Centrafrique : un an après le coup d’État, la situation reste volatileMercredi 26 Mars 2014 - 13:29 Les efforts internationaux pour s'attaquer à la crise en Centrafrique semblent toujours insuffisants un an après le coup d’État du 24 mars de l’alliance rebelle Séléka qui chassa François Bozizé du pouvoir. En témoignent les fusillades entre bandes armées qui ont encore éclaté lundi dans les quartiers nord de Bangui, la capitale, et le jour suivant, les brefs échanges de tirs dans la même zone Selon la Croix-Rouge, ces affrontements ont fait une quinzaine de morts depuis samedi. « Les affrontements ont éclaté à plusieurs endroits à la fois, amenant les forces internationales à s’interposer pour faire cesser les hostilités. Mais celles-ci ont été prises à partie et ont riposté », a expliqué un officier. En dépit des progrès enregistrés sur le plan sécuritaire grâce à l’action de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) et à l’opération française Sangaris, tout le monde convient qu’un an après l’arrivée au pouvoir de la Séléka et plus de deux mois après le départ de son chef, Michel Djotodia, des exactions contre les populations sont régulièrement signalées un peu partout dans le pays. Selon les régions, elles sont le fait des ex-Séléka ou des anti-balaka. Les troupes africaines et celles de Sangaris déployées sur place pour stabiliser la Centrafrique n’ont pas réussi à stopper la spirale de la violence. Ces violences ont provoqué un exode des populations musulmanes de régions entières du pays, a souligné le directeur Urgences de l’ONG Human Rights Watch (HRW), Peter Bouckaert. Pour ceux qui restent, la situation est « insupportable », a-t-il dénoncé. « La situation humanitaire et sécuritaire est très grave, insupportable pour les musulmans qui restent dans le sud-ouest de la Centrafrique et à Bangui. Il y a une vingtaine de poches dans le pays avec 15 000 personnes en danger. On doit réfléchir à les évacuer », a-t-il ajouté. Dans un recueil de 133 pages qu’elle vient de publier sur la situation en Centrafrique, l’ONG Human Rights Watch écrit : « Le coup d’État de la Séléka l’année dernière a semé la terreur et la désolation, suscitant une réaction violente et abusive de la part des milices anti-balaka, et les deux factions continuent de mettre en danger les populations en République centrafricaine. » « La réponse amplifiée de la communauté internationale depuis décembre 2013 n’a pas été capable de faire face à la crise, notamment en ce qui concerne le besoin de protection des civils et l’aide apportée aux milliers de personnes déplacées », relève Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de cette organisation de défense des droits de l’homme. Paris compte sur l’envoi d’une force européenne Actuellement, les autorités françaises misent sur l’envoi d’une force européenne en appui aux éléments de l’opération Sangaris et à la Misca pour tenter de ramener la paix dans le pays, en attendant une prise de relais par une force onusienne, toujours incertaine. Une centaine de soldats européens manquent toujours pour cette action. En effet, les pays d’Europe portent ces derniers temps toute leur attention sur la crise ukrainienne. Alors que les autorités de transition en Centrafrique souhaitent le déploiement d’une force de l’ONU, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, réclame quant à lui une décision rapide du Conseil de sécurité au sujet de l’envoi de 12 000 Casques bleus dans ce pays. En attendant le déploiement de la force de l’ONU, la Misca et l’opération Sangaris doivent prendre des mesures supplémentaires immédiates pour assurer une plus grande sécurité, notamment en patrouillant activement dans les zones vulnérables à la violence, en particulier celles où restent des populations musulmanes minoritaires. À la suite de l’effondrement de la Séléka, des milliers d’habitants musulmans ont fui pour se réfugier dans les pays voisins, tels que le Tchad, le Cameroun et la République démocratique du Congo. « Il reste encore d’énormes lacunes dans la sécurité la plus élémentaire apportée aux populations de la République centrafricaine. Des milliers de personnes, dont la vie reste en danger imminent, dépendent du déploiement urgent de troupes supplémentaires de maintien de la paix et d’une protection élargie de la part des troupes qui sont déjà sur le terrain », fait remarquer Daniel Bekele. Une aide financière internationale est apportée au pays Hormis les questions sécuritaire et humanitaire, l’économie représente une autre urgence, à laquelle la communauté internationale doit porter attention. À ce sujet, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Cééac) a annoncé, à l’occasion de sa réunion du 1er février à Addis-Abeba, en Éthiopie, octroyer 100 millions de dollars destinés à la Misca et au fonctionnement de l’État centrafricain. La République du Congo en particulier a débloqué, le mois dernier, une enveloppe qui a permis aux fonctionnaires centrafricains de percevoir, début mars, leur premier salaire depuis six mois. L’Union européenne a, de son côté, annoncé mi-mars l’octroi d’une aide de 81 millions d’euros à la Centrafrique consacrée à l’éducation, la santé et la sécurité alimentaire. Pour rappel, lorsque la Séléka — qui comprend surtout des musulmans originaires du nord-est du pays ainsi que du Tchad et du Soudan, — a accèdé au pouvoir, elle a commis des massacres dans de nombreux villages, incendiant et pillant les maisons, recrutant des enfants comme soldats, violant des femmes et tuant des milliers d’habitants. Ces attaques ont causé une crise humanitaire massive, contraignant la population à vivre sans logement, alimentation et soins de santé adéquats. En représailles à ces exactions, les anti-balaka (anti-machette), un groupe de combattants, chrétiens et animistes pour la plupart, constitués sous Bozizé pour combattre le banditisme, ont commencé à attaquer la Séléka en août 2013, et à prendre pour cible les civils musulmans censés soutenir la coalition rebelle. En décembre, ils ont mené une attaque de grande envergure contre Bangui, la capitale, obligeant la Séléka à battre en retraite et à se regrouper. La Séléka a officiellement cédé le pouvoir en janvier 2014. Une nouvelle présidente, Catherine Samba-Panza, anciennement maire de Bangui, a été élue le 23 janvier pour diriger l’administration intérimaire du gouvernement. Depuis lors, elle multiplie les rencontres avec ses pairs africains et les représentants des institutions internationales afin de récolter l’aide financière nécessaire au redressement du pays. Nestor N'Gampoula |