Le dialogue avec les musulmans est relancé au Vatican

Vendredi 21 Mars 2014 - 15:55

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Après un coup de froid spectaculaire sous Benoît XVI, les relations entre catholiques et musulmans se réchauffent

Une délégation musulmane de haut niveau est venue rencontrer le pape François, jeudi, au Vatican. Elle venait de prendre part à Castel Gandolfo —  « l’autre Vatican », comme dit l’homme de la rue à propos de ce lieu de résidence estivale des papes — à une rencontre entre religions ayant rassemblé « les amis de Chiara Lubich » sur le thème de : « Ensemble vers l’unité de la famille humaine ». Le mouvement porte le nom d’une femme catholique italienne, fondatrice du Mouvement des Focolari pour le dialogue entre les religions et la paix.

Des chrétiens de diverses dénominations, des musulmans et même des bouddhistes en font partie. À la rencontre de Castel Gadolfo, qui s’est clôturée jeudi, des musulmans sont venus partager avec d’autres croyants leur conviction qu’un monde de religion est d’abord un monde d’entente et de paix. Et le pape François, très en pointe sur les questions de dialogue entre croyants, les a bien volontiers reçus à sa résidence de la maison Sainte-Marthe où il continue de résider au Vatican, justement pour mieux être à l’écoute du monde et ne pas en être coupé.

C’est à cette occasion que l’Iranienne Shahrzad Houshmand a remis en main propre au chef de l’Église catholique une lettre signée par soixante-dix musulmans de diverses obédiences islamiques, et dans laquelle ils disent avoir été « profondément impressionnés par l’esprit évangélique d’humilité et de service » du nouveau souverain pontife. « Que l’unique Dieu qui a illuminé saint François puisse guider vos pas et nous guider tous dans notre marche commune pour le bien de toute l’humanité. Veuillez recevoir, Saint-Père, l’assurance de nos prières les plus ferventes. »

Dans leur message, les musulmans citent la cinquième sourate du Coran : « En vérité, les plus proches des croyants, en amour, sont ceux qui disent : nous sommes chrétiens, parce qu’entre eux, il y a des prêtres et des moines, et parce qu’ils ne sont pas arrogants » (Coran 5:82). Ils estiment par ailleurs que « les différentes institutions du monde islamique et la majorité absolue des musulmans croient fermement à la paix et à l’amour et s’y engagent ». Ils ajoutent aussi que « le vrai islam et une correcte interprétation du Coran s’opposent à toute violence. » Une précision importante au regard de l’actualité dans des pays comme le Nigéria, la Somalie ou le Kenya, où il ne passe pas de jour sans que des fondamentalistes musulmans s’en prennent aux chrétiens et à leurs structures.

Mais c’est une précision qui vaut réconciliation aussi. Les musulmans reviennent officiellement dans la coopération avec la hiérarchie de l’Église catholique du Vatican après des années de graves tensions. Le 12 septembre 2006, l’ancien pape Benoît XVI avait suscité un tollé mondial pour avoir donné l’impression, dans son discours à l’université de Ratisbonne, en Allemagne, selon la perception qu’en eurent les musulmans, que l’islam était une religion de violence. Le pape avait dû s’expliquer sur ses propos mal interprétés, le feu avait gagné la planète.

Jusqu’à ce jour, l’université Al-Azhar, la plus grande institution d’enseignement sunnite au monde, basée au Caire, n’a pas totalement rétabli les liens qu’elle avait rompus alors avec le Vatican sur cette question. D’une manière générale, le pape allemand avait laissé l’impression chez les musulmans d’être peu disposé au dialogue avec eux, un sentiment que le Vatican a toujours affirmé être basé sur une vision erronée. D’ailleurs, deux mois après ce que d’aucuns ont qualifié de « gaffe », le pape allemand était parti en visite officielle en Turquie, se recueillant même (pieds nus) avec des musulmans dans le mausolée Atatürk, à Ankara.

Mais le dégel ne se fait que progressivement. La semaine dernière au Vatican, catholiques, anglicans et musulmans ont signé le spectaculaire engagement de lutter ensemble contre la traite des êtres humains. Et cette semaine, c’est donc au tour des soixante-dix personnalités musulmanes de témoigner au pape argentin, successeur de Benoît XVI au Vatican, que ses faits et gestes poussent à un nouvel esprit dans le monde qui « suscite [chez] les musulmans confiance et espérance, en [leur] faisant revivre la parole de Dieu ».

Lucien Mpama