Sud-Kivu : des pressions s’accentuent pour la réouverture de l’hôpital de Panzi

Samedi 3 Janvier 2015 - 14:25

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Des ONG du Sud-Kivu ont demandé le week-end aux autorités de débloquer les comptes de l'hôpital de Panzi afin que les soins reprennent normalement dans cet établissement célèbre pour les services rendus aux femmes victimes de viols.

La nouvelle année 2015 commence plutôt mal pour le Dr Denis Mukwege, lauréat du prix Sakharov du Parlement européen pour son engagement en faveur des victimes de viols dans l'est de la RDC. Son hôpital de Panzi, un des grands centres de santé du sud-Kivu vient, en effet, d’être accusé de fraude fiscale par la Direction générale des impôts (DGI). La fraude fiscale dont la question s’élèverait, d’après le ministre de la Santé, à près de 600.000 euros entre 2012 et 2013. Depuis ces années, explique-t-on, l’hôpital n’a plus versé un seul rond en termes d’impôt professionnel sur les rémunérations (IPR) de ses employés accumulant, entre-temps, des arriérés qui aujourd’hui pèsent sur ses finances. L’autre grief formulé par les autorités de Kinshasa concerne le recrutement irrégulier, sans l’accord du gouvernement, des employés non assujettis au paiement de l'impôt professionnel sur les rémunérations.

Des imputations qui ont conduit il y a quelques jours à la saisie des comptes de l'hôpital au grand dam du personnel qui ne sait plus à quel saint se vouer.  La DGI a, en effet, saisi l'argent sur le compte prévu pour les salaires du mois de décembre et pour le renouvellement des stocks de médicaments rendant incertain l’avenir des médecins et infirmiers prestant au sein de cet établissement hospitalier. Pour n’avoir pas reçu leur salaire de décembre, ces hommes et ces femmes ont dû passer les festivités de Noël et de Nouvel An dans le dénuement le plus total. C’est non sans raison qu’ils ont manifesté tout récemment devant les installations de la DGI pour protester contre la saisie des comptes de leur établissement. La DGI aurait mis en branle cette opération en moins de dix jours seulement après émission de deux avis de recouvrement sans respecter le délai légal de six mois après notification, fait-on savoir du côté des avocats de l’hôpital. Ces derniers y voient manifestement l’ombre d’un acharnement avec des motivations politiques. D’aucuns lient cet épisode aux récentes prises de position du Dr Mukwege en rapport avec le débat en cours sur la modification de la Constitution.

Rejetant toutes les accusations portées contre l’hôpital de Panzi, ses avocats ont non seulement dénoncé une taxation illégale, mais aussi indiqué que tous les employés sont des agents de l'État recrutés par l'Inspection provinciale de la santé. « Si tous n'ont pas d'immatriculation comme tel, c'est parce que l'inspection a pris du retard dans la mise à jour de ses fichiers », fait observer Me Patient Bashombe avant d’ajouter qu’aucun hôpital public ne paie d'impôt professionnel sur les rémunérations. Ce qui est taxé dans le cas d’espèce, a-t-il expliqué, ce sont les primes versées en supplément des salaires du personnel de l’hôpital qui, du reste, n’ont jamais fait, depuis la nuit de temps, l’objet de recouvrements spéciaux.   

 Plusieurs ONG locales se disent préoccupées par cette situation et demandent aux autorités de rouvrir l’hôpital de Panzi. « Nous demandons aux autorités de trouver une mesure transitoire pour permettre à l'hôpital de fonctionner », martèlent différentes associations du Sud-Kivu. Quant au Dr Mukwege, il pense qu’il y a une urgence à agir vite dans l'intérêt des malades dont le droit à la vie pourrait être mis en péril à défaut d'approvisionnement en médicaments et autres fournitures nécessaires pour prodiguer des soins. Il dénonce tout aussi la violation du droit des agents de l'hôpital à être rémunérés pour leur travail.  Implanté à Bukavu, l'hôpital de Panzi compte quelque cinq cents employés et est spécialisé dans la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Dr Denis Mukwege