Numéro spécial Francophonie : les femmes et la transmission

Mardi 11 Novembre 2014 - 15:30

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Les femmes sont des bibliothèques vivantes qui éduquent et transmettent de génération en génération des valeurs humaines, éthiques, morales qui incluent le sens de la justice, de l’intégrité et du refus de la violence, donc de la paix

La société reconnaît dans son ensemble que l’éducation des femmes contribue à construire l’être humain dans toute sa dimension, d’où la citation : « Éduquer une femme, c’est éduquer une nation. »

Les femmes sont reconnues porteuses de valeurs humaines au travers desquelles il est possible de développer des relations aux autres, de travailler avec les autres en coopération, de dialoguer ensemble. En un mot, de développer les principes d’égalité et de paix. Dès lors qu’elles transmettent la vie en donnant non seulement une existence physique, mais également juridique, elles ont façonné l’élément premier de la nature qu’est l’homme. C’est ce qu’on appelle la transmission par imprégnation.

Au Congo-Brazzaville, plus précisément dans le royaume téké, hier et encore aujourd’hui l’enfant qui naît est baptisé du nom d’un aïeul, un oncle ou une tante selon le choix des deux parents. Consciemment ou inconsciemment, les femmes jouent un rôle prédominant en apposant leur signature sur le futur de l’enfant qui portera ce nom toute sa vie et l’assumera. C’est une transmission d’ordre juridique.

Les femmes sont également au premier plan dans la transmission des valeurs morales. Quand un enfant a un comportement inapproprié, on dit de cet enfant qu’il est mal élevé. Dans la famille issue de la communauté téké, on l’interprète de la manière suivante : « La femme-mère a failli à ses obligations, car elle n’a pas su bien souffler les oreilles de son enfant. » Ce qui veut tout simplement dire que la femme n’a pas assuré son travail d’éducatrice.

Dans le royaume téké, les croyances sont ancrées dans le Nkoue Mbali [considéré comme un code moral, un esprit supérieur ou tutélaire du royaume, qui recommande une justice au sein du royaume et châtie tout acte de violence et de malice. Ce qui contribue fortement à la conservation de la culture téké qui repose sur la paix, NDLR], et les femmes sont tenues de transmettre ces valeurs par tous les moyens : contes, devinettes, chants, berceuses, etc. Et surtout de répéter sans cesse les conseils suivants : rester chez soi le jour sacré de Nkoue Mbali, ne pas tricher, ne pas voler, ne pas tuer, ne pas mentir… Le respect, l’acceptation de l’autre, la reconnaissance, la considération, l’écoute, l’ouverture, l’honnêteté, le partage, la fraternité, et l’empathie sont des idéaux transmis à l’enfant par les femmes dès le plus jeune âge, l’objectif étant de transmettre au futur adulte l’idéal du vivre ensemble dans la paix en construisant la solidarité.

Il y a également la transmission de la langue et de l’art culinaire. Si vous voulez savoir d’où vient un enfant qui ne maîtrise pas sa langue natale, questionnez-le sur le plat familial central, ce dernier vous répondra sans ambiguïté, vous devinerez alors d’où il vient. Au Congo-Brazzaville, deux plats familiaux sont connus : les trois pièces, poisson salé accompagné de feuilles appelée mfoubwa ou koko et pâte d’arachide, puis naturellement le saka-saka ou pondou (feuilles de manioc). Cette originalité vous fera découvrir le jeune Congolais à la recherche de ses origines. Les femmes congolaises, qui sont au cœur de cette transmission vécue et ressentie au travers de toutes les générations, ont légué cet héritage qui permet de marquer son appartenance à un groupe.

Je conclurai mon propos par cette affirmation : « Les femmes transmettent les valeurs humaines qui sont l’inspiration de la paix ». Ce sont des valeurs universelles partagées par l’ensemble de la société. C’est le cas dans le royaume téké au Congo-Brazzaville où les femmes sont reconnues gardiennes du temple, réservoir des traditions qui renferment les valeurs humaines, éthiques et morales. Qui dit valeurs morales dit justice, intégrité et refus de la violence, mais également égalité et paix.

Eugénie Mouayini-Opou est écrivain et romancière du royaume téké
eugenieopou@gmail.com. Tél. : 00 242 05 522 48 63

Eugénie Mouayini-Opou