Regroupement : vers la création d’une « ONU des religions » ?Vendredi 5 Septembre 2014 - 16:37 La proposition a été faite au pape François par l’ancien président israélien Shimon Peres qui lui demande d’en être le « secrétaire général » ! Il ne sera décidément pas dit que la rencontre des leaders israéliens et palestiniens venus prier avec le pape le 8 juin dernier au Vatican restera sans effets. Cette réunion insolite visait avant tout à empêcher le déchaînement des violences au Proche-Orient. Peine perdue : pendant 50 jours, l’armée israélienne a fait la guerre, à Gaza, au mouvement palestinien du Hamas. L’enclave a été littéralement rasée au sol et la reconstruction ne sera pas des plus aisées tant les deux parties restent résolument attachées aux raisons qui les firent venir à cette meurtrière extrémité. Le 18 août dernier, de retour d’une visite historique en Corée du Sud, la question avait été posée au pape François : l’initiative inédite de faire prier l’Israélien Shimon Peres et le Palestinien Mahmud Abbas au Vatican pour la paix avait-elle été inutile ? La réponse du chef de l’Église catholique fut pleine de la conviction qu’il n’y a pas d’alternative au dialogue pour atteindre la paix. « La rencontre du 8 juin au Vatican a au moins permis d’ouvrir une porte. Elle n’était pas une demande de l’Église catholique mais des leaders du Moyen-Orient eux-mêmes. On peut estimer que la porte restera maintenue ». Au regard de l’actualité, il ne semble pas que les propos du chef de l’Eglise catholique aient été une simple pirouette ou une tentative d’esquiver une réalité des plus complexes et des plus difficiles dans un Moyen-Orient où la paix n’a pas la même résonnance. Israéliens et Palestiniens ne préconisent pas la même modalité pour l’atteindre. Shimon Peres, qui était il y a quelques semaines encore le président d’Israël, a d’ailleurs reconnu jeudi à Rome que son pays ne sortira vainqueur d’une guerre que lorsqu’il fera la paix. Pas certain que même dans son propre pays, cela soit fortement partagé ou puisse se décliner en ces termes. Qu'en pense le pape ? En visite privé au Vatican le même jour, l’homme politique israélien a proposé au pape que le monde se dote d’une Organisation des nations-unies des religions pour veiller à la paix. Que le pape se soit montré amusé par une telle suggestion, l’histoire ne le dit pas. Mais le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, a indiqué que le Souverain pontife avait écouté cette surprenante proposition « avec attention et intérêt ». En diplomatie, il y a plusieurs manières d’opposer une fin de non-recevoir à une idée : une d’elle est précisément de l’écouter avec attention. Non que l’idée soit mauvaise, ni même que la démarche du chef de l’Église catholique en soit éloignée, mais proposer le chef des catholiques comme secrétaire général d’un tel organisme est plus que le Vatican ne peut envisager ! Il ne peut pas endosser la responsabilité de la création d’une telle structure qui pourrait se révéler un centre de cacophonies incroyables. Voilà pourquoi le père Lombardi a tenu à préciser que le pape François, considéré par le président Peres comme « le seul leader respecté en tant que tel par les religions les plus diverses », et comme tel le personnage le plus adapté pour être à la tête de cette institution, n’a rien promis. Il a répondu à son interlocuteur que le Saint-Siège avait des dicastères dévolus à la cause de la paix dans le monde. Il s’agit, a précisé le pape, des dicastères (ministères) « du dialogue interreligieux et justice et paix ». Et il a ajouté que leurs titulaires, les « cardinaux (Jean-Louis) Tauran et (Peter Kodwo) Turkson suivront avec attention cette proposition ». Les deux hauts-prélats cités, un Français et un Ghanéen, sont déjà à pied d’œuvre depuis longtemps pour plaider auprès des autres religions la nécessité d’une entente des croyants au moins pour la paix du monde. Les réponses qui leur viennent en écho ne sont pas toujours à la hauteur du volontarisme du Vatican sur cette question. Les religions seraient-elles à l'origine des guerres ? Pour Shimon Peres, « aujourd'hui, les guerres éclatent essentiellement avec comme prétexte, la religion. Pour lutter contre cette dérive nous avons l'Organisation des Nations unies, mais il s’agit d’une institution politique, qui n'a ni les armées dont disposent les nations, ni la conviction qu'engendre la religion. Ce serait la meilleure manière de s'opposer aux terroristes qui tuent au nom de la foi ». L’idée est limpide, mais sa faisabilité compliquée à l’extrême ! Car cela supposerait aussi, a priori, qu’une telle institution ait une grande force de persuasion auprès de tous ceux qui ont les plus diverses raisons de mener la guerre au nom de Dieu. Pas sûr que Boko Haram ou les Shebabs soient enthousiastes à l’idée d’avoir à renoncer, au nom de la religion, aux bombes et aux rapts au Nigéria et en Somalie ! Et cela supposerait aussi de se rallier, même a minima, au choix de faire la guerre à la violence par des moyens violents, une doctrine diamétralement opposée à celle que prône l’Église catholique depuis toujours. Lucien Mpama |