Numéro spécial Francophonie : Des structures pour favoriser l’insertion professionnelle des femmes

Samedi 15 Novembre 2014 - 15:30

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Lorsque je séjourne au Congo, j’apprécie de me rendre sur les marchés pour faire mes courses. J’observe souvent de nombreuses femmes qui vendent des denrées alimentaires et des biens de première nécessité. C’est ainsi que je découvre, Agathe, mère de famille qui se lève à cinq heures du matin pour acheter des bananes qu’elle vendra sur le marché, Martine qui fait de l’agriculture pour vendre des maniocs, souvent sans aide de l’État et sans formation professionnelle

Ces femmes sont aussi des chefs de famille, veuves, divorcées, assumant seules l’éducation de leurs enfants, dans un contexte socioéconomique difficile (chômage, précarité), avec au quotidien des problèmes d’eau, d’électricité et l’absence de protection sociale. Leur contribution au secteur informel est très importante, et les femmes ont mis en place des systèmes d’auto-organisation pour pouvoir s’en sortir. Dans les grandes villes africaines, on observe une modernisation de la société de façon inéquitable, le fossé se creuse entre de nouveaux riches et des familles vivant encore d’une manière très traditionnelle, et les femmes en sont les principales victimes dans la mesure où les plus jeunes sont, parfois, obligées d’arrêter leur scolarité et se retrouvent responsables de frères et sœurs avec la tentation de se trouver un mari pour pouvoir subvenir aux charges familiales. À cela on peut ajouter des grossesses précoces dues à un manque d’accès à la contraception et les risques de MST.

Des efforts considérables doivent être effectués pour l’encadrement des plus démunis : une aide à la professionnalisation, des structures d’accompagnement avec des permanences sur les lieux de vie et d’activités, une protection sociale (allocations familiales, pension de retraite, accès aux soins, etc.). Il est nécessaire d’instituer une véritable politique sociale d’encadrement de ces familles monoparentales, où l’on trouve trop souvent des cas d’échecs scolaires. Certaines jeunes filles se retrouvent notamment à renoncer à leurs études ou à leur carrière pour pouvoir aider leurs parents, celles qui arrivent à poursuivre sur place se voient confier des niveaux de responsabilité inférieure à celle des hommes de même niveau.

La situation actuelle tend heureusement à s’améliorer, au prix de beaucoup d’efforts et de persévérance. Des exemples de femmes qui accèdent à des postes clés auparavant à dominance masculine (par exemple, des femmes dans le secteur pétrolier ou dans les réseaux télécommunications), se multiplient, preuve que les femmes prennent leur place dans la société, un modèle transposable dans tous les pays francophones. Dans les écoles où j’ai eu à intervenir, pour de nombreuses filles les études offrent la possibilité de ne pas reproduire le modèle social, il y a donc une prise de conscience des choix de vie et leurs conséquences à long terme. Malheureusement, elles sont obligées de partir pour aller poursuivre leurs études ailleurs, qu’elles arrêtent parfois faute de soutien ou restent dans le pays d’accueil qui leur propose de meilleures perspectives de carrière.

Dans le cas du Congo qui a fait le pari d’être émergent, l’investissement dans l’éducation est plus qu’important, urgent. Nelson Mandela disait : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. » Cette éducation doit être présente à tous les niveaux, une formation professionnalisante, des structures de meilleure qualité, des programmes, un encadrement, une bonne orientation scolaire, des bourses, pour des jeunes. Aujourd’hui les TIC se développent un peu partout en Afrique, les gens disposent de téléphones portables et/ou de tablettes. Ce sont là des supports d’information, d’éducation et de vulgarisation auprès des populations avec une implication plus grande des parents dans l’éducation et l’épanouissement de leurs enfants.

Par ailleurs, la francophonie ne doit plus se limiter à l’usage d’une langue mais comprendre un partage de valeurs, de principes mais aussi la mise en place de projets entre pays de langue française. Il existe plusieurs possibilités ou plusieurs organismes qui favorisent des partenariats sur des projets éducatifs et scientifiques. L’Agence universitaire francophone offre notamment des opportunités en termes de mobilité et de financement de projets entre pays de l’espace francophone.

J’ai pour modèle de femme Marie Curie, grande scientifique française qui à l’âge de 39 ans se retrouva veuve avec deux jeunes enfants et continuera ses recherches, respectera ses engagements et obtiendra un second prix Nobel. L’enjeu est de taille pour les femmes, car « tout en conservant leur féminité, elles doivent assumer leurs responsabilités, en s’imposant aussi bien par leurs compétences cognitives que par leurs compétences comportementales », comme le dit Serge Bouiti-Viaudo, directeur de cabinet au ministère des Hydrocarbures du Congo. Elles doivent arriver à relever ce défi avec de l’audace, de la prise de risques et pour ambition affichée une implication plus grande dans les instances de décision.

Théodora Mière est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (France). Dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger les recherches (HDR), elle a eu à former des étudiants en réseaux et télécommunications et à œuvrer sur place pour un meilleur accès aux TIC et la mise en place de services ajoutés au Congo-Brazzaville. Blog : milietheodoramierewordpress.com

Dr Théodora Mière