Une écrivaine italienne agressée au Kenya par des "sans-terre"

Dimanche 30 Avril 2017 - 9:41

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Kuki Gallmann est une icône en Italie et dans le monde de la préservation de la nature. Mais aussi un symbole controversé de l’accaparement des terres.

L’écrivaine Kuki Gallmann vit au Kenya depuis des décennies. Elle y a même perdu son mari et son fils dans deux accidents séparés. D’origine italienne, elle dirige une réserve privée à Laikipia, au centre du Kenya. Dimanche, alors qu’elle inspectait des logements endommagés la veille par un incendie d’origine criminelle, elle a été attaquée par trois hommes armés qui l’ont blessée à l’estomac. Conduite dans un centre de santé proche, puis à Nairobi, elle a été sauvée grâce à une intervention chirurgicale. Deux de ses agresseurs ont été abattus par des rangers kenyans.

La nouvelle de l’agression de cette icône de l’environnement en même temps qu’écrivaine à succès a bouleversé pas mal de monde en Italie. Mais elle a été aussi l’occasion d’une polémique qui se ravive cycliquement autour du problème de l’accaparement des terres africaines par des expatriés. Le parc de Kuki Gallmann à Laikipia mesure 400 Km2. Des éleveurs des environs et des écologistes l’ont souvent dénoncée comme occupant un trop vaste espace alors que les petits agriculteurs des alentours doivent se contenter de lopins plus restreints.

Les tensions ont redoublé ces dernières semaines, ravivées par une grave sécheresse qui pousse les petits fermiers à s’aventurer de plus en plus loin pour faire boire leurs troupeaux. Autre facteur aggravant : le Kenya s’apprête à tenir au mois d’août des élections générales, une circonstance qui est généralement cause de violences. Ethnies de pasteurs ou d’agriculteurs s’alignent généralement derrière des camps politiques opposés, le moindre prétexte étant bon pour enflammer les esprits. On se rappelle que les élections présidentielles de 2007 avaient plongé le pays dans un bain de sang.

Mais la sécheresse actuelle joue aussi un rôle détonnant, au point que l’armée a été déployée dans cette Vallée du Rift particulièrement asséchée. La situation est telle que des éleveurs semi-nomades, usant parfois de violences, se sont introduits par dizaines dans des ranchs privés pour faire boire leurs troupeaux de bœufs, de chameaux ou de moutons. Les fermiers défendent généralement leurs propriétés.  Il y a déjà eu 20 morts depuis le début de l’année.

Une voix très écoutée en Italie, lorsqu’on parle du Kenya, est celle du missionnaire combonien Alex Zanotelli qui a vécu de très longues années dans ce pays. Il a réagi à l’agression de Mme Kuki Gallmann : « moi, je ne la connaissais pas, ayant toujours vécu dans les bidonvilles de Nairobi et ne voulant pas m’aventurer dans ces si nombreux jolis postes qui existent au Kenya. Mais il y a certainement le problème d’une femme vivant dans une zone comme le Masai Mara, avec un très grand ranch de 400 Km2, juste en face de petits agriculteurs se débattant dans des problèmes énormes ».

Pour le missionnaire, les élections dans cinq mois agissent déjà comme catalyseurs de violences. « Et puis, il y a le problème de sécheresse », ajoute-t-il. « Les plus récentes statistiques indiquent que 24 millions de personnes sont affectées dans toute l’Afrique de l’Est. Cela crée de l’exaspération. Voir ainsi une personne seule qui possède beaucoup, même si Kuki Gallmann a fait beaucoup pour le Kenya, ne peut que susciter ce genre de réactions malheureusement », affirme le missionnaire dont la crinière et la barbe blanches sont connues dans toutes les rédactions de la Péninsule.

Lucien Mpama

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