Dynamique africaine et désert électrique : quel rôle pour les énergies renouvelables ?

Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:09

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Un taux de croissance de 5% depuis une décennie déjà (à peine 2% en Europe), un endettement public de 33% (92% en Europe), une population (très jeune) qui va dépasser celle de la Chine en 2035, et une classe moyenne qui s’installe durablement. L’Afrique grandit, l’Afrique avance, l’Afrique nous devance et nous surprend… On y percevait il y a encore quelques années un grand niveau de risque. Aujourd’hui le réel danger, c’est de ne pas y être… À ce rythme, le PIB africain pourrait être supérieur au PIB européen en 2050. Plus de 84% des Africains sont optimistes, ils croient en leur avenir, alors que la France vient de perdre son précieux triple A…

Pauline Desfontaines, Experte en énergies renouvelables zone Afrique, responsable du développement chez Soitec SolarIl est temps pour l’Europe de revisiter sa collaboration avec l’Afrique afin de créer de nouveaux échanges Sud-Nord. L’Afrique recherche plus que jamais des solutions pour son accès à l’énergie, l’Europe dispose des réponses adaptées. L’étendue du travail ? Sortir les populations rurales de l’obscurité, recharger les outils de communication (de nombreuses transactions s’effectuent par mobile), faire fonctionner les nouvelles unités agroindustrielles. C’est un vrai défi : les maternités de Kinshasa évitaient encore récemment les coupures du matin en ne fonctionnant que l’après-midi ! Les outils des industriels nord-africains sont détériorés par les délestages, les pertes de revenus liées aux pannes sont considérables. Les entreprises ne cessent d’investir dans des groupes électrogènes coûteux, polluants et bruyants.

Autre sujet épineux : la facture énergétique. Les États sont pris dans le tourbillon des subventions établies dans le passé : le cours des matières premières fossiles a grimpé, et très peu d’États ont répercuté cette hausse sur la facture du client. Piochée dans les caisses de l’État, la subvention protège les consommateurs. Le temps des réformes arrive : il s’agit de diminuer les compensations et d’appliquer un tarif le plus proche possible du réel en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. Un accompagnement peut être utile pour partager les expériences de transition réussies.

Le taux d’électrification sur le continent n’est que de 42%, inférieur à 10% dans les zones rurales. Pour pallier les carences, 8 GW par an seront nécessaires. Paradoxalement, l’Afrique regorge de ressources : Gibraltar est l’un des spots les plus ventés du monde, la radiation solaire est exceptionnelle, la chaleur abonde dans les sous-sols du rift est-africain, il existe une pléthore de chutes d’eau non exploitées, et des milliers de déchets à convertir en électrons. Le soleil est déjà exploité pour sécher le manioc, et les pompes éoliennes fonctionnent depuis des décennies.

Il faut bien s’en rendre compte, aujourd’hui, la donne a changé : les énergies renouvelables permettent de produire un kilowattheure à un coût compétitif. Abondantes, inépuisables et disponibles pour tous, les énergies renouvelables permettent aussi de garantir une stabilité des prix pour vingt ans. Cette alternative ne contribue pas seulement à maîtriser la facture : de nombreux pays disposent maintenant d’une courbe de charge journalière marquée par une nouvelle pointe de « mi-journée » due aux activités industrielles et à la généralisation des climatiseurs. À midi, le soleil brille à son plus haut point, et le solaire peut contribuer à satisfaire cette pointe de jour.

Éoliennes, solaire, offre couplée énergie et numérique : la rencontre entre le Sud et le Nord s’impose. Maintenant

L’Europe, les bailleurs de fonds et les programmes d’assistance technique peuvent considérablement contribuer à l’essor des énergies renouvelables en Afrique. Quelques éléments de contexte sont néanmoins à considérer : des alliances Sud Sud ; l’expertise locale, qui est précieuse ; la mise en place de microréseaux électriques, une des priorités est de tisser le canevas réglementaire, financier et technique de microréseaux, y compris de réseaux hybrides ; le numérique, avec l’utilisation des nouvelles technologies ; le soutien des projets d’intégration régionale des réseaux de transport ; l’encouragement de partenariats public-privé est aussi une des clés du succès ; le déploiement des énergies renouvelables associé à la création de nouvelles filières ; l’encouragement de l’entrepreunariat des petites et moyennes entreprises.

La rencontre entre le Sud et le Nord s’impose. Maintenant.

Énergie : projet pionnier d’électrification de l’Union du fleuve Mano

La Banque africaine de développement a approuvé le projet d’interconnexion des réseaux électriques de Côte d’Ivoire, du Libéria, de Sierra Leone et de Guinée, dont le montant s’élève à 145 millions d’euros. Cette interconnexion des pays de l’Union du fleuve Mano sera mise en œuvre entre 2014 et 2017.
La construction de cette ligne favorisera le développement du potentiel hydroélectrique de la sous-région en permettant l’échange d’énergie électrique entre les pays au sein du grand marché ouest-africain et en contribuant ainsi à l’intégration régionale.
Les pays de l’Union du fleuve Mano sont fragiles et sortent de longues crises sociopolitiques. Les faibles investissements dans le secteur des infrastructures électriques ont rendu celles-ci obsolètes, avec pour corollaire un niveau de service très faible.

Noël Ndong

Pauline Desfontaines

Légendes et crédits photo : 

Pauline Desfontaines, Experte en énergies renouvelables zone Afrique, responsable du développement chez Soitec Solar