Amiral Marin Gillier : « La coopération militaire de la France vise l’appropriation par les Africains des instruments nécessaires pour assurer la stabilité continentale »Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:03 Amiral, vous venez d’être nommé directeur de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) au sein du ministère des Affaires étrangères. Quels sont, selon vous, les grands enjeux que doit aujourd’hui relever le continent africain ? Pour répondre aux défis sécuritaires que ce continent doit relever aujourd’hui, les Africains souhaitent mettre en œuvre « des solutions africaines aux problèmes africains ». Ils sont engagés et mettent en œuvre plusieurs initiatives au niveau des États, des communautés régionales et de l’Union africaine pour construire un système de sécurité régional et continental. Un meilleur environnement sécuritaire est nécessaire pour favoriser la consolidation de la démocratie, l’État de droit, et le développement économique. Quelle est votre attente vis-à-vis des pays africains ? La coopération militaire structurelle de la France, qui a pour premier objectif le renforcement des capacités, est fondée sur le principe de l’appropriation, par les partenaires africains, des instruments et moyens nécessaires pour assurer eux-mêmes la stabilité de leur environnement. Ce processus doit à terme aboutir à une autonomie complète en matière de sécurité et de défense. Existe-t-il d’autres structures favorisant cette appropriation ? Traduction concrète d’une volonté africaine de s’approprier la formation, les dix-sept écoles nationales à vocation régionale, soutenues par la DCSD, forment aujourd’hui annuellement près de 2 400 stagiaires africains venant de tout le continent. Maintien de la paix, sécurité intérieure, formation stratégique et d’état-major, santé, génie, déminage, administration, logistique, aéronautique, sécurité maritime… l’ensemble des domaines de la coopération est concerné. Appropriation, transparence, engagement dans la durée, rayonnement, tous les principes d’action d’un partenariat de qualité y sont réunis. Quels sont les mécanismes destinés à favoriser le processus de paix en Afrique ? Parallèlement aux opérations de maintien de la paix, les stratégies de paix, stabilité et sécurité sont poursuivies au travers de partenariats. Le partenariat stratégique de Lisbonne, et plus particulièrement son volet paix et sécurité, en est l’un des plus emblématiques. L’objectif de cette stratégie commune est d’établir une coopération entre l’Afrique et l’Union européenne en vue d’améliorer leur capacité à réagir, de manière adéquate, aux menaces pour la sécurité du continent africain. Les problématiques sécuritaires ne se limitent plus aux frontières d’un État. Faut-il parler de régionalisation de la sécurité en Afrique ? Même s’il reste nécessaire de poursuivre des actions bilatérales dans le domaine de la sécurité intérieure, comme en matière de défense, pour fournir aux autorités des États partenaires une expertise, de la formation et du conseil, il est essentiel d’intensifier le développement des projets qui tendent à répondre à des menaces qui, elles, sont régionales, voire globales : trafics transfrontaliers de stupéfiants, d’armes, d’êtres humains ; usage de faux documents ; insécurité aéroportuaire ; blanchiment ; terrorisme ou insécurité maritime. En matière de sécurité maritime, quelles sont les actions menées par la France, plus particulièrement concernant le golfe de Guinée ? En raison de l’accroissement des activités illicites dans le golfe de Guinée, la question de la sécurité maritime a pris une ampleur croissante dans le périmètre d’action de la DCSD. Il s’agit bien d’assister nos partenaires dans l’exercice de leurs droits souverains et de leur permettre de sauvegarder leurs intérêts dans leur espace maritime. Et pour le Congo, quelles sont vos priorités en matière de coopération ? L’École nationale à vocation régionale Génie-travaux, située à Brazzaville, constitue sans nul doute ma priorité au Congo. Ouverte officiellement en 2010, cette école poursuit sa montée en puissance. Chaque année, elle forme plus d’une centaine de militaires africains aux différentes opérations d’infrastructure (terrassement, conduite d’engin, travaux publics). Sa spécificité réside dans le caractère dual de son enseignement, c’est-à-dire une formation utilisable à des fins militaires et civiles. Par ailleurs, cette école s’inscrit dans le continuum sécurité-développement. À ce titre, nous ambitionnons peut-être un jour, en accord avec les autorités congolaises, que cette école puisse former du personnel civil.
Lutte contre le terrorisme : l’avenir du continent en jeu Le terrorisme menace l’Afrique, et les États ne disposent pas tous des mêmes moyens pour endiguer ce fléau. Si Aqmi terrorise l’Afrique de l’Ouest à l’instar de Boko Haram, à l’est les autorités kenyanes et éthiopiennes sont sur le qui-vive. Analyse Comment l’Afrique va-t-elle assurer sa sécurité et sa propre souveraineté sur son continent ? La lutte antiterroriste est le défi majeur du continent au vingt et unième siècle. Si Aqmi s’est fait remarquer par son implantation au Nord-Mali et au Niger, la coopération africaine a mis du temps à répondre de manière efficace. La guerre contre le terrorisme représente également un coût élevé. Ainsi, a-t-on appris sur le site internet Meretmarine.com que la guerre contre les pirates somaliens avait coûté 6 milliards de dollars en 2012. Une somme importante, mais en net recul, avec une baisse de 12,6% par rapport à 2011. Enfin, le continent n’en a pas fini avec les conflits internes. C’est le cas en Centrafrique depuis le départ du président François Bozizé. Propos recueillis par Noël Ndong Légendes et crédits photo :Né le 27 novembre 1957, l’amiral Marin Gillier, diplômé en ingénierie et de l’École navale, occupe la fonction de directeur de la coopération de sécurité et de défense, au sein du ministère des Affaires étrangères français depuis le 1er août 2013. l’amiral Marin Gillier est également intervenu sur plusieurs fronts au cours de sa carrière : au Rwanda, en 1994 et en Somalie en 2008 lors de la libération de 30 otages du Ponant en 2008. |