L'Italie invite l'Europe à "retrouver son âme"

Jeudi 3 Juillet 2014 - 18:12

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Confrontée aux vagues de migrants, l’Italie veut faire de sa présidence européenne l’occasion décisive du changement

Encore deux embarcations de migrants ont abordé mercredi dans le sud de l’Italie. Cela ne fait plus 'nouvelle'. La saison chaude est la période des téméraires traversées des candidats à l’émigration. Et comme chaque année, les côtes du Sud de l’Italie, parce que proches de l’Afrique du Nord, sont les plus particulièrement visées. Cela ne suscite donc plus d’émotion, sauf que depuis la semaine dernière les embarcations, des rafiots qui prennent l’eau de partout, arrivent aussi chargées de vivants que de  cadavres. Plus de 45, lundi dernier – « en majorité des originaires de l’Afrique centrale », affirment les capitaineries - ; 20, puis 75 autres cette semaine.

C’est un drame réel dont on ne semble pas vraiment prendre toute la mesure sur les bords de la Méditerranée. Et pas davantage dans les pays de l’Afrique subsaharienne où ces files de désespérés se font recruter, moyennant des sommes folles, pour aller chercher un mieux-être en Europe. Ou, à défaut, pour la traverser vers des pays plus tolérants, plus généreux et mieux offrants en matière de travail ou de condition de sécurité. Car tous les migrants ne sont pas chassés de chez eux par la faim, le manque de perspectives ou les bouleversements climatiques. Un grand nombre fuit la guerre et les violences.

Ils sont surtout Erythréens et Somaliens, mais la désignation au faciès est une des données les plus aléatoires et des plus discriminatoires, relèvent les organisations. Tel est pris pour Erythréen qui se trouve être parfaitement Kenyan ou Tchadien. L’Ivoirien supposé, s’il pouvait raconter son histoire authentique, pourrait bien être un Congolais ou un Angolais. Dans ce domaine, les associations d’humanitaires ont des récits pleins les tiroirs. Et le HCR, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés, sait bien d’expérience qu’il faut courir d’abord au secours du désespéré qui frappe à sa porte, et non pas de vérifier au préalable si le passeport qu’il présente fait bien partie des stocks légaux d’un État. Il y a urgence.

Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, a prononcé son discours de politique générale mardi à Strasbourg, au Parlement européen où il prenait officiellement en charge la présidence tournante de l’Union européenne pour les six prochains mois. « Si l'Europe faisait un selfie, quelle image verrait-on sur l'écran ? », a lancé M. Renzi dans un discours au ton très pathétique. Le président du Conseil italien (Premier ministre) faisait surtout référence aux questions économiques qui divisent partisans et adversaires de plus de flexibilité et/ou d’austérité. Mais, appelant l’Europe « à retrouver son âme », il invitait également ses pairs à prendre leur part au poids migratoire.

Le débat annoncé s’est ensuite dilué dans un échange de pics avec des élus allemands de droite, mais un peu plus tard, dans une interview à la télévision de son pays, M. Renzi a pu revenir sur le thème de l’immigration. Il a ainsi suggéré que le HCR installe des guichets d’accueil en Libye, pays de départ de beaucoup de migrants, afin de traiter sur place les cas qui méritent un traitement comme réfugié et les dispatcher vers tous les pays d’Europe. Ce faisant, il écrèmerait toutes les situations qui relèvent du simple désespoir. Il sera à voir dans les jours à venir quel accueil une telle proposition recevra de la part des institutions onusiennes, européennes et libyennes.

Le fait qu’une telle manière de faire relâcherait peut-être la pression migratoire sur la seule Italie, car la règle pour les requérants d’asile déboutés veut qu’ils soient renvoyés dans le premier pays européen touché. Qui est souvent l’Italie ! Rome se retrouve dans une situation intenable, a plaidé M. Renzi, car le pays doit à la fois faire face aux clandestins arrivants et gérer les déboutés du droit d’asile refoulés à la frontière des autres pays européens. Le Premier ministre a de nouveau loué le dispositif du Mare Nostrum mis en place par son pays pour sauver, en Méditerranée, les désespérés à bord des « navires de la mort ».

« Je préfère sauver des vies humaines plutôt qu’assister sans rien faire à la noyade d’enfants », a affirmé M. Matteo. Car ce dispositif est très décrié, notamment par la droite italienne qui y voit un gaspillage d’argent. « S'il n'y avait pas Mare Nostrum, (les passeurs)  jetteraient (les migrants) en mer. Il y aurait toujours le même désespoir, la nécessité vitale de fuir et des passeurs sans scrupules », a plaidé le commandant de cette force navale spéciale, l'amiral Luigi Binelli Mantelli. « Les fonds ont été donnés pour les centres d'accueil et pour ramener à la maison les clandestins. Mais ce n'est plus une question de contrôle des frontières, c'est bien plus large », a expliqué l’officier.

Lucien Mpama