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Diaspora : pour une vulgarisation de la fabrication du manioc au Congo

Samedi 11 Janvier 2014 - 9:15

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Cela paraît paradoxal au pays du manioc, mais si ce féculent, base de l’alimentation, est très prisé, sa fabrication reste l’apanage d’une poignée de femmes – et d'aucun homme ! – dans le paysage congolais

C’est pour faire bouger les choses qu’une Congolaise de la diaspora se bat. Joséphine Moutimanakanga, militante des premières heures de l’URFC, est aujourd’hui établie aux États-Unis. Elle est revenue au pays en tant qu’animatrice principale de l’Organisation des femmes pour l’aide aux orphelins (Ofao). À Brazzaville, elle a rencontré Édith-Laure Itoua, conseillère du président de la République chargée du Département des Congolais de la diaspora, à qui elle a présenté son projet.

L’objectif affiché par l’association porteuse de ce projet est de lutter contre la vie chère et contre le manque de formation des jeunes filles congolaises. La  technique de fabrication de manioc n’est pas maîtrisée par la femme congolaise dans son ensemble, explique Joséphine Moutimanakanga. « Là où le bât blesse, c’est que l’aliment de base de notre pays et même de l’Afrique centrale est toujours aussi  cher sur le marché, jusqu’à 6 500 FCFA l’unité. Je suis mère de famille, et pendant ma vie active, travaillant au sein d’un cabinet ministériel comme secrétaire, je pourvoyais aux besoins de ma famille. Le manioc fabriqué par moi-même ne manquait pas à la maison. »

Elle souligne une réalité banale : autrefois, la technique de fabrication du manioc était apprise par les femmes de génération en génération ; aujourd’hui elle est sous-estimée par nombreuses d’entre elles à cause de l’aspect salissant pour certaines, alors que d’autres pointent du doigt l’odeur  gênante de l’activité. Derrière toutes ces excuses demeure un fait : la fabrication du manioc est de moins en moins relayée. Les femmes qui s’y adonnent sont classées dans une catégorie sociale de peu de valeur. Pourtant fabriquer, c’est-à-dire se mettre au pétrin, n’est pas chose simple. Fabriquer du manioc fait aussi appel à une bonne connaissance en agriculture, les tubercules de manioc ne se prêtant pas tous à n’importe quelle manipulation. 

Le projet porté par l’association de Joséphine Moutimanakanga devrait recevoir un bon accueil dans les milieux défavorisés et au sein des associations de femmes en général. De nombreuses jeunes filles désœuvrées découvriront avec cette activité un moyen de gagner dignement sa vie dans une société de plus en plus égalitaire face aux dépenses du ménage. « La jeune Congolaise s’attend à un bon boulot dans un bureau, ou à défaut rencontrer un bon parti qui prendra seul en charge la famille. Pourtant se former à la fabrication du manioc n’est pas difficile. En s’y mettant bien, au bout deux à trois jours, on apprend ce que chaque femme aurait dû apprendre plus tôt. Or la triste réalité aujourd’hui est que même dans les villages on trouve de moins en moins de femmes qui font le manioc, et pour celles qui le font, la question reste toujours posée de savoir si elles savent faire du bon manioc ! »

La chef du Département de la diaspora, Édith-Laure Itoua, avait rencontré Joséphine Moutimanakanga lors d’une tournée effectuée dans le cadre de ses attributions aux États-Unis. Elle n’a pas hésité à encourager la réalisation de ce projet aussi simple et prometteur d’emploi : « C’est un aliment de base que de nombreux Congolais à l’étranger recherchent. Mais sa fabrication n’est pas assimilée par la jeune femme congolaise. C’est un savoir à perpétuer. Les jeunes filles d’aujourd’hui devront un jour prendre le relais, mais le constat aujourd’hui c’est que cette tâche est délaissée à cause de certaines idées préconçues. » De manière concrète, ici au Congo, souligne Édith-Laure Itoua, des formations sur ce sujet pourraient être organisées conjointement avec le ministère de la Promotion de la femme. Ce serait le canal idéal par lequel ce projet pourrait prendre forme. Mais tout autour de cet apprentissage, il y a aussi l’agriculture qui devrait fournir la denrée première. Il faut donc prendre en considération les autres secteurs intervenant pour lutter efficacement contre la vie chère. « Dans les départements, on pourrait lancer de telles activités afin de redynamiser un  secteur économique pourtant prometteur. Certaines femmes, même dans les villages, ne savent pas faire du manioc. Qu’on rende l’apprentissage de cette technique agréable à réaliser, à l’image de la préparation d’un gâteau ! », déclare-t-elle.

 

Le manioc, un savoir-faire déjà transmis aux États-Unis

 

Chez elle, aux États-Unis, Joséphine Moutimanakanga fabrique, commercialise et transmet ses connaissances en ligne à de nombreux autres résidants congolais. Du Texas à New-York, et d’autres villes, elle vulgarise la technique de fabrication du manioc. Elle explique que l’une des conditions pour le fabriquer à l’étranger est de le faire proprement, sans odeur. La vie à l'étranger se déroulant en appartement, un espace réduit, il faut tout faire pour ne pas incommoder les voisins. « L’expérience m’a poussée à le faire proprement. Au Congo, les femmes ne se rendent pas compte à quel point le facteur espace est une richesse tandis qu’il est vécu par nous comme une contrainte. À l’étranger, on doit s’adapter avant tout. »

Le manioc, cette Congolaise d’une soixantaine d’années, le présente aux États-Unis sous une forme garnie originale, « du manioc au poulet ». Elle fabrique plusieurs modèles qui vont de la présentation la plus connue à des versions plus sophistiquées. Ses tubercules proviennent du marché du quartier (ravitaillement assuré principalement par le Cameroun, le Ghana ou la Côte-d’Ivoire). Elle laisse tremper cet ingrédient de base pendant plusieurs jours… et le tour est joué. Une autre de ses trouvailles est d'acheter les tubercules qui ont été délaissés sur les rayons des supermarchés et de les retravailler. Aucune différence dans la qualité finale. La seule différence de fabrication aux États-Unis est dans l'emballage : avant la cuisson, envelopper le pain de manioc dans du film alimentaire recouvert de papier aluminium, les feuilles de manioc n'existant évidemment pas. Résultat garanti !

Petite curiosité : un produit bien fait coûte de 3,5 dollars à 5 dollars américains (l'équivalent de 2800 FCFA). Il paraît que la clientèle se bouscule et que la diaspora en redemande. Idée simple, retour sur investissement assuré : Il fallait seulement y penser !

Luce-Jennyfer Mianzoukouta

Légendes et crédits photo : 

Photo1 : Joséphine Moutimanakanga et la conseillère chargée de la diaspora, Édith-Laure Itoua. (© DR) ; Photo 2 : Les enfants de l'Ofao lors d'une activité. (© DR)