Général Sékouba Konaté : la Force africaine en attente, un gendarme africain pour la paix et la sécurité

Dimanche 30 Mars 2014 - 3:30

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L’UA a mis en place depuis sa création une architecture de paix et de sécurité composée de plusieurs segments qui, une fois rendus opérationnels, devront agir plus efficacement pour la prévention, la résolution et la gestion des conflits sur le continent

D’origine guinéenne, le général d’armée Sékouba Konaté a été formé en France. Il a assuré la transition de son pays en tant que président de la République de décembre 2009 à décembre 2010. Sur fond de polémique entre les partisans de Cellou Dalein Diallo et d’Alpha Condé, il incite les deux candidats à former un gouvernement d’union nationale. Il est nommé Haut Représentant de l’opérationnalisation de la Force africaine en attente (FAA) et responsable de la planification et de la gestion stratégiques des opérations de soutien à la paix de l’Union africaine (UA).

Le Conseil de paix et de sécurité et la Commission de l’UA forment le noyau et le moteur de cette architecture, conformément au mandat que leur confèrent les textes fondateurs de l’Union.

Dans le domaine de la prévention, l’UA focalise son action dans la promotion de la gouvernance démocratique, l’État de droit, le respect et la protection des droits de l’homme, la transparence et l’équité dans les processus électoraux et la lutte contre la corruption. En matière de gestion des conflits, l’UA a décidé de mettre à la disposition du Conseil de paix et de sécurité une Force en attente dont la mission consiste à intervenir dans tous foyers de conflits dans les conditions prévues par l’acte constitutif de l’UA et le protocole portant création du Conseil de paix et sécurité (CPS).

Cette force est investie de diverses missions, allant de la neutralisation des causes de conflit, l’interposition entre les belligérants, la protection des populations civiles et des personnes déplacées internes, la protection des personnels des missions de soutien de la paix de l’UA et la gestion des catastrophes naturelles. La Force africaine en attente est constituée des forces régionales en attente et des contingents militaires ou de police prépositionnés dans leurs États membres respectifs et prêts à être déployés en cas de crise. Cette force est placée sous l’autorité directe et la gestion de la Commission de l’Union africaine qui en nomme le commandant.

Elle opère sur la base du principe de l’obligation de non-indifférence de l’UA ou encore du droit de l’UA d’intervenir dans un État membre en cas de génocide, de violations massives des droits de l’homme ou de crimes de guerre, conformément aux dispositions de l’article 4 de l’acte constitutif.

La FAA est dotée d’une Capacité de déploiement rapide, dont la mission principale consiste à intervenir d’urgence dans un foyer de conflit pour en réduire l’ampleur, en circonscrire le champ et créer les conditions pour le déploiement d’une mission de soutien à la paix multidimensionnelle de plus grande envergure. Au cours de cette première phase, les États membres contributeurs de troupes et de forces de police agissent de façon autonome en puisant dans leurs propres ressources pendant une période de trente jours au-delà desquels l’UA prend le relais.

En raison des difficultés liées à l’opérationnalisation de cette force, j’ai été nommé en 2011 afin d’accélérer le processus qui doit parvenir à son terme d’ici 2015. L’UA a fait appel à moi quand je venais à peine de conclure, à travers des élections que d’aucuns ont jugées libres, démocratiques et transparentes, la transition que j’avais été appelé par les forces vives de la Guinée à présider. Je me réjouis aujourd’hui d’avoir permis, en ma qualité de président de la transition avec le soutien actif de la communauté internationale incarnée alors par le Groupe de contact international sur la Guinée, de sortir mon pays de sa longue et tragique marche dans la dictature.

Le soldat que je suis, entraîné pour faire la guerre, a été ainsi transformé par les circonstances en un artisan de la paix et de la démocratie. La guerre, je l’ai pratiquée pendant une bonne partie de ma carrière et je puis dire qu’il n’y a pas pire calamité pour un peuple ou une région, qu’une telle aventure meurtrière, dévastatrice et déshumanisante. L’Afrique doit tourner résolument le dos à ces pratiques qui ruinent ses efforts de développement et dépeuplent des contrées entières. Ces guerres sont le plus souvent liées à la conquête ou à la tendance à confisquer le pouvoir.

Que vaut cependant le pouvoir d’un homme si son maintien et son exercice passent par la ruine de son peuple ? C’est le souci d’épargner les Guinéens de l’horreur d’une guerre civile, c’est la volonté d’ancrer mon pays dans une nouvelle ère de paix dans une nation réconciliée avec son passé et soudée dans la construction de son avenir, qui ont guidé mes actions pendant la transition. Aujourd’hui, mon vœu le plus sincère est que les dirigeants africains aient la ferme volonté d’œuvrer pour l’épanouissement de leurs peuples.

Dans le cadre de la mission que l’UA m’a confiée, j’ai l’occasion de rencontrer un bon nombre de ces dirigeants et j’ai la conviction qu’ils veulent véritablement sortir leurs pays de la misère morale et matérielle. Les partenaires de l’Afrique qui souhaitent aider ce continent à participer pleinement à la bonne marche des affaires du monde et surtout à contribuer à la paix et la sécurité internationales se doivent d’aider ces dirigeants et de soutenir leurs efforts en vue de faire de l’UA un instrument efficace pour l’intégration de l’Afrique et la promotion de la paix.

La Force africaine en attente de l’UA est conçue pour être un gendarme de la paix. Les États africains, dont pratiquement aucun ne peut s’estimer totalement à l’abri de situations pouvant conduire à une grave déstabilisation, doivent soutenir ce projet et concourir à sa réalisation. Les partenaires de l’Afrique dans ce processus doivent également le soutenir de bonne foi et comprendre positivement l’effort de l’Afrique de puiser en elle-même, les ressources nécessaires pour régler ses crises. C’est une contribution à la préservation de la paix par un allègement du fardeau que portent les pays du Nord dans la gestion des conflits à travers le monde.

C’est pourquoi j’ai accueilli favorablement le projet de création par l’UA de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises, dont l’expérience de la mise en œuvre influencera favorablement l’opérationnalisation de la FAA. Je saisis cette occasion pour rendre un hommage mérité à Mme le docteur Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l’UA, et à l’ex-commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité en la personne de Son Excellence Ramtane Lamamra, actuel ministre des Affaires étrangères de la République populaire d’Algérie, qui ont œuvré inlassablement pour l’adoption de ce projet, ainsi que l’ambassadeur Smail Chergui, le nouveau Commissaire paix et sécurité qui, à peine installé dans ses nouvelles fonctions, a déjà totalement pris la mesure de la tâche qui l’attend.

L’Afrique doit déterminer son avenir et apporter une contribution à la hauteur de ses énormes ressources à la prospérité mondiale. Elle méritera de la sorte sa place au grand rendez-vous du donner et du recevoir que constituent non seulement la culture de l’universel, mais aussi le commerce mondial à la périphérie duquel elle est cantonnée depuis des décennies. Pour accéder à la paix et à la prospérité et aller à la rencontre du monde pour en partager les dividendes, il faut que l’Afrique assume son destin en s’engageant résolument à s’unir et à mutualiser les efforts et les ressources de tous ses États pour l’atteinte des objectifs communs dont la paix et la sécurité me semblent des priorités.

Général Sékouba Konaté