistes qui avaient proclamé : « pour nous, notre prophète c’est plus que notre mère » ! Il y a deux semaines, le Vatican a dû se fendre d’une autre note explicative compliquée pour finalement soutenir que sa phrase : « l’Argentine doit lutter contre la drogue pour ne pas connaître une mexicanisation de sa situation » ne devait pas être entendue comme une insulte au peuple mexicain « qu’il estime et dont il loue les efforts » !

Tout se passe comme si le pape courait plus vite que le temps, compassé, de l’histoire de l’Église. Et qu’à chaque minute, il risque de tout chambouler, des dogmes aux principes. Au Synode du mois d’octobre dernier, les traditionnalistes ont craint qu’il n’ouvre définitivement la vanne de l’interdiction faite aux catholiques divorcés remariés de communier. Sa quête d’une théologie spéciale sur la place de la femme dans l’Église ne semble pas trop soulever d’enthousiasme non plus. Le pape sait qu’il doit courir pour mettre le plus de réformes en chantier. À 79 ans en décembre prochain, il sait que le temps ne joue pas en sa faveur.

Lucien Mpama