Papa Wemba : un héritage artistique énorme

Revisitant l’immense discographie de Papa Wemba, il y a lieu de s'attarder sur « Siku ya Mungu », un air langoureux qui est passé malheureusement tel un météore dans l’imaginaire de nombreux mélomanes alors qu’il recèle une richesse artistique énorme. Sortie en 1986 sous le label Sonodisc, cette chanson a véritablement boosté l’inclinaison qu’avait l’artiste vers des sonorités d’ailleurs. Son rapprochement avec le britannique Peter Gabriel au milieu des années 1990 est venu, comme qui dirait, sceller une dynamique déjà en branle, en s’efforçant d’agencer tout ce que le chanteur présentait comme prédispositions à prester à une échelle plus vaste et plus professionnelle.  

L’envergure atteinte par Jules Shungu à cette époque était telle qu’il devenait finalement difficile de confiner le personnage dans le ghetto culturel d’un Congo qui rêvait de nouvelles sonorités après avoir subi, pendant plusieurs décennies, le diktat d’une rumba traditionnelle devenue anachronique. Le label musical international « Real World » qui parraina l’artiste avec, à la clé, une tournée américaine en 1993, avait sans doute influencé sa perception musicale avec une vision plus orientée vers la Word Music. L’une des performances à mettre justement à l’actif du leader de Viva-la-Musica, c’est le fait d’avoir réussi à allier le goût des Congolais, ou mieux des Africains à celui des Occidentaux à travers une recherche constante des métissages sonores, même les plus inimaginables.

Cette nouvelle approche musicale est symbolisée notamment par « Émotion », l’album culte édité en 1995 avec plus de 500.000 albums vendus. L’un des points forts de l‘artiste réside dans son aptitude à opérer un parfait alliage entre les différentes sensibilités musicales (rock, soukouss, zouk, salsa, etc.) tout en restant soi-même. Le talent seul ne suffit pas pour réaliser de telles prouesses. Il faut y ajouter ce brin de génie qu’incarnait Bakala Dia Kuba. La quête effrénée de la perfection a été sa marque de fabrique. Cela transparaît nettement dans Zaïko Langa-Langa dont il fut un des cofondateurs en 1969. Par son style de chant inspiré du rock américain qu’il affectionnait, il influença -toute proportion gardée- le tempo de cet orchestre mythique qui se délesta alors des instruments à vent au profit de la batterie. Le génie artistique de Papa Wemba est, par ailleurs, symbolisé par le « Lokolé », cet outil de communication traditionnelle qu’il incrustera dans son dispositif musical en synchronisation harmonieuse avec les guitares.

Chanteur émérite, Mzee Fula Ngenge savait tout faire avec sa voix, toujours haut perchée et capable d’atteindre des cimes inespérées. Il a influencé des générations entières des chanteurs-ténors sur ce registre. Son dernier opus « Maître d’école », peut être décrypté, à juste titre, comme une interpellation pour un retour aux sources et aux fondamentaux de la rumba aujourd’hui sacrifiée sur l’autel de la concupiscence et de l’immoralité.