Forum économique sur l’Afrique : selon Donald Kaberuka, l’Afrique doit « transformer la richesse finie en richesse infinie, la richesse naturelle en richesse fabriquée »

Vendredi 11 Octobre 2013 - 16:30

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Personnalité de choix pour parler au nom de l’Afrique de ses problématiques, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Donald Kaberuka, a pris part, le 7 octobre, au forum économique de l’OCDE dédié à l’Afrique sur le thème : « Tirer parti des ressources naturelles pour la transformation économique »

Pour Donald Kaberuka, il est essentiel de libérer tout le potentiel du capital naturel du continent, auquel la croissance de l'Afrique est lié, en assurant surtout l’autonomisation de son capital humain, gage de sa survie, « bien après l’épuisement de ses précieuses ressources naturelles et de l’effondrement de leurs prix ». Selon lui, il est faut « transformer la richesse finie [de l’Afrique] en richesse infinie, la richesse naturelle en richesse fabriquée, et les économies qui s’appuient sur des ressources en des économies diversifiées qui s’appuient sur le savoir-faire et l’industrie, créatrices d’emplois. »

Pour le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Angel Gurria, les Africains peuvent « passer deux minutes à [se] féliciter, mais c’est tout. Les grandes choses que l’Afrique a accomplies ces dix dernières années ne suffisent pas encore. »

Le gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, Mallam Sanusi Lamido Sanusi, a été plus direct : « La croissance africaine est de 5% ou 7%, c’est très bien, mais celle de la Chine est de 10% depuis trente ans. » Il considère qu’il y a encore du « chemin à parcourir ». « L’argent de l’Afrique ne va pas toujours là où il devrait aller », a-t-il regretté, prenant l’exemple de son pays, le Nigéria : « Nous sommes assis sur 25 milliards de dollars destinés à financer nos pensions, que nous pourrions investir pour répondre à nos propres besoins en infrastructures, ou pour renforcer nos capacités de production et de traitement. Nous cultivons des tomates, mais nous importons du concentré de tomate. »

Les ressources naturelles, moteur de la transformation structurelle

Les participants à la conférence pensent que les ressources naturelles du continent peuvent servir de moteur à une « transformation structurelle ». Le secret de cette transformation, ce sont « les hommes et les femmes », a déclaré le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan. Le modèle asiatique a été régulièrement cité, et plus spécifiquement la Chine et Deng Xiaoping. Donald Kaberuka a cependant mis en garde : « Chaque pays doit trouver la voie qui assurera son propre développement : nous ne pouvons pas simplement transposer un modèle. »

Le secrétaire exécutif de la Commission économique de l’Afrique, Carlos Lopes, a déploré que l’Afrique soit si peu douée pour vendre sa réussite dans le domaine de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, alors qu’une vingtaine de pays africains ont enregistré les meilleurs résultats du monde. « Les recettes provenant des ressources naturelles ne sont responsables que du tiers environ de la croissance de l'Afrique au cours de la dernière décennie, a-t-il affirmé. Nous exagérons l’influence de la Chine sur le continent, puisqu’il ne reçoit que 4 % des investissements directs étrangers de ce pays. »

L’inclusion et l’emploi, deux priorités partagées par la BAD et les pays africains

Interrogé sur sa vision de la transformation économique en Afrique, Donald Kaberuka a souligné les deux grands défis à relever : la crise énergétique du fait du manque d’infrastructures de base, et la difficulté de coordination de l’ensemble des pays africains « fragmentés et différents ». Il a insisté sur ses priorités et celles de la BAD : « l’inclusion » et « l’emploi », évoquant les conséquences de l’exclusion et du terrorisme. Carlos Lopes a affirmé que l’Afrique devrait créer 50 millions d’emplois par an.

Selon la BAD, l’Afrique disposerait de réserves pétrolières de 120 milliards de barils (autant que l’Arabie saoudite) et de 600 millions d’hectares de terres arables non cultivées (la moitié du total mondial). Tous les participants ont convenu que le premier défi posé par la gestion des ressources naturelles est de « s'assurer de l’obtention de la totalité des recettes et de les utiliser de manière judicieuse et équitable ». Si les recettes fiscales tirées des ressources naturelles par les États ont augmenté de 40 % en 2011, les bénéfices des sociétés internationales ont augmenté de 110 %. L’Afrique perdrait plus de 60 milliards de dollars par an, du fait des sorties illégales de capitaux et de la manipulation des tarifs de l'extraction des minéraux, la majeure partie de ces recettes étant exportée hors du continent.

Les facteurs clés de la transformation structurelle : diversification, capacités et recettes

Pour réussir sa transformation structurelle, l’Afrique doit arriver à combiner « diversification, capacités et recettes ».

La diversification consiste à investir les recettes des ressources naturelles dans d’autres activités productives comme le Chili (qui investit les recettes du cuivre dans l’industrie de la pêche) ou la Malaisie. Les capacités consistent à développer et à vendre le savoir-faire pour tirer le meilleur parti des ressources naturelles, comme l’a fait l’Afrique du Sud sur le marché minier mondial. Enfin, la clé du succès est d’investir les recettes tirées des ressources dans l’enseignement et la santé, les infrastructures et des services efficaces.

Noël Ndong