Mode: Jocelyn Armel, une icône de la sape

Lundi 20 Juin 2016 - 13:40

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A Paris, dans l’univers coloré de la sape, Jocelyn Armel, dit Le Bachelor, s’impose avec des choix exigeants et avant-gardistes, faisant de lui une personnalité incontournable du secteur. Avec sa marque Connivences, créée il y a 10 ans, jonchée au cœur du 18ème arrondissement de Paris, à Château Rouge, le créateur est à l’affiche de la campagne « Talent du Congo » de la compagnie aérienne congolaise Ecair

Singulier. Le mot s’accorde parfaitement à cette personnalité originale née il y a plus de cinquante ans au Congo Brazzaville. À la tête d’une marque de prêt à porter qui présente une offre complète de vêtements masculin, Jocelyn Armel, s’est taillé une place de choix dans le milieu très fermé de la mode parisienne.

Sa boutique située rue de Panama a été classée parmi les 100 boutiques de Paris à visiter par le magazine Monsieur. Les cultissimes City Guide de Louis Vuitton destinés aux voyageurs exigeant l’ont inscrit parmi les meilleures adresses de la ville de Paris.

Jocelyn Armel possède l’assurance tranquille des gens libres, ceux qui laissent leur instinct gérer leur vie tout en regardant dans le rétroviseur de ses origines. Une puissante source d’inspiration dans laquelle il baigne quotidiennement. Sa boutique est un bout de Congo à Paris qui ne cesse de séduire le monde, et de nombreux aficionados de la mode colorée. Sa clientèle éclectique, tient en effet à sa double origine.

Dans sa boutique, les Congolais des deux rives y passent régulièrement. On y parle lingala en sirotant un verre de whisky. La musique congolaise accompagne les conversations au gré de l’actualité, des naissances ou des décès. Pendant ce temps, il écourte une conversation autour de Papa Wemba pour conseiller une mère venue acheter un blazer pour son fils. C’est l’ambiance qui règne dans ce temple de la sape.

Cet après-midi d’avril 2016 où nous le rencontrons, son esprit est profondément marqué par la disparition de l’illustre personnalité musicale africaine ci-dessus cité à Abidjan. La nouvelle est de toute les conversations pendant qu’un écran de télévision diffuse les clips de son dernier album, « Maître d’école ». Une manière pour Le Bachelor de rendre hommage à celui qu’il a habillé dans le clip Araignée. Tout de noir vêtu, il dit à qui veut l’entendre « je suis éprouvé ». Les jours suivants, quelques artistes parmi lesquels Bozi Boziana, Loko Massengo, MJ 30, Delvis El Salseiro, Top One Frisson, Benji, etc. s’étaient joints à lui pour le tournage d’un clip en hommage au vieux Bokul. Un remix du titre la vie est belle à l’initiative d’Issap Production. « Avec la marque connivences, confie-t-il, je crée des connivences positives avec ce que Papa Wemba fut hier, ce qu’il est aujourd’hui et ce qu’il sera demain. »

Quelques jours plus tard, nous le retrouvions à Kinshasa où aux côtés d’autres sapeurs de la délégation congolaise, il a rendu un vibrant hommage au « Roi de la sape » avant sa mise en terre. Ce voyage à Kinshasa, a été aussi pour l’entrepreneur, l’occasion d’affiner son projet de voir s’ouvrir une représentation de sa marque à Kinshasa comme dans d’autres grandes villes du continent africain.

Derrière ces projets, une réelle ambition de développer un écosystème pouvant favoriser les prémices d’une industrie du genre au Congo, sa terre natale. Son leitmotiv, militer pour que la Sape devienne une vitrine du Congo et une source de développement économique et culturel.

PAPA WEMBA, TOUTE MA JEUNESSE !

« Il est rentré dans ma vie avant même que je ne vienne en France. Papa Wemba c’est Zaïko, Isifi. C’est aussi « Chouchouna », « Miyélélé », c'est « Liwa na nga ya somo », « ainsi va la vie », « Amazone », « Mère supérieure ». C’est toute ma jeunesse qui s’en va. En France, Papa Wemba c’est Connivences. En 2010, à la faveur d’une émission Enquête exclusive spéciale sape diffusée sur M6 où il était invité, il m’a porté, soutenu et donné ma chance. A l’époque, du vivant de mère MALU, il portait un blazer orange à 8 boutons. Entre temps, je l’avais déjà habillé pour un premier album. Son dernier acte de solidarité et d’amour, c’est quand il m’a demandé de réitérer l’exploit pour son dernier album « Maître d’école » dans le clip Araignée où il arbore un trois pièces Connivences ».

L’HABILLÉ

« L’expérience aide mieux dans le choix à porter. Il y a des tenues qui iront mieux à Papa Wemba qu’à Bachelor. Une tenue pour qu’elle vous sied, doit être l’expression de ce que vous êtes en général. Wemba est un artiste. Il sortait un opus très attendu. A ce moment-là, il y a une approche métaphysique de l’habit. Dans mon acception, l’habit est tout sauf un cache sexe surtout lorsque l’on est amené à coacher un grand artiste de la trompe d’Ekumani. Le choix que j’ai opéré pour l’habiller d’un trois pièces sur son dernier album fut un risque que je prenais. Cependant, je souhaitais que sa tenue reflète l’esprit de son album. Le hasard n’existant pas, l’artiste a porté l’ensemble Connivences dans une chanson d’inspiration Congo- Brazzaville pour me donner plus de visibilité et saluer mon travail de créateur ».

ECAIR, UNE FIERTE

« La considération de la compagnie nationale vient après une reconnaissance française. Cet honneur me fait chaud au cœur. Qu’ECAir ait choisi quelqu’un de l’univers de la sape, comme porte étendard d’une campagne publicitaire, si je boude mon plaisir, là vraiment j’ai un problème ! »

LA SAPE ECONOMIQUE, UN COMBAT UTILE

« N’en déplaise à certains, il est temps de saisir l’opportunité de parler de la sape économique. Le Congolais est élégant, mais nous sommes un paradoxe total. Il n’y a pas le début d’une création typiquement congolaise. Or, il est possible de créer un écosystème favorable au « Made in congo » en favorisant la formation des artisans, la création d’une chaîne de développement des marques et travailler pour sa reconnaissance dans le secteur.

A Brazzaville, la sape économique pourrait être l’équivalent des Champs Elysées avec toutes les marques qui s’y trouvent et ceci entrainerait ipso facto une visibilité pour le pays et créerait des emplois autour de cette industrie.

Brazzaville peut me faire confiance. Que l’on me laisse expliquer ce concept et que nous ayons le moyen de former les artisans locaux jusqu’à lancer une chaîne de fabrication de vêtements. Je veux que l’on prenne des risques avec moi, parce que je pense avoir les moyens de matérialiser ce que je dis. N’oublions pas que je suis économiste de formation. »

RENOUVELLEMENT DES COLLECTIONS

« Le textile est un secteur très dur, mes ventes finançant ma prochaine collection. Je ne demande qu’aux esprits curieux de prendre le risque de la sape économique. Même si ce n’est pas à Brazzaville, la création des boutiques dans les capitales africaines (Abidjan, Kinshasa, Dakar, etc ;) inspirera les jeunes générations. L’économie calme les nerfs. Que l’on me fasse jouer le petit rôle que je demande. Paris me prend au sérieux. Que le Congo prenne le relais. La sape économique a un sens. C’est vers elle qu’il faut y aller ».

 

Meryll Mezath

Légendes et crédits photo : 

1- Jocelyn Armel, "Le Bachelor" devant sa boutique Sape et Co (Connivences) 2,3 et 4: Les pièces Boutique Sape et Co 5-Le Bachelor en compagnie du journaliste Antoine de Caunes (Canal+) 6-La dernière collection Connivences

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