Centrafrique : la reconstruction du pays menacée par la guerre des chefs

Jeudi 20 Juillet 2017 - 13:40

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L’élection du président Faustin-Archange Touadéra, en début 2016, avait représenté un espoir après le déchaînement des violences en Centrafrique mais les tensions au sommet entre le président de la République et celui de l’Assemblée nationale menacent déjà la reconstruction du pays, a-t-on appris des sources concordantes.

Si le président de la chambre basse du parlement, Abdoul Karim Meckassoua, un élu du PK5, le quartier musulman de Bangui, apparaissait comme un symbole de réconciliation après le déferlement de haine entre rebelles Séléka pro-musulmans et anti-Balaka animistes ou pro-chrétiens, aujourd’hui, les choses semblent avoir changé. Et pour cause, dans ce pays où l’Etat peine à exercer son autorité au-delà de la capitale, Bangui, les relations entre les deux hommes n’ont cessé de se dégrader jusqu’à une rumeur de coup d’Etat.

Cette cacophonie a été prise au sérieux par Didacien Kossimatchi, un proche du président centrafricain. « Nous assistons à des infiltrations de mercenaires à Bangui et ses environs », avait-il déclaré samedi à la radio d’Etat, assurant qu’une dizaine d’entre eux, interpellés, avaient affirmé être là pour « tuer le président de la République » pour le compte d’Abdoul Karim Meckassoua.

Dans sa réponse concernant ces allégations, le vice-président de l’Assemblée nationale, Aurélien Simplice Zingas, a dit que « les accusations portées sont extrêmement graves ». « Il se trouve que des personnes non autorisées s’arrogent le droit de parler en lieu et place de l’exécutif, qui n’a rien à voir avec ces supputations », a pour sa part déclaré dimanche sur la même chaîne le porte-parole du gouvernement, Albert Yaloké Mokpem. Dans un communiqué, il a annoncé le suivi de l’arrestation des étrangers et a mis en garde ceux qui entretiennent des rumeurs de coup d’Etat. C’était après que l’Assemblée nationale ait demandé l’ouverture d’une information judiciaire au sujet de Didacien Kossimatchi, accusé d’être l’auteur intellectuel d’un coup d’Etat en gestation.

« Il existe des personnes mal intentionnées qui passent leur temps à faire vivre le peuple centrafricain dans la psychose de la peur, de putsch et de coup d’Etat. Nous mettons en garde ces individus, qui font de cette pratique leur fonds de commerce que ces manières doivent cesser impérativement », avait souligné le porte-parole de la présidence.

Plusieurs analystes de la situation en Centrafrique confirment que l’animosité entre le président de la République et celui de l’Assemblée nationale, qui n’est autre que l’un de ses rivaux à la présidentielle de 2016, n’a pas diminué depuis le scrutin. Les deux hommes sont tous deux d’anciens ministres influents de l’ex-président François Bozizé – Faustin-Archange Touadéra a été son Premier ministre entre 2008 et 2013 et Abdoul Karim Meckassoua ministre d’Etat entre 2003 et 2013.

« Le président Touadéra a pensé mettre de son côté Meckassoua en l’appuyant pour le perchoir. Mais c’était sans compter les déceptions que Meckassoua a vécues sous le régime Bozizé », a affirmé un autre ancien candidat à la présidentielle. « Touadéra n’a pas compris ça, il s’est fait piéger et tente de réparer cette erreur politique », a expliqué un proche du président de la République, ajoutant qu’il préférait évoquer cette affaire sous-couvert de l’anonymat.

Les tensions opposent les chefs au sommet alors que la Centrafrique attend les retombées des annonces de la table ronde de Bruxelles sur l’aide financière à apporter à Bangui. Au plan sécuritaire, le pays est depuis plusieurs mois en proie à un regain de violences, dans le centre (Bangassou en mai, Bria en juin, Kaga-Bandoro en juillet), et dans l’est (Zemio en juin). Il a basculé dans les massacres de masse en 2013 avec le renversement du président Bozizé par l’ex-Séléka, entraînant une contre-offensive des anti-Balaka, bénéficie d’un retour au calme dans Bangui après l’intervention de la France (2013-2016) et des Nations unies. Mais les groupes armés menacent toujours les civils dans l’intérieur du pays.

Nestor N'Gampoula

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