Madingou 2016 : alors, on dit quoi ? (2)

Lundi 29 Août 2016 - 11:33

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La municipalisation accélérée dans la Bouenza a eu ses effets immédiats, elle en aura de lointains. Madingou jubile, mais Nkayi n’est pas en reste.

Il y a une blague qui court dans le quartier Kividi de Nkayi. Elle  consiste à demander à quelqu’un s’il habite Nkayi… ou Jacob. La subtilité de l’anecdote mérite une explication pour les lecteurs plus jeunes : l’ancien nom colonial de Nkayi, cité sucrière, c’est Jacob. Or dans le secteur de la Clinique Moungondo de Nkayi, les habitants n’en reviennent pas de se retrouver dans un autre contexte, qui relève de la ville avant le 15 août dernier. Entre Kividi et le reste de la ville, il y a la voie ferrée. Mais il y a surtout… le goudron !

Pour aller de Kividi à la gare, il y a deux voies: la nouvelle et l’ancienne. Deux routes en ligne droite qui encadrent la voie ferrée : côté gauche, elle est bitumée depuis début août et elle passe à côté du commissariat de police avant de déboucher sur la Place de la gare. Côté droit, elle reste en terre, et sa couche de poussière ressemble à du foufou teint en rouge. Kividi vit donc le sort des bordures de villes et des périphéries : ni vraiment dedans, ni tout à fait dehors. Jalousie ! Lorsque le président Denis Sassou N'Guesso est passé à Nkayi le 14 août, une mère de famille a crié : « Eh ! Président : regarde par ici et envoie-nous le goudron ! ».

Ceci relève de l’anecdote, bien entendu. Car c’est toute la ville de Nkayi qui est désormais dans l’émerveillement. La troisième ville du Congo est fière ; elle est  remplie d’orgueil car la municipalisation accélérée lui a apporté plus qu’elle n’avait espéré. Mais ne répétez surtout pas à haute voix ce que j’écris : l’habitant du coin est sourcilleux et n’hésite pas à recadrer quiconque viendrait claironner que c’est Dolisie la troisième ville du Congo. Surtout pas maintenant! Nkayi redresse la tête, s’ébroue et perd tous ses complexes. Il y a seulement deux mois, elle ne comptait que deux rues bitumées, pour aller de la gare à l’hôpital.

Aujourd’hui, les tracteurs et les excavateurs  sont à pied d’œuvre pour trouer la ville de part en part : de Mabombo à Le Village ou même à Muana Nto ; du rond-point moderne à l’aéroport, l’habitant de Nkayi se lève pratiquement chaque matin avec une rue bitumée nouvelle. Et l’éclairage public qui va avec. Mais la plus grande fierté reste Yoka Ngassi, l’aéroport. Depuis des temps immémoriaux, Nkayi n’a jamais eu qu’une piste en terre battue et une bicoque en tôle comme aérogare. D’ailleurs, les vols n’y venaient que par intermittence. Le dernier Antonov de Air Mawené a sans doute rendu l’âme depuis belle lurette. Et avec lui l’espoir d’aller à Brazzaville ou à Pointe-Noire sans forcément passer par la rivale Dolisie qui, elle, se riait des misères paysannes de sa voisine, toute riche de ses plantations de canne et de son sucre qu’elle soit.

Les pendules sont désormais remises à l’heure. Nkayi, qu’on se le dise, reprend de la grandeur et du prestige. Vous avez dit « sucre » ? C’est vrai, cette ville reste la première productrice de cette denrée dans le pays. Mais n’allez pas croire que ses atouts s’arrêtent là. Ils sont rehaussés par la nouvelle usine de production de jus de fruit et d’huile d’arachide que le président est venu étrenner à Kayes, sur les rives de la rivière éponyme, le 16 août. Madingou a festoyé et accueilli le feu d’artifice du 15 août, Nkayi jubile de devenir vraiment une ville.

L’habitant le dit avec l’humour de bon ton. « Avec les nouvelles routes qu’on nous a apportées, vous savez qui sera le plus malheureux ici ? Le Wara ! L’Ouest-africain, habituel vendeur des sandales en plastique qui s’usaient vite sur la terre-latérite et qui attendra désormais plus longtemps devant son étal. Les chaussures la-gomme dureront plus longtemps ! ». C’est un pari, un effet induit par une circulation à pied ou en voiture devenue plus facile, moins caillouteuse. On disait jadis à Nkayi que pour circuler  après une pluie, il fallait « chausser le crabotage ». D’ailleurs la chaussure locale adaptée, faite de lanières de pneu, s’appelait « pi-pi », imitant le klaxon d’une voiture. Passé révolu ? A voir et à suivre dans notre prochaine édition.

Lucien Mpama

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