Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies,
Messieurs les officiers généraux,
Officiers, sous-officiers, spahis et soldats de la force Sangaris,
Je suis très heureux de me retrouver ici à M'Poko en République Centrafricaine. C'est avec fierté que je me tiens à vos côtés, Monsieur le Président, pour cette cérémonie qui nous rassemble, après tant d'épreuves et de défis partagés. Et c'est avec fierté également que je me tiens devant vous, « les Sangaris », au moment de prononcer la fin de cette opération. Je sais que nous ressentons aujourd'hui une même émotion. Je garde intact le souvenir de mon arrivée à Bangui, le 12 décembre 2013, quelques jours à peine après le déclenchement de notre intervention.
C'était le 5 décembre 2013, en réponse à une demande des autorités centrafricaines : François Hollande, le Président de la République, dans le respect de nos engagements de défense, décide alors le déploiement en urgence de la force Sangaris, pour mettre fin à un cycle d'exactions et de massacres, et empêcher ainsi un désastre humanitaire. À la suite de l'adoption à l'unanimité de la résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations Unies, Sangaris commence officiellement dans la nuit du 5 au 6 décembre avec l'arrivée à Bangui du général Soriano qui commande l'opération. Il m'accompagne aujourd'hui et je m'en réjouis. Près de trois ans plus tard, nous mesurons tous le chemin parcouru.
Je tiens à saluer les membres de votre gouvernement, Monsieur le Président, ainsi que les membres de l'Assemblée nationale ici présents. C'est avec confiance que je vois réunis les détachements des forces armées centrafricaines aux côtés des unités de la MINUSCA et de la mission de formation de l'Union européenne, EUTM RCA. Ce rassemblement de forces, c'est le symbole de ce que nous avons accompli et la garantie des perspectives qui s'ouvrent désormais au service de la paix en Centrafrique. Oui, votre présence à tous symbolise de manière très concrète tout ce qui a pu être réalisé en si peu de temps.
A l'annonce par le Président de la République de l'envoi de troupes françaises ici, nous avions tous conscience qu'il s'agissait là d'une mission périlleuse. La Centrafrique était alors en pleine guerre civile, déchirée par des conflits intercommunautaires, en proie à un chaos indescriptible. Et face à cela, la France décidait de s'engager. Nous le faisions conscients de l'urgence de la situation, conscients également que c'était la responsabilité de la France et de ses armées de s'engager de la sorte.
C'est d'abord dans l'Ouest du pays, et à Bangui, que Sangaris intervient. A partir de début 2014, vous êtes également déployés à l'Est. En trois années de présence, avec des effectifs qui n'ont jamais dépassé les 2500 hommes, la force Sangaris aura contribué à la stabilisation du pays ; grâce à l'engagement admirable de vos prédécesseurs et de chacun d'entre vous, Sangaris sera parvenu à ramener du calme au milieu des déchaînements de violence. Elle aura su briser le cycle dramatique des exactions, des représailles et des vengeances. Elle aura permis de sauver de nombreuses vies.
C'est la première réalité de cette mission et vous l'avez accomplie. Et quelles qu'aient pu être les tentatives de déstabilisation de votre action, et il y en a eu, nos armées ont fait honneur à notre drapeau. C'est un premier motif de fierté pour vous, pour les armes de la France, et pour l'ensemble de nos compatriotes.
Entrés sur ce théâtre d'opérations, vous avez également permis la montée en puissance du dispositif international avec la mission de l'Union africaine, la MISCA, puis avec la MINUSCA et les différentes missions de l'union Européenne : je pense, tour à tour, à EUFOR, puis EUMAM et aujourd'hui EUTM RCA. C'était le deuxième objectif de votre mission. Car je le rappelle, la force Sangaris avait été conçue d'emblée comme une force relais : elle devait permettre le déploiement d'une force de maintien de la paix des Nations Unies et faciliter l'engagement des différentes missions militaires de l'Union européenne.
Avec intelligence et détermination, vous avez su accompagner l'ensemble de ces forces ; vous les avez aidées à se déployer et à s'imposer dans le pays. Au fil des patrouilles communes et des missions partagées, vous avez noué avec elles une véritable fraternité d'armes. L'efficacité des forces internationales en Centrafrique, c'est aussi le résultat de votre action.
Mais il ne s'agit pas uniquement d'une réussite sur le plan opérationnel. Votre succès est aussi à saluer sur le plan politique. Sangaris aura en effet contribué à la tenue d'élections démocratiques, et au lancement du processus de réconciliation intercommunautaire. Par votre présence dissuasive, vous avez soutenu la reconstitution de l'Etat centrafricain, condition indispensable du retour de la concorde et de la paix dans ce pays.
J'étais le 30 mars dernier, ici même, pour l'investiture du Président Touadera. Cette élection était aussi l'aboutissement de votre engagement au service du rétablissement d'un Etat de droit et d'autorités légitimes en Centrafrique. C'était la reconnaissance des efforts patients et efficaces, que vous, les Sangaris, avez menés pendant un peu plus de deux ans.
Obtenir de tels résultats avec une force réduite, c'est une véritable prouesse militaire. Grâce à vos qualités de soldats professionnels, vous avez relevé ce défi. Grâce à vous tous, nous pouvons dire aujourd'hui que Sangaris a rempli sa mission. Je le dis avec fierté et reconnaissance, devant la presse comme devant les nombreux responsables politiques centrafricains qui nous entourent.
A l'heure du bilan, c'est un regard lucide qu'il convient en effet de porter, sans excès ni complaisance, sur ce qui a été accompli. Bien sûr, rien n'est jamais parfait, rien n'est jamais achevé. Mais l'honnêteté aujourd'hui, c'est de reconnaitre votre travail, vos mérites, votre abnégation et votre valeur. Vous aviez trois missions : mettre fin au chaos, accompagner les forces internationales et permettre la tenue d'élections ; ces trois missions sont aujourd'hui remplies, personne ne peut le contester.
Je veux donc ici, au nom de la France, vous en féliciter chaleureusement et vous témoigner la gratitude de la Nation pour votre engagement sur ce théâtre d'opérations difficile et exigeant.
Cette réussite a un prix, je le sais. Je tiens à rendre un hommage solennel à ceux à qui nous devons ce succès, et qui ne sont plus parmi nous aujourd'hui. Je pense aux caporaux Nicolas VOKAER et Antoine LE QUINIO, et aux caporaux-chefs Damien DOLET et Heiarii MOANA. Ils sont présents à jamais dans nos mémoires. Je pense également à tous les blessés, du corps et de l'esprit, que cet engagement au service de la paix aura meurtris. Et je tiens également à exprimer le soutien de l'ensemble du ministère de la Défense pour les familles de ces soldats à qui nous devons tant.
Plus généralement, c'est à l'ensemble des détachements qui se sont succédé sur la terre de Centrafrique que je souhaite rendre hommage. Les conditions opérationnelles dans lesquelles vous avez œuvré étaient difficiles, je le sais. Il vous a fallu vaincre la fatigue, affronter la chaleur, agir dans des situations souvent très éprouvantes Ces difficultés, avec à chaque fois leurs caractéristiques singulières, je les retrouve sur tous les théâtres d'opération où je vais à la rencontre de nos forces. Et partout, je retrouve la même détermination et le même dévouement, celui des hommes et des femmes de nos armées qui ne ménagent pas leurs efforts, au service des armes de la France et de notre engagement pour la paix.
Le processus politique en cours démontre que la Centrafrique est sur la voie de la stabilisation même si le chemin est ardu. Le contexte actuel de sortie de crise requiert désormais une approche globale, dans laquelle la composante militaire ne tiendra plus le premier rôle.
Nous passons donc le relais à la mission des Nations unies. La MINUSCA est aujourd'hui déployée sur l'ensemble du territoire où elle assume efficacement sa mission de protection des populations civiles. Cette mission joue et jouera un rôle essentiel pour appuyer le rétablissement complet de la sécurité et de la souveraineté nationale par les autorités centrafricaines, derrière le Président Touadera.
Je salue la présence parmi nous de ses chefs, Monsieur Onanga, Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies ainsi que du général Balla Keïta, le commandant de la force.
Avec EUTM RCA et son chef, le général Hauteclocque-Raysz, la formation des premières unités centrafricaines a débuté. Les échos que j'en ai eus sont très encourageants. Le soutien de la mission de l'Union européenne est pour nous plus qu'un symbole : c'est l'engagement des Européens pour la sécurité centrafricaine ; c'est aussi un gage de réussite collective, derrière l'engagement du gouvernement centrafricain pour réformer en profondeur sa défense.
Ensemble, vous soutenez les réformes courageuses du Président Touadera ; vous permettrez ainsi à la République Centrafricaine de reconstruire son armée et ses forces de sécurité, condition indispensable à une paix durable dans ce pays.
Pour autant, et je veux le dire avec force devant le Président Touadera, la France n'abandonne pas la Centrafrique. Nous resterons très vigilants sur l'évolution de la situation et nous conserverons une capacité d'intervention avec un très court préavis, grâce à l'échelon local, grâce aux unités de l'opération Barkhane comme à celles prépositionnées ailleurs en Afrique.
De plus, le retrait de Sangaris sera compensé par une présence française renforcée au sein de la MINUSCA : nous y déploierons rapidement une unité de drones tactiques (SDTI). Elle renforcera la capacité d'analyse du théâtre dont dispose la MINUSCA, en appui à son mandat. Depuis le Liban en 2006, c'est le premier engagement d'une unité militaire française constituée au sein d'une opération de maintien de la paix, qui plus est sur un théâtre de première importance pour l'action des Nations Unies.
Je tiens également à mentionner notre participation à la mission de formation et de conseil stratégique militaires EUTM. Nous l'avons voulue, nous l'avons souhaitée, nous l'avons accompagnée depuis le début et nous en sommes toujours le principal contributeur, aux côtés déjà de six autres de nos partenaires européens.
Ces contributions au sein de la mission des Nations Unies, comme d'EUTM RCA, soulignent, s'il en était besoin, l'attachement de la France à la robustesse des forces internationales en Centrafrique, à commencer par la MINUSCA.
L'armée française sera certes moins visible en tant que telle mais elle restera présente, active et vigilante.
Sous l'impulsion de notre ambassadeur, Christian Bader, que je salue, la France reste aussi présente sur le plan politique pour poursuivre avec détermination son engagement à vos côtés, pour la stabilité et la reconstruction de la République centrafricaine. Que ce soit dans la perspective de la conférence des bailleurs, qui se tiendra le 17 novembre prochain à Bruxelles, ou avec le renforcement de notre coopération bilatérale de défense. Avec cela, la profonde amitié qui lie nos deux pays est plus que jamais au cœur de notre action.
Notre coopération militaire sera densifiée, avec le soutien des forces françaises au Gabon, mais aussi avec des équipements qui permettront une meilleure efficacité des FACA. J'aurai d'ailleurs le plaisir de procéder, dans un instant, à une première cession de matériel.
Je fais toute confiance à notre attaché de défense, le colonel Yves Dépit, qui connait bien votre pays, pour réussir dans cette mission essentielle à votre profit.
Officiers, sous-officiers, Spahis et soldats, vous les « Sangaris », une page se tourne aujourd'hui. Ministre de la Défense, alors que votre fanion va être plié, je suis fier de ce que l'ensemble des détachements qui se sont succédé ici ont accompli. En acceptant de faire face aux déchirements d'un pays ami, vous avez porté haut les couleurs de la France au service de la paix. A travers moi, la Nation vous témoigne sa reconnaissance et sa profonde gratitude.
« I Yeke Oko » - Nous sommes tous ensemble
Vive la République ! Vive la France ! Vive l'amitié entre la Centrafrique et la France !